Ses hauts talons claquant sur les pavés, elle nous a doublés d’un pas vif.
Et, tous les deux, nous l’avons suivie des yeux.
Lui fixait les fesses qui dansaient sous la jupe courte, moi je regardais la valise.
S’il avait été avec un homme il aurait dit un truc du genre « Je me la ferais bien ! » ou « Elle a l’air bonne celle-là ! ».
L’autre aurait ricané en acquiesçant et ils seraient imaginés comme deux irrésistibles chasseurs de femelles.
D’habitude, quand son regard accroche si lourdement des jambes dénudées ou des seins pigeonnants, je suis agacée. Triste aussi.
A quoi bon avoir un amant, qui paraît-il brule de désir pour moi, si celui-ci ne peut, lors de nos rencontres, me réserver son attention ?
Pas parce que je suis parfaite mais parce que je suis là, avec lui, pour lui. Alors j’aimerais qu’il ne voie que moi. Ou plutôt, j’aurais aimé, il y a longtemps, que ce fut ainsi.
Avant, quand notre histoire n’était pas encore une habitude.
Mais il y avait la valise qui glissait sur la chaussée et le pas décidé de la fille. Ses jambes bronzées. Les mèches blondes de ses cheveux lisses.
J’ai pensé « liberté ».
J’ai rêvé d’en finir avec ces rendez-vous qui depuis longtemps avaient perdu le goût de l’aventure, avec ces étreintes sans surprise et ce désir étiolé.
Ne plus me contenter de cet ersatz d’amour.
Avoir enfin le courage d’être seule.
Et lui qui la matait toujours, sans gêne.
La fille s’est éloignée. Il a posé la main sur mon épaule. Je savais que, satisfait du dîner, la panse pleine et la libido enflammée, il me dirait « On y va chérie, il se fait tard ! ».
Je ne l’ai pas laissé parler. J’ai doucement enlevé la main qui froissait le tissu de ma robe. Je me suis tournée vers lui et j’ai dit : « Non, pas ce soir, j’ai envie d’être seule ».
Puis, sans lui laisser le temps de répondre, j’ai tourné les talons et j’ai marché droit devant moi.
Dans ma tête, je remplissais une valise.
Ce texte fait suite à un jeu littéraire lancé par Madame Kevin pour le blog à mille mains, basé sur une photo de Robert Lubanski . Hermès m’a invitée à y participer, à mon tour je le propose à Nine (qui n’a pas publié depuis trop longtemps ).
26 commentaires sur “La fille à la valise”
Joli coup de pied dans ma fourmilière, Céleste…
Ta liberté qui bat
le pavé.
Et sous les pavés,
ta (jolie) page.
Ou comment une silhouette vient nous remettre en cause et parler de liberté… Merci pour ce très beau texte. Je le mets en ligne sur “Jeux d’écritures. Le blog à mille mains” et il sera cité dans un billet récapitulatif le 30 mars sur le blog “Madame Kévin”.
@fajua
hé hé… 😉
@Bibi 🙂
Tes coms sont toujours un plaisir et puis, oui, j’aime bien la liberté!
@Madame Kevin
merci de ta visite et de ton gentil com
@toustes
le jeu joliment proposé par Madame Kevin est ouvert à tout le monde…à vous !
@toustes
et on peut lire tous les textes là:
http://a1000mains.hautetfort.com/
et ça vaut vraiment le détour
bravo céleste ^^
un chouette joli moment que tu nous fait passer, avec ce texte ! bravo 🙂
Hin Hin ! C’est vrai qu’elle a l’air … Arghhh !!! Les body’s snatchers m’ont eu ! C’est foutu, je suis un rhinocéros comme les autres. Bien sûr je me soigne, mais je sais bien que je peux rechuter à tout moment.
Beau texte, bon lien. Merci.
merci merci 🙂
n’oubliez pas d’aller lire les textes, on passe un très bon moment…et surtout ne ratez pas celui de Bibi, douceur et ironie et celui de Claudio dont j’ai extrait cette jolie phrase
“Toujours une valise à la main. Et un trousseau de clés dans la poche. Se mettre en vitrine pour ne pas être vu.”
manque plus que celui de Fajua 😉
Patience 😉
Un régal ! Merci Céleste.
