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L’ équilibre du monde

Le degré de civilisation d’une société se mesure à l’attention que celle-ci accorde à ses enfants et à ses anciens.
C’est ainsi.
Les uns construiront l’avenir, les autres ont bâti le passé et dans l’extraordinaire réseau qu’est l’humanité, tous ont leur place et devraient bénéficier des mêmes attentions.

Qu’en est-il dans une France qui a peur de ses enfants et qui laisse ses vieillards mourir dans des hospices ?
« Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente » a écrit Aimé Césaire.
Argh ! On est en plein dedans !

La chaîne de solidarité intergénérationnelle s’est fragilisée, devenue simple fil, qu’un rien peut briser.

En Inde, le respect des anciens est fondamental. Le fils aîné hérite à la fois du patrimoine de ses parents, mais aussi de leur charge, et la cohabitation est presque systématique.

Par le passé, il en fut de même en occident, plusieurs générations vivaient sous le même toit et chacun y trouvait son compte. Mais qu’en était-il de la liberté individuelle et de l’intimité de couples ?
Il faut croire que le système ne nous convenait pas, puisque nous l’avons majoritairement abandonné et que le reprendre serait synonyme de souffrance, voire même de sacrifice. Malgré l’amour, réciproque, que je porte à mes parents et mes enfants, la perspective d’une cohabitation est inenvisageable, tant pour eux que pour moi.
Une fois la séparation accomplie, il paraît impossible de revenir en arrière.

Pourtant, chez presque tous nos amis indiens, rencontrés cet été et avec qui nous avons passés de longs et superbes moments, vivaient en harmonie plusieurs générations.
Certes, les jeunes couples ont peu d’intimité, mais il vrai aussi qu’ayant généralement fait un mariage arrangé (environ 90% des cas), ils vivent rarement une histoire d’amour passionnée et exigeante. La belle-mère, omniprésente, se comporte fréquemment en tyran domestique, mais elle peut apporter aux petits enfants soins et affection.
Au fil des ans, les anciens perdent leur pouvoir décisionnaire, ils passent la main à leur fils, au sein de la maison, dans la ferme, la boutique ou l’entreprise. Devenus très vieux, qu’ils occupent peu ou beaucoup d’espace, on les considère avec bienveillance, leurs avis sont souvent sollicités, parfois écoutés et tous les soins qu’ils nécessitent leurs sont prodigués.

Bien sûr il arrive aussi, particulièrement dans les couches les plus pauvres de la société indienne, que les parents soient abandonnés par des enfants incapables de survenir à leurs propres besoins. La situation des anciens est alors dramatique et beaucoup sont réduits à une extrême pauvreté, l’aide de l’état étant pratiquement insignifiante.
C’est pourquoi, par exemple, Namaste, a aussi créé des adoptions à distance de « nonnine », pour apporter quelques subsides à des veuves sans ressources.

Bien évidemment, l’organisation familiale indienne créé de multiples contraintes, contraintes que nous n’avons ni l’envie, ni même probablement la capacité de nous infliger, mais entre leur totale disponibilité envers les anciens et l’égoïsme dont nous faisons de plus en plus preuve, tout occupés que nous sommes à rechercher notre bonheur individuel voire même l’infantile satisfaction immédiate de nos désirs (dans certains cas extrêmes), n’y aurait-il pas moyen d’inventer un moyen terme satisfaisant pour tous ?
L’humanité, qui est un tout, a besoin de la fougue de la jeunesse mais elle ne peut le faire au détriment de la reconnaissance due aux anciens pour tout ce qu’ils nous ont apporté, par leurs luttes et leurs engagements, et même si, parfois, certains d’entre eux ont commis des erreurs.

La compréhension et l’acceptation de l’autre, quelque soit son âge, son sexe, sa nationalité sont essentielles à l’équilibre du monde.

« Enseigner la compréhension entre les humains est la condition et le garant de la solidarité intellectuelle et morale de l'humanité. »
Edgar Morin

   
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Claudine Tissier & Fabio Campo