La vie est dure à Neerodi. Dans ce village du Tamil Nadu, situé sur la côte sud ouest de l’Inde, presque à la pointe du sous-continent, la seule ressource est la pêche.
Debout dans leurs embarcations, la peau rongée par le sel, chaque nuit, les hommes affrontent les flots. A l’aube, les femmes les rejoignent sur la plage. Elles remplissent de poissons de grandes bassines d’aluminium qu’elles emportent ensuite, posées sur leurs têtes, vers les marchés des villages de l’intérieur.
Les revenus des familles sont soumis aux caprices de l’océan mais, quoi qu’ils en soit, ils restent très faibles. Quelques roupies par jour, souvent à peine l’équivalent d’un euro.
Depuis le tsunami, les fonds marins, troublés, sont moins généreux et puis les vagues géantes ont brisé les barques, détruit les cabanes en palme, dispersé le peu de matériel dont disposaient les habitants du village.
Malgré les aides, les familles se sont lourdement endettées pour remplacer leurs biens et, aujourd’hui encore, une bonne partie des gains est engloutie par les créditeurs.
A Neerodi, l’eau courante est un luxe inabordable alors les femmes vont à la fontaine remplir leurs amphores en plastique. Mais celle-ci ne coule que quelques heures par jour, l’après-midi et, sous le soleil plombant, se forment de longues files.
Porter le poisson le matin, à pied, pendant des kilomètres, le vendre, préparer les repas, aller chercher l’eau à la fontaine, s’occuper des enfants, constitue déjà un quotidien difficile mais, de plus, les femmes doivent faire face aux humeurs des maris et celles-ci sont loin d’être plaisantes. L’alcoolisme fait des ravages parmi les hommes de la communauté. L’ivresse dévore les roupies, aiguise la violence, pousse au suicide.
Namaste intervient dans le village depuis plusieurs années. L’association a crée une école maternelle et de nombreux enfants sont placés dans des maisons familiales durant l’année scolaire.
Afin de permettre aux femmes de ne plus être dépendantes du travail des hommes, un nouveau projet a été mis en place il y a quelques mois : la coopérative des tisseuses de filet.
Ces dernières décennies, les filets en nylon, fabriqués en usine, ont remplacé les filets en coton traditionnels, tissés à la main. Plus coûteux et nécessitant un savoir faire particulier, ces derniers présentent par contre l’avantage d’être faciles à réparer lorsqu’ils sont troués. Ce n’est pas le cas pour les filets en nylon, le fil, rigide étant très difficile à remailler pour les pêcheurs.
D’où l’idée de relancer, sous forme de coopérative, la fabrique traditionnelle de filets de coton.
Immédiatement, les femmes ont adhéré au projet. Elles travaillent chez elles, ce qui leur permet de s’occuper de leurs enfants. Chacune fabrique un pan, roulé en pelote, puis tous sont réunis pour former un immense filet. Dès la création de la coopérative, les pêcheurs de toute la zone sont venus en nombre s’approvisionner.
Désormais, les tisseuses gagnent 100 roupies par jour (environ 1,50 euro) ce qui est légèrement inférieur au salaire indien moyen mais nettement supérieur à leurs revenus antérieurs.
Une belle réussite, comme une bouffée d’air frais pour ces femmes courageuses, qui jamais ne baissent les bras.
Un projet à réitérer, facile à mettre en place et qui permet d’améliorer le quotidien des familles de pêcheurs en redonnant de la vitalité à leur village.
photos de Francesca, Vittoria et moi
2 commentaires sur “Les tisseuses de filet”
Merci beaucoup pour le partage…et bon séjour dans ton pays de coeur :))
Merci à toi Saby 🙂
Baci baci