@salut Fauvette 🙂
Contente de ta visite!
Mais jolie fille quand même!Et si en plus elle vous sourit
ça devient juste un rêve d’amour et de vie,un sourire pour l’instant et reprendre son chemin en ayant ainsi illuminé une journée.
Un sourire de femme c’est un instant gagné sur la tristesse.
Désolé,j’aime pas les séparations,trop connu!
@Jean Claude
“Un sourire de femme c’est un instant gagné sur la tristesse.”
Joli! mais moi je dirais, un sourire, tout court.
On pourrait “renvoyer” tout ça à “L’homme qui aimait les femmes” de Truffaut, avec l’inimitable voix de Charles Denner, que tu as évoqué Céleste, dans quelque lointain billet, me semble-t-il…! 🙂
Beau texte sensible que le tien, en tous cas, Céleste, dans le sens de la liberté, de la reconnaissance de l’autre et de ses limites…! ;-))
Le titre “La Fille à la valise” m’a rappelé tout de suite le film de Zurlini : j’ai été vérifier, il date quand même déjà de 1962 et devait sans doute être moins féministe que ton texte ici !
Belle nouvelle qui roule rapidement à partir d’une photo et qui correspond à des réalités vécues, un jour ou l’autre, par chacun (ou chacune ?).
Depuis, les valises ont simplement pris des roulettes, comme les poules des dents, mais les filles demeurent toujours aussi embarrassantes en certaines circonstances, si je puis dire !
A y est 😉
Tiens, je vais le faire aussi !
Merci pour le soutien que tu apportes à “Jeux d’écritures”. Je suis heureuse que ce blog fédère des univers très différents et nous rassemble autour une même passion, l’écriture.
@vieil anar
Pour se souvenir de Charles Denner
http://cinema.encyclopedie.personnalites.bifi.fr/index.php?pk=45221
l’homme qui disait:
“Les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie”.
c’est joli, un peu désuet peut-être
@Dominique
“La fille à la valise”, il me semblait bien que le titre me disait quelque chose!
j’adore les valises, c’est un de mes objets préférés!
et particulièrement à roulettes, dès que je m’empare d’une des miennes, qu’elle roule à mes côtés, je me sens encore plus vivante!
@Fajua
et c’est un très beau texte 🙂
@pas perdus
excellente idée!
@madame Kevin
Vraiment, le bon côté d’Internet (c’est la troisième fois que je l’écris depuis ce matin!)
J’insiste car, pour moi, se fédérer autour de l’écriture, partager nos ressemblances et nos différences, s’amuser, se rencontrer de manière si facile et libre est essentiel.
C’est quelque chose de nouveau. Il y a eu pendant des siècles les échanges épistolaires mais évidemment beaucoup plus limités.
Aujourd’hui la parole peut circuler très facilement à nous de faire en sorte qu’elle soit de qualité, qu’elle soit l’expression de nos vies et de nos pensées.
C’est pourquoi j’aime beaucoup cette initiative, il y en a d’autres sur le web mais on n’a pas toujours le temps d’y participer (et puis parfois pas non plus d’inspiration ;-(
@ Céleste : à propos de valises à roulette, je me suis souvenu d’une mini-vidéo que j’avais faite pour mon blog.
Je l’ai retrouvée pour toi (elle date de mai 2009) :
http://dominiquehasselmann.blog.lemonde.fr/2009/05/05/roulettes-it-be/
@merci Dominique
c’est chouette, ça donne envie de partir !
et puis, “roulettes it be”, chapeau pour le titre 🙂
(sorry ton com était resté coincé, probablement à cause du lien ça arrive de temps en temps)
J’aime quand le printemps m’invite à reprendre le chemin des jeux d’écriture (et parfois de lectures quand le temps ne m’est pas trop compté).
Le pouvoir des images pour libérer les émotions et les non-dits…
@bonjour Otir
à moi aussi le printemps donne des envies d’écriture, de jeux.
merci de ta visite
Il est beau ce texte, l’idée de voyage, de départ. Lu’n reste à terre, l’autre s’envole
merci caro_carito 🙂