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The marriage country

Alors qu’en France le mariage périclite, il est en Inde la base de la société, son cœur et un des moteurs de l’économie. Tout le monde se marie, une fois, pas plus, pas moins. Les divorces et les remariages sont exceptionnels.
Je n’ai pas de statistiques précises, mais considérer que plus de 90% des unions ont été arrangées, me semble correct.
Le mariage est une alliance entre deux familles, dûment sélectionnées. Il va sans dire que la religion doit être la même, mais ce n’est pas le seul critère, loin de là. Encore faut-il qu’elles appartiennent à la même caste, à la même sous-caste, à la même sous-sous-caste. Le nombre de compartiments que comporte la société indienne est hallucinant et ne concerne pas seulement les hindous. Un fils de commerçant musulman épousera une fille de commerçant musulman, une fille de propriétaire terrien catholique épousera un fils de propriétaire catholique (ou éventuellement syrien orthodoxe, le principal étant de ne jamais au grand jamais sortir du christianisme) et le fils d’un intouchable fabriquant de savates épousera une fille d’intouchable fabriquant de savates ou de ceintures.
Bien évidemment ces alliances créent toutes sortes de précieux liens économiques.

Les familles peuvent déjà être amies, ou non. Les réseaux de marieuses et marieurs sont extrêmement efficaces et hyper renseignés, rien ne leur échappe et lorsque que le candidat se présente dans la potentielle belle famille pour faire sa demande officielle celle-ci est généralement acceptée. Quant aux principaux intéressés leur opinion est certes sollicitée, mais ayant été élevés, éduqués, préparés, formatés pour accepter une union avec un (ou une) inconnu(e), à quelques exceptions près, ils disent oui sans faire de manières. Il faut aussi préciser que la confiance dont ils font preuve envers le choix des parents est totale.
Je demande à Taoufik de Trichy :
« -Et si ta future femme ne te plaît pas, si tu ne la trouves pas belle ?
- Impossible, répond-il, mes parents connaissent mes goûts et ne peuvent pas se tromper ».

Lors de la demande officielle les modalités financières de l’affaire, soigneusement préparées auparavant, sont entérinées. Et elles sont loin d’être négligeables. Il y a d’abord la dot (officiellement interdite et systématiquement versée). Elle est importante, voire même très importante. Pour la payer certaines familles s’endettent pour des années. Faute de dot, en cas extrême, une famille peut accepter une belle fille diplômée, ou fonctionnaire, dont le travail rapportera son pesant de roupies. Suivant les cas la dot est transformée en or, en appartement, en terrain, en magasin…
L’or, la passion indienne. Les somptueuses bijouteries rutilent. Elles sont partout, dans la plus petite ville comme dans la métropole. Elles exposent les mêmes colliers, les mêmes boucles d’oreilles, les mêmes bracelets. On achète au poids, assis, le verre de thé offert par la maison posé sur la vitrine du comptoir.
Et on achète, on achète, des kilos d’or, les femmes en sont couvertes et dans les maisons les armoires secrètes en regorgent.
Qui n’a pas d’or n’est pas pauvre, mais extrêmement pauvre, en dehors de la société.

Bien sûr l’or étant quand même coûteux, les femmes adorent aussi les bijoux fantaisie, à condition qu’ils soient dorés et seulement utilisés en complément des vraies parures.
Pour le mariage on achète aussi des saris, en soie, brodés d’or ou de strass. Les plus somptueux peuvent coûter 500 euros. Le prix moyen d’un sari de mariage, est d’environ 150 euros, ceux de son trousseau d’environ 50 euros. Le salaire mensuel d’un enseignant étant de 150 euros, ces chiffres sont considérables.
Généralement toutes ses emplettes se font dans des magasins spécialisés comme Alukkas parcouru avec Monu en long en large et en travers et pendant des heures pour acheter des cadeaux pour nos amis.
C’est le tout pour le mariage, saris, churindar, jupes longues, tissus au mètre, dupattha, tuniques longues et écharpes dorées pour ces messieurs, ou costumes occidentaux, chaussures, sacs, montres, valises pour ranger tout ça et bien sûr de l’or de l’or de l’or, à en être ébloui.

Après la demande officielle ont lieu successivement les fiançailles, en pompe moyenne et le mariage, dont la date a été fixée par un astrologue, en énorme pompe. Cérémonies fastueuses, repas gargantuesques, photos et vidéos assurées par des professionnels. Nous avons même vu, lors d’un mariage à Chennai, une extraordinaire installation vidéo : plusieurs caméras, mixage en direct, projection continue du montage.

Le marché du mariage est énorme, spectaculaire, il fait à lui tout seul tourner une grande part de l’économie indienne.
Une affiche sur deux, un spot publicitaire sur deux y sont dédiés. C’est du matraquage, de l’intoxication, impossible d’y échapper.

Et l’amour dans tout ça ?
D’après la plupart de nos amis de rencontre, l’amour spontané entre une femme et un homme serait une invention occidentale. Pourtant les films indiens le chantent et le dansent sur tous les tons.

Et puis quand même, nous sommes au pays du Kamasoutra, en plus du poids social que se passe-t-il dans les alcôves qui fait que les mariages tiennent et qu’il y ait si peu de rébellion ?

India, le 26 aout 2006

   
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Claudine Tissier & Fabio Campo