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Le garçon de Kumbakonam (suite) |
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Après avoir visité les temples Venkatranam nous invite
à venir chez lui pour faire la connaissance de sa sœur et de sa mère.
Nous avons déjà rencontré son père et ses deux petits frères, Ganesan et
Mani Vengayam au magasin.
La famille habite un appartement moderne au rez-de-chaussée d’un petit
immeuble. L’intérieur est plutôt bien tenu et peu meublé, la pièce
maîtresse du salon est un aquarium de belle taille où s’ébattent de gros
poissons exotiques.
La maman de Venkatraname est une petite femme replète et joviale qui rit
pour un rien (c'est-à-dire chaque fois qu’elle nous regarde) et Rajam,
sa sœur, une beauté. Grande et mince, les cheveux impeccablement nattés,
le dupatta joliment disposé en travers de sa tunique vert et or, elle
traverse la pièce, d’une démarche souple et gracieuse, les épaules
droites et la tête haute pour nous apporter des verres de café. Elle a
20 ans. Dans un an elle épousera un jeune ingénieur de Chennai qu’elle
ne connaît pas encore, mais que son père a sélectionné pour elle. Elle
quittera alors ses parents et ses petits frères pour s’installer avec un
bel époux tout neuf qu’elle aura rencontré trois ou quatre fois. En
attendant, elle est confinée à la maison, n’ayant le droit d’en sortir
qu’avec son père ou sa mère. |
Rajam, moi, Fabio et Venkatranam |
La famille de Venkatranam est hindoue, de la caste des
commerçants, plus précisément de la sous caste des orfèvres, c’est à
dire qu’ils ont des rapports privilégiés avec l’or. Les différences avec
la famille de Pandjanadane sont évidentes.
Chez nos amis brahmanes on se soucie de culture, Jayanthi travaille et
les études de ses filles sont fondamentales. Chez Venkatranam les femmes
restent à la maison pour s’occuper des enfants et des tâches ménagères,
il est hors de question qu’elles aient un emploi, les hommes de la
famille pourvoient aux besoins, et apparemment plutôt bien. Les garçons
étudient l’informatique et la culture ne semble pas être une
préoccupation, par contre on nous montre les bijoux (somptueux) de la
mère. Non pas par orgueil, je ne sens chez eux nul désir de briller,
mais parce qu’ils aiment l’or.
Rajam et sa mère veulent absolument me faire essayer un sari pour
prendre des photos. Evidemment j’accepte et la séance d’habillage
commence, loin des regards masculins, Fabio qui espérait filmer la mise
en place du vêtement, est gentiment prié d’aller jouer ailleurs avec sa
caméra. Le sari qu’on me présente est splendide, en soie turquoise brodé
d’or, il mesure environ 5 mètres, coûte à peu près 200 euros, soit plus
d’un mois de salaire d’un professeur et n’est pas facile à mettre.
J’enfile d’abord un caraco très ajusté, puis un long jupon retenu à la
taille par un lacet. Jusque là je me suis débrouillée toute seule, la
suite requiert les mains expertes de Rajam qui drape habilement le tissu
sur mon corps. Elle attache ensuite un collier en or autour de mon cou
et colle un bindi (point rouge) sur mon front. Vingt minutes après le
début de l’opération j’ai, comme prévu, l’air d’une occidentale pâlotte
déguisée en indienne. Je marche à petits pas précautionneux, coincée par
le tissu et terrorisée à l’idée d’abimer cette merveille mais Rajam et
sa mère sont enchantées et les garçons se disputent notre appareil photo
pour prendre des clichés.
A peine le sari retiré on nous propose de dîner, impossible de refuser
tant de gentillesse. On nous fait asseoir sur un canapé et on installe
devant nous une table basse qui se remplit de nourriture, noodles,
parotta (galettes) et sauces, le tout strictement végétarien. Nos hôtes
ne mangent pas, ils nous servent et nous regardent, quand nous nous en
étonnons, un peu gênés quand même, ils nous répondent qu’ils ne peuvent
manger sans la présence du père et que celui-ci est encore à la
boutique. |
Les noodles se révèlent particulièrement hot, et alors que nos papilles
sont en feu on dépose devant nous deux gobelets d’eau fraîche
directement issue du robinet. Nous poussons notre habituel cri de vierge
effarouchée « Oh sorry, we drink ONLY mineral water ! » la main sur
l’estomac pour bien faire comprendre qu’il ne s’agit en aucun cas d’un
caprice mais d’une incontournable exigence sanitaire.
Qu’à cela ne tienne le frère du milieu se précipite immédiatement dans
la rue pour nous acheter de l’eau.
A la fin de notre dîner Rathiman, le père, arrive. Nous prenons d’autres
photos et posons quelques questions pour notre documentaire. Quand je
leur demande ce qui est important pour eux, ils me répondent le travail,
quand je leur demande ce qu’est l’amour, ils me répondent qu’ils
n’aiment pas l’amour, que seuls les mariages arrangés sont acceptables.
Puis les trois garçons nous accompagnent à l’hôtel.
Nous nous saluons et promettons de revenir les voir l’année prochaine.
Une heure plus tard Venkatranam nous téléphone dans notre chambre, il
veut encore nous dire au revoir et je me demande comment il nous
perçoit.
Qui sommes-nous pour lui ?
Que représentons-nous ?
India, le 15 juillet 2006 |
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Santhi, Rathinam et moi |
Plus de photos:
Le garçon de
Kumbakonam |
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