Sharat, un jeune homme orphelin de 18 ans qui vit au siège de Namaste a de la fièvre depuis deux jours, il a mauvaise mine et peu d’appétit. Le médecin qu’il a consulté lui a fait faire des analyses d’urines et de sang. Les résultats de ces dernières ne sont pas bons, son taux de transaminases (du moins je crois les résultats sont en anglais) est très élevé. Le médecin a parlé de « jaundice », qui pour moi signifie jaunisse, donc hépatite, et lui a prescrit, d’une façon qui nous a paru plutôt désinvolte, des injections à faire pendant deux jours.
Questionné par Debora, il confesse avoir souvent bu des boissons aux fruits faites avec l’eau du robinet dans des baraques à côté de l’école où il suit un cours sur les techniques multimédias.
Nous décidons de l’emmener au Medical College de Trivandrum, le plus grand hôpital public de la ville et, nous dit-on, du Kerala.
C’est effectivement un immense hôpital, composé d’une infinité de bâtiments qui mériteraient pour le moins de sérieux ravalements de façade. Dehors des gens, nombreux, déambulent, se reposent, attendent patiemment pendant des heures assis sur des murets de pierre maculés de déjections d’oiseaux. Des voitures émergent des familles entières venues accompagner des malades que l’on soutient ou l’on porte jusqu’aux pavillons.
Nous entrons dans le bâtiment des O.P. (hôpital de jour). Des dizaines de patients, debout, assis, allongés sur des brancards en fer ou à même le sol attendent une consultation. Certains pleurent ou se tordent de douleur.
Et puis il y a l’odeur, écœurant mélange de relents de déjections, d’émanations médicamenteuses et de remugles de produits de nettoyage appliqués en grande quantité dans certains endroits et pas du tout dans d’autres.
Les médecins sont assis dans une salle, derrière une table. La porte reste toujours ouverte et les patients se succèdent à un rythme soutenu. Dans la file d’attente, c’est l’anarchie, chacun cherchant à doubler les autres, à s’enfiler dans le moindre interstice afin de gagner une place.
Finalement une jeune femme médecin ausculte Sharat, ordonne une perfusion de pénicilline et prescrit une série d’examens à faire immédiatement : analyses de sang, radio du thorax, électrocardiogramme.
Je lis avec inquiétude sur la feuille d’analyse sanguine qu’elle demande une recherche de leptospirose, une maladie infectieuse grave transmise particulièrement par les rats. Rien d’étonnant à cela, en Inde, ils pullulent.
Taddeus prend les choses en main et nous pilote dans les dédales de l’hôpital. Les couloirs bondés aux peintures maculées sont crasseux mais en moins de deux heures Sharat parvient à faire tous les examens requis.
Alors que nous patientons devant la salle de l’électrocardiogramme nous assistons à un embouteillage de brancards poussés par des parents des malades. Ils sont encastrés les uns dans les autres, bloqués et personne ne semble vouloir céder du terrain. Les manœuvres se succèdent et les badauds qui se sont accumulés autour du nœud stratégique prodiguent des conseils plus ou moins avisés. Finalement, centimètre après centimètre, la situation se débloque.
Pendant que Sharat, pâli par l’inquiétude, est sous perfusion et que je lui caresse la main Taddeus va chercher les résultats de l’analyse de sang.
Les transaminases sont toujours très élevées mais on ne parle pas de leptospirose, ouf !
A suivre
2 commentaires sur “L’hôpital (1)”
gatés nous sommes quand nous ralons contre nos hopitaux (ce que, les ayant beaucoup pratiqués, je ne ferai pas)
Bien sur l’indispensable est que les médecins soient intelligents et fassent de leur mieux, mais quand on pense aux maladies mésocomiales
J’espère que cela va aller mieux pour lui. Je suppose que les médicaments ne sont pas gratuits, je ne connais pas le système de santé indien.
Bon courage.