|
Manju et Vinod |
|
Manju est une jeune femme de 30 ans, informaticienne de
haut niveau, elle travaille dans le software pour le compte d’une
entreprise internationale basée à Bangalore. Nous ne la connaissons pas
encore. Un ami italien travaillant pour la même société l’a rencontrée
lors d’un séjour professionnel en Inde et lui a demandé si elle
accepterait de nous recevoir afin que nous puissions l’interviewer pour
notre documentaire.
Nous sommes très intéressés par cette rencontre car Manju fait partie de
ces fameux prodiges de l’informatique indiens qui suscitent l’admiration
des occidentaux.
Manju et Vinod, son mari, nous ont invités à dîner. Ils habitent dans une
zone résidentielle de Bangalore que nous n’avions pas encore découverte.
Les villas sont entourées de verdure, les rues sont calmes, plutôt bien
entretenues et l’aisance financière des habitants du quartier évidente.
Manju, Vinod et Christopher, leur bébé d’un an et demi, viennent nous
chercher en voiture au lieu de rendez vous. Ils sont les premiers
indiens que nous rencontrons à posséder une voiture, neuve de surcroit. |
Manju et Vinod |
Ils habitent un joli appartement au rez-de-chaussée
d’une villa. La vieille dame qui nous ouvre la porte est une bonne qui
s’occupe du bébé et de l’appartement.
Nos hôtes sont très sympathiques et la discussion est vite passionnante.
Pendant que nous parlons la télé nous montre des images du dvd de leurs
fiançailles et de leur mariage. Ils ont fait un mariage arrangé mais qui
est aussi une histoire d’amour.
Conformément aux vœux de son père, un riche entrepreneur kéralais, Manju
n’a pas souhaité se marier avant d’avoir terminé de longues études
scientifiques et d’avoir trouvé un emploi intéressant. Elle gagne
actuellement environ 1000 euros par mois, ce qui est considérable.
Quand l’heure de trouver un mari est arrivée la famille et les proches
ont entamé les recherches. Le futur époux devait être catholique, comme
Manju, et d’un niveau social, (économique et professionnel) équivalent
au sien. On a donc recherché une compatibilité maximale. Plusieurs
postulants sont entrés en lice et parmi eux, Vinod. Mais celui-ci
souffrait d’un sérieux handicap : la distance. Jeune ingénieur, il
travaillait à Singapour. Qu’à cela ne tienne, les deux futurs
tourtereaux ont commencé à communiquer via Internet. Se prenant au jeu,
ils se sont, pendant des mois, écrit des centaines de messages. Le temps
passant la certitude d’être destinés l’un à l’autre a fait jour. Mais,
prudente, la famille de Manju, lui préférait un autre candidat, résidant
au Kerala et qu’elle aurait pu rencontrer avant le jour de la demande
officielle.
Les amoureux virtuels ont tenu bon et Vinod a pris l’avion pour
simultanément rencontrer une jeune femme qu’il n’avait vue qu’en photo
et la demander officiellement en mariage.
Pour Manju le risque était important, une déconvenue, une déception de
la part de l’un ou de l’autre en se rencontrant aurait pu faire capoter
les projets de mariage. La nouvelle de l’échec se serait immédiatement
répandue au sein de la communauté, les bonnes âmes se seraient
longuement interrogées sur les motifs de la rebuffade et les chances de
Manju de trouver un « bon » mari se seraient trouvées considérablement
amenuisées.
Mais conformément à leurs espoirs tout s’est bien passé. Les longs
messages échangés avaient crées entre lieu les prémices d’un amour qui
ne demandait qu’à s’épanouir. Deux semaines plus tard on célébrait en
grandes pompes les fiançailles, puis après un nouveau délai de deux
semaines, le mariage.
Deux ans plus tard Manju et Vinod vivent ensemble une vie calme et
harmonieuse. Malgré quelques difficultés Vinod a trouvé un travail à
Bangalore, leur bébé est adorable et Manju est à nouveau enceinte. |
|
Quand je lui pose l’inévitable question du sexe du bébé
à venir, Manju me répond qu’elle l’ignore. A la suite des innombrables
avortements destinés à ne pas mettre au monde des petites filles,
bouches inutiles pour lesquelles il aurait fallu un jour ou l’autre
payer une dot, le gouvernement a interdit aux médecins d’indiquer aux
parents le sexe des fœtus. Bien entendu il y des médecins qui se
laissent corrompre, mais en cas de dénonciation la note est
particulièrement salée, et dans l’ensemble la loi est respectée.
Manju et Vinod sont très attachés à leur foi et aux
traditions. Leur mode de vie est simple, harmonieux et joyeux. Ils ne
font en aucun cas partie de ces nouveaux riches arrogants rencontrés
dans les cafés branchés de MG Road. Dans le futur ils souhaitent avoir
du temps pour œuvrer pour les plus démunis.
Si Manju avait pu changer quelque chose dans sa vie, elle serait devenue
cosmonaute, mais c’était inconciliable avec la vie de famille.
Le héros personnel de Vinod est Abdul Kalam, le président de l’Inde, un
scientifique de très haut niveau, un visionnaire « Il ne voit pas l’Inde
d’aujourd’hui, il voit l’Inde de demain » nous dit-il.
Et tous deux nous parlent de l’amour universel, du bonheur d’être
ensemble, d’une idéale Inde future où les exclus d’aujourd’hui auront
leur place.
Encore une belle rencontre.
India, le 31 juillet 2006 |
Christopher |
Plus de photos:
Manju & Vinod |
|
|