Ils forment un univers à part et se ressemblent tous, vastes hangars d’acier et de verre, plus ou moins luxueux, où errent des voyageurs aux motivations différentes. Il y a ceux qui se déplacent pour leur travail, ordinateur portable, cravate, démarche sûre et rapide de l’individu qui maitrise les codes de ce monde parallèle. Hier matin, à Milan, ils étaient nombreux, ces hommes et ces femmes d’affaires, trop pressés ou imbus de leur importance pour sourire. A les voir, on penserait qu’ils sont indispensables à la marche de l’économie mondiale, d’ailleurs, on les appelle les VIP et ils voyagent en business class. On ne mélange pas les torchons avec les serviettes !
Parmi les torchons on note plusieurs catégories. Le torchon de luxe qui voyage lui aussi en première classe et les torchons communs, touristes, groupes d’hommes partant s’éclater au soleil (ceux-là, c’est sûr, je vais les retrouver à Bangkok), jeunes amoureux (direction Les Maldives), joyeux seniors en tenue décathlon et, enfin, travailleurs étrangers rentrant au pays.
A Doha, la foule est plus diverse, voiles noirs ou colorés, saris, churidars, barbes flottantes et babouches. Pour la plupart les employés de l’aéroport sont Indiens, jeunes, parlant très bien anglais. De nouveaux arrivants grossissent les rangs des touristes, Russes, Ukrainiens, Polonais peut-être. Voyager étant encore pour eux une expérience nouvelle, ils sont hésitants mais joyeux. Ils plaisantent, s’amusent. Le touriste occidental a, lui, dépassé depuis longtemps le stade de l’amusement visible. Il affiche une mine blasée. Les immigrés en route vers leur terre natale piaffent d’impatience, une lueur de joie dans les yeux. Ceux qui repartent ont le visage fermé, le regard absent. Ils savent qu’ils seront séparés de leurs proches pendant des mois, des années. Les femmes attendent en silence, résignées.
Dans l’avion, énorme, qui nous porte à Bangkok, il n’y a plus que des touristes: des couples, un groupe de jeunes Russes enthousiastes et surtout des hommes, par deux ou en bande. Des hommes sans femmes. Des hommes en quête de sexe. Ils fréquenteront les bars où de ravissantes créatures pépieront à leurs oreilles des promesses d’extase tarifée. Ils se laisseront aller aux caresses des mains expertes. Ils n’auront pas d’état d’âme et si une pointe de culpabilité les traverse ils la chasseront bien vite en se disant qu’ils ne font que profiter d’un système dont ils ne sont pas responsables. C’est ainsi que raisonnent les lâches, les médiocres, les petits et les gros profiteurs. Les clients, sans qui la prostitution n’existerait pas.
10 commentaires sur “Aéroports”
les yeux de Céleste en action – et le crâne derrière – belle et lucide catégorisation. Et de quelle catégorie se sent elle proche ? (si comme moi est, une envie de se croire étrangère à toutes)
Très beau texte Claudine
très vrai
amitiés
Gilles et famille
“de ravissantes créatures pépieront à leurs oreilles des promesses d’extase tarifée”: du Céleste du meilleur cru.
Profitez-bien des sourires, des fruits, du soleil!
pas faux… meme vrai…
j’en parlais encore avec une amie avant hier… le tourisme sexuel, la thailande le pays en vogue depuis plus de quarante ans…
elle me racontais avoir là bas discuté avec une jeune thai “prostituée”… pour nous occidentaux bien pensants ce n’est pas concevable, vendre son corps a des gros porcs de blanc, l’horreur… mais pour elle… Cette jeune fille racontais donc qu’avant de vendre son corps elle etait mariée a un thailandais qui lui foutais sur la gueule dés que l’envie lui en prenais, un mariage sans amour comme il y en a tant,… alors quitte a choisir elle préférais vendre son corps a un touriste occidental qui etait au petit soin pour elle… meme si au dela de sexe elle etait aussi sa cuisiniere, sa femme de menage, sa boniche quoi… ben sa condition etait bien pire avant… aujourd’hui elle vend son corps certe mais sa vie n’en ai pas moins bonne au contraire… elle a plus d’argent, plus de tendresse, plus de respect (tout est relatif), plus d’attention…
je condamne bien sur ce genre de pratique qui relève encore une fois de la connerie humaine, et du désir de dominance des hommes occidentaux… mais c’est interressant de connaitre aussi le point de vue de ces femmes et(souvent trés) jeunes filles…bien que je pense qu’elle n’est pas toutes ce point de vue…
en tout cas merci pour ton texte c’est toujours un plaisir de te lire…
Manon.
J’avais l’impression d’être dans votre sac ! 😉
D’abord échos célestes, aériens… voici quelques mots redescendus au sol :
Les Aéroports : lieux de solitude où se croisent des êtres en toute proximité, des êtres enveloppés d’un halo auditif permanent (voix sortant des haut-parleurs invisibles, conversations polyglottes, brouhaha et brouillage sonore, souffle plus ou moins lointain des boeing, des escalators, musiques d’ambiance quasi-inaudibles…)
Les Aéroports : lieu où l’on est partie prenante de l’Humanité (celle omniprésente des Hommes d’affaires et de celle plus discrète des exilés sur le retour, sur le départ).
Aéroport : lieu transitoire, hybride.
Avec ces Portes de Sortie difficiles à trouver, ces bus qui n’attendent pas, ces taxis qui vous cherchent des yeux, l’Aéroport s’évanouit lentement et ressuscite enfin, l’Autre Monde.
Bon séjour.
Ils n’auront pas d’état d’âme et si une pointe de culpabilité les traverse ils la chasseront bien vite en se disant qu’ils ne font que profiter d’un système dont ils ne sont pas responsables. C’est ainsi que raisonnent les lâches, les médiocres, les petits et les gros profiteurs
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Que c’est juste (même au delà du turisme sexuel) ! Merci Claudine, pour ce texte.
Merci pour vos beaux coms!
Pas le temps (et connexion flageolante) pour vous répondre individuellement. Nous quittons Bangkok pour le sud. Au programme une nuit de train (toujours amusant), un trajet un bus et au bout…la mer des Andaman…
La parution du prochain billet dépendra de la prochaine connexion 😉
Baci à toustes
Les particules élémentaires…
Il y a du vrai mais aussi du moins vrai. 😉
Par exemple, tous les VIP ne voyagent pas en classe affaires ou première.
Le tourisme sexuel est devenu assez communément répandu en Asie mais aussi dans le reste du monde, aussi je suppose que le billet repose sur ce voyage bien précis. Les hommes mais pas que les hommes.
“Le touriste occidental affiche une mine blasé”: si juste très souvent!
Joli billet, merci et excellent séjour.