26 février 2012
Notre avion, venu de Bangkok, se pose sur l’aéroport de Yangon, Rangoon, disaient les Anglais.
Il fait chaud et, dans l’après-midi déclinant, la lumière dorée joue sur les feuilles des palmiers. C’est notre premier voyage en Birmanie. J’en rêvais depuis longtemps.
Dans l’avion, il n’y a que des touristes. Comme beaucoup trop d’habitants de la planète, les Birmans ne jouissent pas de la liberté de déplacement. C’est un privilège qui est réservé aux occidentaux et, qu’égoïstement, il entendent bien ne pas partager.
Dans le hall de l’aérogare, alors que nous attendons nos bagages, un homme nous aborde. D’un français hésitant, composé de phrases toutes faites, il nous propose de nous accompagner à notre hôtel en taxi. Finalement la transaction s’effectue en anglais et en dollars. Ici, les hôtels, certains taxis, les avions et les entrées dans les monuments se payent en dollars. La monnaie locale, le kyat, n’a aucune valeur en dehors des frontières du pays, par contre, pour les petits achats locaux, elle est indispensable.
Pas de chance, c’est dimanche et le bureau de change de l’aéroport est fermé. Qu’à cela ne tienne, notre désormais chauffeur nous signale que nous pouvons très facilement changer nos dollars ou nos euros. Où ? Il regarde autour de lui et nous désigne une femme. Elle s’approche de nous. « Dollars ou euros » ? Le taux qu’elle nous propose est tout à fait acceptable.
Et hop ! Au beau milieu de l’aéroport de Yangon, sous le regard indifférent des policiers, nous échangeons, au noir, de beaux billets américains flambant neufs – le gouvernement birman, particulièrement pointilleux exige des devises immaculées, à peine sorties des presses et ne portant pas certains numéros- contre une liasse de kyats, sales et chiffonnés.
En route vers la ville ! Détail amusant, quoique inquiétant, dans la voiture où nous prenons place, le volant est à droite mais la circulation aussi est à droite !
Seuls les véhicules récents ont le volant à gauche. En effet, durant des années, en héritage de l’occupation britannique, en Birmanie, on a roulé à gauche mais un beau matin, sur un caprice d’un dirigeant de la junte, il fut décidé que le trafic se ferait désormais à droite. Comme, pour d’évidentes raisons économiques, il était impossible de renouveler tout le parc automobile, les conducteurs se sont adaptés, avec plus ou moins de réussite, à la nouvelle disposition.
Aux abords de la ville, l’atmosphère est paisible. De nombreux passants flânent sur les trottoirs. Les grandes avenues sont bordées de panneaux publicitaires, le trafic est dense.
Se détachant sur le ciel rosi par le crépuscule, la silhouette dorée de la pagode Swedagon domine la ville.
« Vous avez de la chance, nous dit le chauffeur, big festival à Swedagon Pagoda ! » et il nous explique que c’est l’anniversaire de la pagode.
En fait, nous comprendront plus tard qu’il s’agit du festival des lumières, interdit depuis vingt ans par la junte et rétabli cette année où l’on fête les 2600 ans de Bouddha.
Le symbole est particulièrement fort.
Notre hôtel, situé sur un colline, est charmant. Nous prenons rapidement possession de notre chambre avant de descendre en taxi vers la ville.
Yangon, détruite par un incendie, a été entièrement reconstruite par les Anglais au XIX ème siècle. Les architectes, indifférents à toute inspiration orientale, armés de règles, ont tracé sur les plans des rues rectilignes et des angles bien droits. Puis de lourds bâtiments, d’un style vaguement néo-grec furent érigés.
« Rangoon, a écrit Norman Lewis dans « Terre d’or », est la réponse des colonisateurs victorieux aux richesses immatérielles qui font la gloire de Mandalay ».
Hélas (ou non), tout passe, le tape à l’œil des édifices n’a pas résisté au temps, la mousson, implacable, patine et ronge chaque année un peu plus les façades.
En bas des immeubles, sous d’extraordinaires enchevêtrements de fils électriques, les échoppes se sont multipliées, collées aux murs devenus lépreux.
Ici et là, quelques immeubles récents, acier et verre fumé, des façades repeintes de couleur vives.
Dans le quartier chinois, chaque soir, on mange dans la rue.. De minuscules restaurants proposent de la viande, du poisson et des légumes cuits au barbecue.
Un délicieux dîner, arrosé de bière birmane, pour un prix dérisoire!
Puis, c’est la magie de la pagode Swedagon. La foule ravie qui déambule. Les sourires de Bouddha. Les mines espiègles des Nats. Les lumières. Le scintillement de l’or. L’éclat des pierres précieuses se détachant sur le ciel sombre. L’émotion, palpable. Les robes rouges des bonzes. Les fleurs et l’encens. L’eau. Les mains jointes et les prières muettes. Les pieds nus sur le marbre.
Vingt ans que les fidèles attendaient, vingt ans qu’ils espéraient le retour du festival des lumières…
2 commentaires sur “4. Birmanie, arrivée à Yangon”
A savoir pour les voitures, qu’à Singapoure les voitures ne sont autorisées que pour 5 ans et qu’elles sont majoritairement exportées vers le Myamnar, d’ou la conduite à droite .
J’ai travaillé 2 ans dans le sud vers Tavoy avec des paysans de la région comme des gens plus cultivés de Yangon et la perception d’Aung San Suu Kyi comme tu l’évoque me semble des plus occidentale (sans vouloir polémiquer) .
A l’époque 96/98 bien que détestant les militaires (mot des plus faibles) Aung San Suu Kyi représentait pour toutes les personnes avec qui j’ai discuté le parti de l’étranger ( genre “révolution” colorée..) et ce avec beaucoup de virulence, cela m’avait d’ailleur beaucoup surpris, victime de nonbreuses idées préconçues …
Mais peut-être que cela à changé
Salut Yelrah 😉
Merci pour les précisions!
Ce que tu écris sur Aung Sann Suu kyi ne m’étonne pas. L’occident l’a désignée comme symbole de l’oppression et lui a délivré le prix Nobel de la paix (le même prix ayant été décerné à Obama, à Kissinger on peut se poser deux ou trois questions!) alors qu’elle avait été longtemps absente de Birmanie et connue dans son pays essentiellement pour être la fille du général Aung, le libérateur.
Ensuite je pense que sa renommée a grandi au sein de la Birmanie.
Pendant notre voyage, ,nous avons vu sa photo absolument partout, dans les rues, les boutiques, les ateliers, punaisée sur les métiers à tisser.
Sans vouloir rien ôter à son courage et à son intégrité, je pense que le gouvernement a grande envie de l’utiliser pour développer les échanges avec l’occident.
Dans un an ou deux, peut-être que le paysan Birman plantera des OMG, aura un tel portable mais son niveau de vie n’aura pas augmenté et il n’aura toujours pas de toilettes…
Les élites birmanes, par contre, voyageront dans le monde entier et accumuleront les devises…