Je les ai accompagnés jusqu’au bout de l’allée. Les larmes aux yeux, ils m’ont serrée dans leurs bras. L’un après l’autre, s’inquiétant à mi-voix de ma tristesse. C’est drôle comme la mort abaisse l’intensité des voix. Cette semaine ne fut que murmures. Pourtant, Anton a quitté à jamais le monde des bruits et ma peine se soucie peu des tumultes. Elle serait la même au milieu du chaos.
Je suis rentrée à la maison. Ils avaient tout rangé, tout mis en ordre. Leur ordre. Ils n’avaient pas fouillé le bureau d’Anton. Pas encore. Je sais que bientôt ils le feront, à la recherche d’un manuscrit délaissé, inachevé, de lettres où ils espèreront dénicher quelques secrets ou des traces de l’amour paternel.
Je me suis assise sur sa chaise. J’ai allumé l’ordinateur. La poste était pleine de messages. Condoléances. Regrets affligés. Il nous manquera. Et à moi, donc, qui ai vécu si longtemps dans sa chaleur. Désormais le froid en moi s’est déployé. Tenace. Tentaculaire.
Mon esprit était vide et mes gestes machinaux. Sans savoir pourquoi j’ai ouvert le tiroir du bureau. Son tiroir. Là où dormaient ses souvenirs. Les miens sont ailleurs. Ce n’est parce que l’on s’aime si longtemps et si fort que l’on mélange ses mémoires du temps d’avant.
Et tout de suite, éclat de métal bleu grisé, je n’ai vu que lui : le stylo d’Elisabeth.
Alors que pendant les premières années de notre amour il fut comme une écharde dans mon cœur jaloux, je l’avais oublié.
Assoiffée d’absolu, je voulais, naïve et égoïste, être pour Anton la seule, l’unique. Qu’aucune autre n’ait pu et ne puisse jamais susciter en lui les ondes du désir fou et inépuisable qui enchantait nos vies.
Nos premières rencontres avaient le goût des baisers enflammés, des gestes inachevés, des frissons, des confidences. Pour moi quelques amourettes, pour lui des aventures sans lendemain et Elisabeth.
Il disait qu’elle avait été le soleil qui avait illuminé sa première année en France. Que sans elle il serait peut-être retourné à Prague. Qu’ils étaient aimés, follement. Puis elle avait disparu, l’abandonnant dans une chambre d’hôtel. Il avait trouvé une lettre dans la poche de sa veste et son stylo, resté sur une table.
Je n’ai jamais su ce qu’il est advenu de la lettre, ou peut-être l’ai-je oublié mais le stylo était omniprésent. Il me narguait, me suggérant sans cesse que je ne devais l’amour d’Anton qu’au renoncement d’une autre et qu’il aurait suffit qu’elle apparaisse pour qu’il la suive, sans un regard pour moi.
Comme j’étais jeune alors et sotte! Je ne savais pas encore que l’amour n’est ni exclusif ni épuisable mais qu’au contraire, vibrant tout au long de la vie, il s’enrichit des rencontres, des baisers et des caresses.
Dommage, Elisabeth, qui doit être aujourd’hui une vieille dame, ne saura jamais à quel point elle a rendu Anton heureux et que, du fond de mon cœur devenu sage, je l’en remercie.
Ce texte, prolongement du précédent, a été lui aussi écrit pour le jeu du blog à 1000 mains.
8 commentaires sur “Le stylo d’Elisabeth”
Merci, Céleste, pour ce deuxième texte. Tu as bien fait de l’écrire. Je le mets en ligne.
Ah ! j’aime bien ces textes en deux parties (ou plus) qui ne finissent pas vraiment…
… Elisabeth est peut-être en train de rêver à ses Mémoires, en prenant une tasse de thé, avec une madeleine (pour la mémoire).
Hélas, hélas, deux de mes textes ayant été mis en ligne par les animatrices, puis retirés, aucun de mes commentaires ne passant plus le barrage de la modération, je crains que le Blog à 1000 mains ne soit pas tout à fait ce grand rassemblement communautaire d’auteurs et de texte dont on pourrait se féliciter, mais un endroit où des textes et des auteurs peuvent être censurés sans qu’on use de la plus élémentaire des politesses, consistant à les en informer ni qu’on connaisse les raisons de cette censure. Les détails sur mon blog.
Jimidi
Le commentateur aigri et venimeux qui signe JIMIDI est tout simplement en train d’inonder le web, depuis ce matin, avec le message dont tu as un spécimen ci-dessous, sous prétexte d’informer (??) les autres auteurs du Jeu à 1000 mains de sa mésaventure. Il veut surtout porter le discrédit sur les responsables du jeu. Il m’accuse aussi d’être l’instigatrice de cette triste histoire.
A la fin de la journée, il aura distribué ce même message sur les blogs de tous les auteurs qui ont participé aux jeux. Le mieux est de n’y prêter aucune attention et j’espère bien te retrouver sur les 1000 mains en juin pour une nouvelle aventure d’écriture.
Bon dimanche
Lise
http://lise2cc.wordpress.com
@bonjour Lise
je suis désolée ton com était resté coincé, contrairement au précédent ;-(
@jimidi
Je ne sais pas de quoi vous parlez, par contre je trouve votre façon de procéder parfaitement incorrecte. Je n’aime pas du tout le fait de dénigrer ainsi le blog à 1000 mains.
Ne comptez pas sur mon soutien. Ce type d’accusation publique me deplaît fortement.
@Lise
Je serai ravie de participer au prochain jeu que vous proposerez. Se retrouver autour d’une photo pour laisser, en toute liberté, s’exprimer nos imaginaires, sans lutte d’ego ni transactions financières est une excellente utilisation du web.
bravo encore et merci pour l’initiative 🙂
Céleste, que les choses soient claires : je ne suis en aucune façon déléguée par les responsables du jeu, donc, l’initiative du jeu ne m’appartient pas : je ne suis qu’un auteur parmi les 150 ou plus qui jouent surleblogde mmeK.
Mon commentaire, que j’ai diffusé auprès de tous ceux qui ont reçu ou recevront le message du monsieur courroucé, n’est pas patronné par les responsables du jeu (je me demande même si elles sont au courant ? ) C’est une initiative personnelle, une reaction épidermique pour essayer de neutraliser l’incorrection du monsieur en question.
Merci pour vos réponses et à plus tard sur le jeu des 1000 mots
@ok Lise, no problem!
Je suis très peu sur Internet en ce moment (parfois la vie est nettement plus riche ailleurs) et j’ai répondu vite fait sans savoir qui tu es.
Bonne journée.
@jimidi
Je me rends compte qu’avec vous j’ai été lapidaire. Je n’aime ni les bagarres ni les attaques aux uns et aux autres.
Ce n’est pas mon truc.
Je préfère garder mon énergie pour des causes qui me tiennent plus à cœur.
J’aime beaucoup participer aux jeux d’écriture, précisément, c’est un jeu!
J’ai fait un saut sur votre blog, j’ai lu vos textes, j’ai aimé même si le deuxième est vachard.
Dans ce cadre-là (le blog à 1000 mains) il n’y a pas de “bons” ou de “mauvais” textes, il y a une possibilité d’expression libre. C’est précieux. Le style, ça vient après.
Heu… De quelle “possibilité d’expression libre” parlons nous quand deux textes, après avoir été mis en ligne, sont ensuite censurés ? ♣