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C’est notre dernier jour à Karaikal. Nous nous sommes
enfin habitués au lit trop petit et au sofa en pente mais d’autres
aventures nous attendent.
Pandjanadane et Subramanian nous accompagnent à la découverte des
dernières traces de la France du district : La maison de la France et
l’Alliance Française.
La première a été en partie transformée en école élémentaire, nous ne
visitons qu’une salle au rez-de-chaussée, sombre et poussiéreuse. De
Gaulle nous toise de sa hauteur, raide sous son képi, tandis qu’un jeune
Chirac à l’air benêt tente un sourire sur le mur le mur opposé. Il y
aussi quelques photos de notables et militaires français endimanchés,
une remise de médaille, un hommage aux Français de Karaikal morts pour
la France durant les deux guerres mondiales, des français basanés,
embarqués sous une bannière tricolore qui, je suis prête à parier, n’a
probablement pas fait plus pour eux que pour les Sénégalais et autres
Algériens qui ont suivi le même parcours. |
A l’Alliance Française, les salles de classes portent des noms
d’écrivains : Racine, Chateaubriand. Elles sont sombres et sommaires, de
vieux pupitres en bois, des tableaux gris fendillés ou quelqu’un, d’une
magnifique écriture, pleins et déliés, a écrit la date du jour. Le
secrétaire est un jeune homme charmant qui parle un français impeccable
et un peu vieillot. Il m’explique que l’école compte 147 élèves, pas mal
quand même, et 6 professeurs, tous indiens. Il m’explique aussi que
c’est par faute de moyens qu’ils ont dû quitter la belle maison voisine
pour se réfugier dans celle-ci, plus petite et moins fonctionnelle.
Evidemment je me dis en moi-même que l’Etat français ne doit pas faire
beaucoup d’efforts financiers pour les aider, ici les prix sont
dérisoires, il suffirait de bien peu pour donner à cet endroit un petit
coup de prestige, mais il semblerait que la France ait d’autres chats à
fouetter que d’enseigner sa langue aux Tamils, grave erreur à mon sens.
Comme le reste de l’Inde, le Tamil Nadu est en pleine expansion
économique et il serait judicieux de développer les échanges économiques
et culturels. Mais bon, on ne me demande jamais mon avis !
Le soir, à la maison, nous interviewons nos amis pour notre
documentaire. Leurs réponses à mes questions sont pleines de sensibilité
et d’intelligence. Ils veulent une Inde plus juste, plus équilibrée, où
tous pourraient avoir les mêmes chances. La jolie petite Jaya Sudha aime
sa maman et ses copines, son héros est le célèbre acteur tamil Vijay et
elle nous interprète sa chanson préférée.
Pour remercier nos hôtes nous les invitons dans le meilleur restaurant
de la ville, le service se fait attendre « Ici, pour manger le soir, il
faut commander le matin ! » nous glisse, rigolard, le délicieux
Pandjanadane. Puis alors qu’une discussion animée s’est engagée entre sa
fille et son gendre : « Tout ce discours, c’est pour savoir si je peux
boire de l’eau glacée ! » et il les laisse malicieusement parler, sans
intervenir.
Le matin, alors que nous attendons le taxi, Pandjanadane me raconte que
chaque année, sur la page du premier janvier de son agenda, il écrit
quelque chose qu’il aimerait consigner, si je le veux bien, dans mon
carnet. Je le lui tends, et là, de mémoire, d’une belle écriture penchée
il écrit :
« Hâtez vous lentement et sans perdre courage
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage
Polissez le sans cesse et le repolissez
Ajoutez quelques fois et souvent effacez »
Boileau (Art Poétique)
Au revoir Pandjanadane, merci pour votre infinie gentillesse, pour votre
sagesse et votre humour.
Au revoir Jayanthi et Subramaniam, merci d’avoir été si disponibles et
charmants.
Au revoir les filles, merci de vos sourires.
Au revoir Natarajan, puisses-tu un jour pardonner à ta femme.
India, le 13 juillet 2006 |