N’être que corps abandonné au feu du soleil, à la fraicheur de la brise. Que l’infinie rumeur de la mer balaie la confusion de la pensée, sa morbide insistance, le tournoiement des souvenirs qui furent joyeux avant d’être amertume.
Senteur marine, effluves d’écume.
Elle voudrait n’être qu’un grain de sable. Dépouillée de mémoire. Les trahisons, les désillusions, les petites lâchetés, les mortes espérances à jamais effacées.
Elle a tant et tant rêvé.
Avant, quand elle croyait encore que les songes pouvaient embellir le futur.
Des voix, une langue rugueuse et inconnue, qui s’approchent puis s’éloignent, se diluent dans le fracas des vagues.
Elle s’imaginait guerrière, traversant la jungle de la vie une machette à la main, la tête haute, le sein conquérant et un sourire sur ses lèvres fardées.
Il n’en était rien, elle n’avait été qu’une petite femme fragile, soumise aux incessants caprices de la multitude des amours, engluée dans les illusions, aveuglée par l’éclat des apparences.
N’être que corps abandonné au feu du soleil, à la fraicheur de la brise. Ne pas penser, ne pas céder à la spirale des regrets, ne pas tenter de débusquer les erreurs supposées. On ne refait pas à l’envers le chemin de la vie.
Se délivrer des larmes.
Naître à l’instant.
Renaître aux autres, les libérer du fardeau des attentes obsolètes, les affranchir des liens de l’égoïste tendresse inquiète. Ne dit-on pas attachement ? En finir avec ce vilain mot et les sournoises prisons qu’il implique. Aimer sans escompter.
Autour il y a le monde. Elle pressent le chaos. Du fond des flots irisés montent les hurlements de terreur des maudits de la forteresse Europe, celles et ceux que la mer avale, que la mer punit d’avoir voulu rêver à une vie moins cruelle.
Un grondement féroce déchire le ciel. Des Rafales en goguette. Escadrilles acrobatiques. Criminels appointés, glorifiés. Argent dilapidé. Plaies blanchâtres zébrant l’azur. Présage de guerres.
N’être que corps abandonné au feu du soleil, à la fraicheur de la brise.
Se préparer, doucement, amoureusement, à l’inéluctable silence.
4 commentaires sur “Instant présent”
Certaines personnes, malades, accidentées, n’ont plus du tout de mémoire. Elles posent infiniment les mêmes questions, toute la journée, parce qu’elles ne savent plus qu’elles les ont déjà posées. La mémoire, c’est notre identité, c’est la vie même. Chérissez votre mémoire, même douloureuse, même malheureuse. Parce que le chagrin, c’est mieux, c’est infiniment mieux que le néant.
Vos photos sont sublimes.
Vous avez entièrement raison.
Ce texte est une fiction, l’ instantané d’un moment de dépression, transposé.
Rien de plus.
“Elle voudrait” ne signifie pas “elle veut”.
Merci pour les photos.
Bon j’aime bien l’instantané, mais octobre 2011, c’est un instantané à rebours ?
Salut Yelrah 🙂
ouaip, un peu délaissé le blog ;-(
mais là, retour de Birmanie, je m’y remets!