Selvyn nous invite à partager le déjeuner dans la salle commune. La plupart des aliments (riz, légumes) sont offerts à l’association par des donateurs indiens. Ce qui représente une importante quantité de nourriture. L’établissement accueille une centaine de filles et de garçonnets (moins de 10 ans pour ces derniers) orphelins ou abandonnés, qui sont scolarisés à l’école voisine, la trentaine d’enfants infirmes que nous avons vus ce matin et une vingtaine d’adolescents et adultes handicapés mentaux *. Plus de cinquante personnes travaillent pour Prema Vasam.
Si l’état a reconnu l’association et lui a donné une habilitation il n’en n’ouvre pas pour autant les cordons de la bourse. Aucun financement public n’est accordé.
Depuis des années Selvyn et Mumtaj avancent quasiment au jour le jour, jamais certains de pouvoir continuer à mener à bien leur entreprise le mois ou l’année suivante.
Heureusement, Prema Vasam bénéficie du soutien financier et affectif de l association italienne Cotronix.
Après le déjeuner nous retournons dans le bureau pour, enfin, discuter de ce fameux terrain.
« Voir le terrain, s’exclame Selvyn, maintenant ? Ce n’est pas possible, il est à plus de deux heures de trajet d’ici ! »
Nous convenons de remettre la visite à demain mais sans notre hôte qui doit partir pour quelques jours de vacances dans sa maison au sud du Tamil Nadu, en compagnie d’un groupe de jeunes filles orphelines.
Via Skype, d’Italie, Valeria s’immisce dans la conversation, elle a devant elle les plans de la maison qui pourrait être construite sur ce terrain que personne n’a encore vu et voudrait demander quelques précisions, notamment sur les dimensions, écrites en square feet, unité de mesure anglaise inconnue en Italie.
Selvyn se lance alors dans une série peu concluante de calculs et conversions jusqu’au moment où, levant les yeux vers la fenêtre, il s’écrie « Ravi is walking, Ravi is walking ! » avant de se précipiter sous la galerie pour soutenir lui-même les pas chancelants de Ravi, ravi.
Le temps passe et nous sommes toujours là car la voiture qui doit nous ramener servira aussi à accompagner à la gare Selvyn et son petit groupe.
Indra sera du voyage.
Indra, « the queen », la plus éclatante réussite de Prema Vasam.
Un auto-rickshaw la ramène de l’université. Une jeune femme la prend dans ses bras pour la déposer, gracieuse et légère comme une fleur coupée, sur la table du bureau.
Elle est belle, lumineuse.
Quand Selvyn l’a rencontrée elle avait 14 ans.
Elle lui a dit « Je veux étudier ».
Il a dit « Ok »
Alors elle est venue vivre à Prema Vasam.
Elle a désormais 24 ans et passe brillamment un master d’informatique à l’université de Chennai.
Elle maitrise remarquablement l’anglais et a aussi étudié le japonais.
Chapeau !
* Je n’ aime pas cette appellation mais je n’ en trouve pas d’ autre.