Ammachi et Manu
En Novembre 2007, sur la proposition de Sunitha, dont ils sont de lointains cousins, de nouveaux habitants sont arrivés.
Il s’agit d’Ammachi (grand-mère) et de ses quatre petits-enfants. Leur histoire est tragique.
La fille d’Ammachi est morte il y a quatre ans, à la naissance de Manu, le plus petit. Officiellement son décès a été attribué à une crise cardiaque mais il s’agirait en fait d’un suicide. A peine était-elle enterrée que son mari a définitivement levé le camp. Il vit à quelques kilomètres de Vellanad, chez sa sœur. Ses enfants ne l’ont jamais revu et il n’a jamais envoyé la moindre roupie pour eux.
Ammachi, qui dans la journée casse la pierre pour en extraire du métal, s’est retrouvée seule avec les quatre petits dans un dénuement quasi-total.
Dans le bus qui nous emmène en promenade, Ammachi chante
Elle a soixante ans. Souvent les larmes brouillent son regard mais elle me serre la main et me fait comprendre que c’est la joie d’être enfin sortie de la misère qui humecte ses yeux.
Suite à un incident, nous nous sommes aperçus que les trois mamans aidaient peu Ammachi à s’occuper de ses petits-enfants, laissant ce soin à Chinchu, la plus âgée des petites filles, une jolie adolescente gracile.
Chinchu
Elle a seize ans et fréquente la dernière année d’école. Ses notes ne sont pas bonnes, mais comment l’en blâmer ?
Sa position au sein du groupe est délicate, ni enfant, ni adulte. Autant il est normal qu’elle aide aux travaux ménagers, autant il est hors de question qu’il lui soit demandé la même participation qu’aux mamans.
Là encore je nourris de sérieux doutes sur la façon dont Sasikala a géré les disputes.
Qui sont d’ailleurs les seuls événements qui l’intéresse et qu’elle nous rapporte fidèlement.
Tant et si bien que je l’ai finalement réduite au silence en lui disant que les disputes, c’est normal et que le groupe doit arriver à les gérer par lui-même.
A notre première rencontre Chinchu s’est montrée plutôt distante, méfiante. Mais depuis le dimanche passé tous ensemble à visiter le zoo et sauter dans les vagues elle est devenue souriante et affectueuse. Elle fait très attention à ses frères et sœurs.
Anju est très jolie, fine, gracieuse, discrète mais souriante et disponible. Elle est en sixième. Ses notes sont moyennes.
Anju
Hier elle m’a montré une photo de sa mère, une belle femme au regard profond. Ammachi a pleuré.
Anju et Chinchu
Le plus fragile des petits d’Ammachi est Achu (à prononcer comme atchoum sans le « m »). Deborah nous l’avait signalé dès notre arrivée, Sasikala pour sa part ayant probablement mieux à faire que de le regarder.
Achu
Il est doux, rêveur, affectueux. A la plage, alors que les autres criaient de joie, lui, il chantait à mi voix les pieds dans l’eau et le regard perdu.
Parfois, comme un chaton perdu, il vient doucement se blottir contre Debora, Fabio ou moi.
Il est au CM2 et ses notes sont bonnes.
Par contre sa santé est mauvaise. Son corps est couvert de champignons (taches claires). Nous l’avons d’abord accompagné à l’hôpital de Vellanad où le médecin a ordonné un traitement.
Pour les mamans et Ammachi, les mycoses de ce genre n’ont aucune importance. Qui n’a pas une tache quelque part ?
Puis, la semaine dernière, Achu est tombé du haut du papayer du jardin, s’est meurtri le bas du dos et n’a rien dit à personne de peur de se faire remonter les bretelles. Surtout qu’Ammachi, restée coincée à l’hôpital avec Manu (le plus petit) pour soigner une bronchite, n’était pas là. Bref deux jours plus tard, à son retour, il a avoué la chute et la douleur. Informé le voisin ayurvédiste autodidacte a proposé, moyennant roupies, de lui faire des massages avec de l’huile.
Sans faire preuve du moindre esprit critique, Sasikala nous a appelés pour nous demander de financer l’opération.
« Hors de question, ai-je répondu, de faire des massages avant d’avoir fait des radios ! Zou, à l’hôpital ».
A l’hôpital de Trivandrum, après une brève auscultation d’Achu, le médecin a déclaré tout net et sans ambages que celui-ci souffrait de malnutrition (primary complex) ce qui rendait son organisme trop faible pour lutter contre les infections diverses et variées. Etant donné qu’il est sous notre aile depuis presque un an, mon sang n’a fait qu’un tour.
En ce qui concerne son dos les radios ont montré une contusion nécessitant du repos « Et, a ajouté le médecin, les massages sont formellement interdits, ils ne pourraient qu’aggraver le mal ».
« Pfuitt ! a dit Sasikala, quand je l’ai informée, d’un ton sec, de l’état de santé d’Achu, ce n’est pas vrai, je contrôle régulièrement, c’est de la faute d’Ammachi qui ne l’oblige pas à manger ».
Reporter la faute sur cette pauvre Ammachi nous semblant d’un manque d’élégance affligeant nous avons organisé une réunion de toutes les protagonistes de l’affaire.
En conclusion tout le monde devra veiller à ce qu’Achu et les autres mangent correctement et surtout les fruits et les légumes qu’ils ont tendance à refuser. Laksmi, l’infirmière de Namaste a été chargée de distribuer des vitamines.
Sasikala, soudainement motivée par la santé des enfants, s’est engagée à fournir chaque semaine des fruits et des légumes.
Manu est le plus jeune petit-fils d’Ammachi.
Manu
Il a cinq ans et fréquente la grande section de maternelle. C’est un adorable bambin, affectueux et joueur qui se réfugie souvent dans les bras de sa grand-mère qui, quoi qu’en dise Sasikala, et malgré son âge, les drames de sa vie et sa dure condition de tailleuse de pierre, s’occupe de ses petits-enfants avec beaucoup d’attention et d’amour.
Achu et Manu
…à suivre…
3 commentaires sur “Casa delle Mamme : faire le point (3)”
ils sont beaux et ils s’aiment – reste à leur donner tout le reste qui leur fait défaut
reste un petit risque qu’ils se coalisent, même inconsciemment contre Sasikala
mon salut à tous
Je découvre avec étonnement et ravissement ton blog. Bravo à toi.
Une petite chose qui m’a interpellé, c’est le terme “Ammachi”. Ayant eu une grand mère Basque, je l’appelais de la même manière, seule l’écriture différait. Au Pays Basque, ça s’écrit “Amatxi”.
Le monde est bien petit et les liens entre les peuples bien nombreux, c’est revigorant.
merci Mano 🙂
“ammachi”, “amatxi”, fascinant…
“Le monde est bien petit et les liens entre les peuples bien nombreux, c’est revigorant.”
vraiment!
imaginer qu’il puisse y avoir une racine commune entre le basque et l’hindi ouvre des horizons…