Sadisme et torture au supermarché

« J’étais dans le vestiaire quand un homme dont je n’ai pas vu le visage m’a mis un bandeau noir sur les yeux et a essayé de m’enfoncer quelque chose dans la bouche pour m’empêcher de crier, je l’ai mordu et j’ai remarqué que ce n’était pas de la peau, il portait sans doute des gants en plastique. Il m’a prise par les cheveux, m’a traînée dans la salle de bains et m’a frappé la tête contre les murs, il a fermé la porte et m’a dit « comme ça tu apprends ! » et « pisse ! » puis il m’a enfilé la tête dans la cuvette des toilettes. »

La femme qui parle sur les ondes de radio popolare a 44 ans, elle est caissière dans un supermarché Esselunga de Milan, via Papiniao et c’est là que, jeudi 28 février, à 16heures 30, elle a été violemment agressée.
Torturée.
Humiliée, pour la seconde fois.

Le 2 février alors qu’elle était au travail elle a sollicité de ses chefs la permission d’aller uriner. Ceux-ci ont refusé. Souffrant de problèmes rénaux, elle insisté, expliquant qu’elle risquait d’être malade si elle ne pouvait soulager sa vessie. Nouveau refus de la part de la hiérarchie.
Quatre heures plus tard, passées assise, immobile, derrière sa caisse, la jeune femme ne parvient plus à se contrôler et urine dans son pantalon devant les clients.
Mortifiée, en larmes et en proie à de vives souffrances, à peine son travail terminé elle se rend à l’hôpital où les médecins diagnostiquent une cystite aigue qui nécessite 15 jours d’arrêt de travail.
Soutenue par les syndicats, elle décide alors de porter plainte contre l’entreprise Esselunga, un géant de la grande distribution (4,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 130 points de vente).

Rétablie, elle reprend son poste.
Mais jeudi à 16 heures 30, un homme, embusqué dans les vestiaires du magasin, attendait sa venue.

Courageuse la victime n’a pas cédé à la violence et a immédiatement à nouveau porté plainte.

Hier, samedi, une journée d’action a été organisée pour dénoncer ces faits abjects.
Elle n’a pas rencontré un grand succès, seulement 200 personnes réunies devant le magasin de 9 heures à 14 heures pour manifester leur colère et tenter de sensibiliser les clients venus faire leurs achats de fin de semaine.
Au départ les syndicats avaient envisagé une grève générale de tous les employés pendant huit heures, mais ceux–ci n’ont pas accordé leur soutien au mouvement.
C’est qu’à Esselunga, « Non si respira senza permesso ». (On ne respire pas sans en avoir l’autorisation)

Divisés par les patrons qui multiplient les contrats précaires et accordent des horaires plus souples et plus convenables à celles et ceux qui collaborent en se montrant de « bons » travailleurs soumis et silencieux, les employés courbent l’échine, tremblent et se désolidarisent les uns des autres.
Chacun pour soi et marche ou crève.
Questionnés par les journalistes certains mettent en doute les déclarations de la victime, d’autres prétendant n’avoir rien vu.
Omerta pour ne pas perdre son boulot.

Côté clients on balance entre indifférence et odieuses critiques de la manifestation:
“Ils auraient pu éviter de faire tout ce cirque”
« Et même si elle a été agressée qu’est-ce que ça veut dire ?! On va quand même pas manifester ! c’est leur problème ». (Liberazione)

Dame, c’est que le samedi on fait les sacrosaintes courses !
Alors chacun sa merde !

Et puis, « A cent mètres du sit-in il y a aussi un groupe de militants du PD (parti démocratique de Walter Veltroni). Ils distribuent des tracts qui dépeignent la beauté un monde où les entrepreneurs et les esclaves seraient d’accord, mais leurs banderoles restent à bonne distance de la manifestation, pourtant, il sont au courant » (Liberazione)

Quant à la direction du magasin, après avoir accusé la victime de s’être auto flagellée elle s’est rétractée et a répliqué dans une note prudente :
« Une enquête est actuellement menée par les forces de l’ordre (…). Toute déclaration est actuellement prématurée »

Mardi est prévu un nouveau rassemblement et il a été demandé aux milanais d’inonder la direction d’Esselunga de lettres et mails de protestation » (La Repubblica).

Mais pour une victime qui ose défier l’indigne pouvoir patronal, combien se taisent et se laissent broyer ?
Combien de temps encore les travailleurs devront-ils subir ces méthodes que l’on espérait révolues avant qu’un élan populaire ne vienne détruire ce système basé sur le profit et l’injustice ?

L’heure est grave, dans un univers qui n’obéit plus qu’aux lois du marché l’être humain disparaît, il devient un simple rouage, interchangeable, corvéable, insignifiant.

« L’homme lucratif est la parfaite expression de l’inhumanité » Raoul Vaneigem (Nous qui désirons sans fin)

Sources : Liberazione, Il Manifesto, La Repubblica, precaria.org

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