En 2005, de passage à Trichy, j’avais proposé à Mohammed, éminent enseignant de français au Jamal Mohamed College, rencontré deux jours plus tôt dans la rue où il flânait dans l’espoir de tailler une bavette avec quelques touristes francophones ou germanophiles, de rendre visite à ses élèves pour faire un peu de conversation.
Il avait accepté avec enthousiasme et nous avions passé une très amusante matinée dans son College. A la fin du cours, deux adolescents m’avaient suivie, désireux de continuer la discussion et de faire plus ample connaissance.
« Je suis athée ! » disait l’un, Johny.
« Nous détestons la burqua ! » disait l’autre, Taoufiq.
Ils avaient tous les deux 17 ans.
Quelques semaines plus tard, Johny m’a envoyé un mail.
Depuis, chaque année, nous le retrouvons, parfois avec Taoufiq, parfois avec Priya, son ex girlfriend, ou avec Ashiq, un ami.
Johny
En 2006, Taoufiq voulait devenir riche et Johny aspirait à plus de liberté. Malgré l’amour qu’il portait à ses parents, leur constante protection l’étouffait et l’autorité du College lui pesait.
L’année suivante il nous avait expliqué les mille et une difficultés que rencontrent au quotidien les musulmans indiens. Une infinie succession de petites tracasseries qui, s’il y était habitué, posaient parfois problème. Comme dans la pratique du sport où il excelle au niveau national : le tir à la carabine.
Taoufiq
Le temps passant, ses parents lui ont accordé plus de liberté, ils ont même accepté sa petite amie, Priya, une jeune chrétienne et puis il a fréquenté un autre établissement scolaire, moins rigide, tenu par des prêtres.
Cette année, il termine un Master en informatique, il ne sort plus avec Priya, il est toujours champion de tir, il a enregistré un CD musical avec des potes, organisé et présenté en élégant costume cravate la fête de son université, il papillonne d’une fille à ‘autre , a refusé une proposition de mariage, pourtant très alléchante du point de vue financier, réalise des courts-métrages, vient de créer un « computer center » destiné aux étudiants où il propose des cours à des prix très bas afin de permettre à toutes et tous les suivre- ça marche, il fait déjà travailler dix personnes- et réfléchit activement à divers projets, dont une émission de télévision.
Bref, un jeune homme entreprenant et passionné qui croque la vie avec appétit et qui n’a pas pour autant perdu sa gentillesse, son humour et sa disponibilité.
La rébellion qui couvait en lui à l’adolescence s’est dissipée, il cherche désormais à tirer le meilleur parti de la société dans laquelle il vit mais sans franchir les limites imposées.
Ses parents sont fiers de lui. Il faut dire qu’ils lui ont consacré tout le temps et l’argent dont ils disposent. Sa mère ne travaille pas et son père est serveur dans un restaurant, autant dire que pour payer les écoles privées, il a dû multiplier les heures supplémentaires. Une famille modeste mais qui ne l’a pas toujours été. Le grand-père, le premier Johny de la famille, était avocat, veuf après la naissance du père de Johny, il s’est remarié, a eu d’autres enfants et son aîné a été mis à l’index de la nouvelle famille.
Dépossédé.
Cette fortune envolée, c’est à Johny de la recréer.
Johny et Michela
Nous retrouvons aussi Taoufiq. Il a fini ses études et cherche du travail. Il a gardé son beau visage doux et souriant.
Lui, il attend toujours que ses parents, en qui il a toute confiance, lui trouve sa future épouse.
Johny, Asham et Taoufiq
Son cousin Asham, le charmant jeune homme qu’il nous présente, est encore plus traditionnel. A 27 ans, il est ingénieur dans une entreprise de Chennai et gagne 15 000 roupies par mois (environ 280 euros). Il est fiancée avec une jeune fille qu’il n’a pas choisi, dont il n’a vu que quelques photos et qui porte la burqua intégrale, seuls ses yeux sont visibles. Après le mariage, elle s’occupera de lui, des éventuels enfants et de la maison.
Johny, par contre, entend bien choisir lui-même sa future épouse, une jeune fille diplômée, moderne qui ne portera pas la burqua.
« Elle pourra travailler ?
– Oui, si elle est le boss. Je n’aimerais pas qu’un patron lui paye un salaire. C’est à moi de lui donner de l’argent. Je suis un homme. »
Taoufiq et Asham
Johny nous explique aussi qu’il n’est plus athée. Il pratique peu mais de façon régulière et surtout, il croit en la bonté d’Allah.
« Il m’a aidé, beaucoup, à plusieurs reprises. Un jour, je devais participer à une importante compétition de tir à Delhi et je n’avais pas d’argent pour y aller. Alors pour la première fois depuis mon enfance, je me suis adressé à Allah et je lui ai demandé de m’aider. Le soir même, mon père est rentré du travail avec les billets d’avion, un riche client nous les avait offerts. Maintenant, j’ai beaucoup de projets et je crois qu’il m’accordera son aide. Je crois en lui. »
« Nous, Johny B, nous croyons en toi. »
La mère de Johny
5 commentaires sur “Johny B”
amusant de les suivre à travers toi
Sympatique portrait .
je reviens dans la blogosphère et le premier billet que je lis est le tien, plein d’espoir !
c’est cool!
Bonne rentrée, Celeste ;))
merci 🙂
bonne rentrée à toi aussi Bellâm
Brigetoun, chapeau pour ta fidélité 😉
Wow… its nice to see johny here…