« L’espérance ? Une chose infâme (…) un piège inventé par les patrons et les religieux pour soumettre les peuples! »
« J’espère une belle révolution, on n’a jamais eu de révolution en Italie »
A déclaré Mario Monicelli dans Raiperunanotte, la percutante manifestation pour la liberté d’expression organisée par le journaliste Michele Santoro – son émission de débats politique « Anno Zero » a été suspendue pendant la campagne électorale des Régionales par le Conseil d’administration de la Rai – la FNSI (fédération nationale de la presse italienne) et l’Usigrai (syndicat des journalistes de la Rai). Diffusée jeudi 25 mars 2010, grâce à l’indispensable concours de nombreux techniciens, sur différents sites internet (plus de 125 000 connexions simultanées, le plus grand événement web de l’histoire italienne) des radios et des télés mais aussi projetée sur les places des principales villes italiennes, la manifestation a été suivie par des milliers d’Italiens.
Dès le début de l’émission le ton est donné : Mussolini et Berlusconi, des discours similaires.
L’ombre du fascisme pèse sur l’Italie.
« Nous ne sommes pas encore fascistes, déclare Michele Santoro, mais nous avons très peur de l’être bientôt ».
« Aujourd’hui, l’autoritarisme se présente sous une forme différente » (Riccardo Iacona, Presa diretta). Une forme sournoise dont l’arme de diffusion se nomme communication.
En Italie elle est contrôlée à 90% par un seul homme : Silvio Berlusconi, à la tête d’un empire fait de sombres ramifications, basé sur des magouilles, protégé par des lois sur mesure.
Tel était bien le dessein du Cavaliere en prenant la tête de l’Etat : assurer sa propre protection.
Et pour sauvegarder ses propres intérêts, quoi de plus pratique que la censure ?
Censurer les journalistes pour qu’ils ne dévoilent pas les basses manœuvres, la corruption, les sordides tractations.
Censurer aussi pour les empêcher d’exposer l’insupportable quotidien de beaucoup (trop) d’Italiens.
Afin d’« effacer la souffrance des travailleurs » (Michele Santoro) la crise économique a disparu des écrans de la RAI. Et pourtant, le chômage est en pleine hausse (7,8%, chez les jeunes 27,1). Sur le plateau de Raiperunanotte, des ouvrières prennent la parole : licenciées pour cause d’une délocalisation effectuée avec l’aide de l’Etat
« Vivre avec 700 euros par mois, c’est hallucinant ! »
« Ne nous enlevez pas notre dignité de travailleurs !».
« En Italie, souligne Gad Lerner, les gens qui perdent leur travail, se taisent, ils ont honte (…) il faut au contraire les montrer, leur donner la parole »
Sur les chaînes contrôles par Berlusconi, rien de filtre.
« Une partie des Italiens n’a que la télé pour s’informer» déplore Norma Rangeri du Manifesto.
La campagne pour les régionales a été occultée par les médias.
« Dans notre pays, la critique n’est pas une valeur » affirme Milena Gabanelli (Report) dénonçant une chasse aux sorcières avant de conclure « Il est normal de refuser de piétiner les valeurs auxquelles on tient ! ».
Un pays coupé en deux, quand une partie s’indigne, veut voir établie la vérité, réclame un changement radical, une autre se laisse bercer par d’invraisemblables promesses : « Dans trois ans il n’y aura plus de cancer! » a récemment annoncé Le Cavaliere.
Affirmation qui fait bondir les chercheurs. Un groupe d’entre eux précaires, empêché de mener à bien des études essentielles pour la santé publique ont passé 59 jours sur un toit pour protester.
Pas de personnages politiques dans l’émission mais de très bons journalistes, dont l’excellent Marco Travaglio, des philosophes, des artistes, des cinéastes (Mario Monicelli, Roberto Benigni) et des comiques comme Daniel Luttazi, interdit de télévision depuis 8 ans et qui ne mâche pas ses mots, parlant (justement) de la soumission des journalistes, de la médiocrité de l’opposition.
En conclusion, une manifestation courageuse, bien menée qui a rencontré un énorme succès.
Une courageuse première, un coup de pied dans la boue.
« Nous, ont déclaré à la fin de la transmission, la main sur le cœur, journalistes, public, techniciens, aujourd’hui et demain, la faremo fuori del vaso! » (pisserons à côté du pot)
Sur le blog Aglio E Cipolla (merci à lui), l’émission en entier.
7 commentaires sur “Raiperunanotte , l’information est un droit”
Tout ça me laisse sans voix..! Heureusement, dimanche dernier j’ai entendu une longue interview de Dario Fo..:-), c’est aussi ça l’Italie..!!
@vieil anar
Il n’y a pas que Dario Fo, en Italie.
Les journalistes qui ont hier participé au raiperunanottre, sont tous remarquables, talentueux, tenaces!
Ils font un travail de qualité et à mon sens nombre de journalistes français pourraient s’en inspirer!
Parce que côté presse écrite, côté débats télévisés -Chabot, FOG, Calvi…à part le très bon Taddei, les autres 🙁
la France n’a pas de leçons à donner aux Italiens.
Et puis s’il est vrai que la gauche de parti italienne est inconsistante (à part mon chouchou Nichi Vendola), la gauche populaire est au contraire, joyeuse, créative, festive, intelligente, un plaisir!
ne partie des Italiens n’a que la télé pour s’informer» déplore Norma Rangeri du Manifesto.
idem en France
ah merci celeste pour votre phrase la france n’a pas de leçons ..i
bravo pour cette pharse sur la leçon et la France
Bonjour et merci Céleste !
Je n’ai fait que monter en playlist des vidéos via Youtube (mais c’est bien pratique :).
Pour ceux qui sont intéressés par Travaglio (en français), j’avait traduit 2 papiers, ici en haut de liste. Gomez (son collègue de plume et blog) est aussi très fort (plus bas):
http://www.aglioecipolla.com/?s=Traduction+Marco+Travaglio
Amicalement à toutes/tous,
vV
ps. j’avaiS, évidemment…