Small Things Productions

Textes Photos Vidéos Route

La Venise du Kerala

A Allepey il y a des canaux dans la ville, comme à Venise, à Allepey des marins d’eau douce proposent de coûteuses promenades sur les eaux, comme à Venise. La comparaison s’arrête là, pour le reste Allepey est une ville indienne, bruyante, chaotique et modérément propre.
A Allepey les touristes s’embarquent sur des house boat qui les emmènent à la découverte des « back waters », les célèbres canaux kéralais.

Notre « resort » est charmant, quelques bungalows presque confortables dans un jardin planté de palmiers. Il est tenu par Mercy, une jeune femme d’une trentaine d’années et son mari Matthew. Ils vivent avec leurs deux enfants et les parents de Matthew. Tout cela est très traditionnel, ce qui l’est moins c’est le rôle prépondérant de Mercy dans l’entreprise familiale. Mercy a le regard vif, la démarche rapide et elle parle un bon anglais, visiblement, bien qu’étant seulement la belle-fille, c’est elle qui gère le « resort » et surtout qui s’occupe de la clientèle. Elle nous explique qu’elle vient d’une famille de propriétaires terriens, que d’ailleurs sa belle famille possède aussi des terres et que c’est il y a seulement huit ans qu’ils ont décidé d’exploiter la filière touriste en parsemant leur jardin de bungalows. Bien leur en a pris, de décembre à mars l’affaire tourne à plein régime et en juillet et aout l’affluence est moyenne mais régulière. Grâce aux revenus ils viennent d’ouvrir un nouveau « resort » dans la ville.

Mercy et ses enfants

Mercy est très contente de son travail, elle trouve le contact avec les « westerns people » enrichissant et pas seulement du point de vue monétaire. Ses clients sont principalement Français, Allemand et Anglais, de temps à autre un Italien ou un Américain pose son sac, mais c’est rare. Ce qu’elle pense des européens ? « Ils sont très honnêtes, ils ne mentent pas tout le temps comme les indiens ». Bien qu’à priori je n’aime pas les généralisations je conviens que son analyse est pertinente : c’est vrai, les indiens mentent, pour tout ou pour un rien, pour dissimuler ou faire plaisir, pour donner la réponse ou le renseignement que l’autre attend, pour profiter d’une situation ou la tourner à son avantage. Leur rapport à l’honnêteté est fluctueux. Menteurs invétérés ils sont aussi naïfs. Prêts à croire des mensonges similaires à ceux qu’eux-mêmes pratiquent. La corruption est un des fléaux de l’Inde. Elle sévit dans tous les secteurs, y compris la santé et l’éduction, et à tous les niveaux, mais bien sûr elle pénalise surtout les pauvres, incultes et sans défense. Une lutte de sensibilisation est actuellement menée dans tout le pays, à grand renfort de spots publicitaires et témoignages de ceux qui ont su se rebeller contre cette pratique.

Mercy et son mari

Les enfants de Mercy fréquentent une « English Medium School » privée catholique. Leur père a de grandes ambitions pour eux plus tard, il veut les envoyer étudier aux USA. Mercy est différente, elle souhaite seulement qu’ils aient un bon métier, qui leur permette de bien vivre et d’être heureux. « Et si votre fille tombe amoureuse d’un touriste allemand (ou français) et veut aller vivre avec lui en Allemagne ? » Elle se met à rire « Oh la la, ce sera un problème, les occidentaux sont différents et on ne saura rien sur sa famille, j’espère que ça n’arrivera pas ». Et si ça arrive ? Mercy ne ferme pas la porte, si ça arrive et que c’est plus fort que tout, on verra.

En fin de journée nous faisons une balade en pirogue sur les canaux. Les femmes lavent le linge ou la vaisselle dans leurs eaux, les enfants nous suivent en courant sur la berge. Ils crient « School pen ! School pen ! ». Le touriste moyen, c’est bien connu, se promène avec une douzaine de stylos au fond de son sac de façon à les distribuer généreusement aux gamins du cru. Du moins il semblerait que ça se passe comme ça, à chaque fois que nous arrivons dans un endroit touristique les enfants se précipitent, les pauvres comme les moins pauvres : « School pen, school pen ».

Les enfants des canaux

En cas de refus on essuie des mines renfrognées, et des airs déçus. Certains nous plantent là sans cérémonie, d’autres, indifférents au stylo, continuent la conversation, ou deviennent franchement insistants, ça dépend…

La balade est superbe, le soleil couchant se reflète dans les eaux, les martins pêcheurs tourbillonnent, et la pirogue glisse silencieusement.

Le lendemain, par contre, nous embarquons bêtement sur l’house boat du touriste moyen. Et ce n’est pas le meilleur plan des vacances. Pour une somme non dérisoire, nous avons certes droit à une illusion de luxe (nuit sur le bateau, service attentionné), mais le trajet, fixe, se cantonne à parcourir les canaux les plus importants et les moins animés, rien à voir avec la balade en pirogue, simple et économique. De plus, il pleut !!!

Moralité : les petits plaisirs sont souvent les meilleurs !!

India, le 17 aout 2006

Les back waters

Plus de photos: la Venise du Kerala et Mercy et sa famille
   
Textes Photos Vidéos Route
Small Things Productions

Claudine Tissier & Fabio Campo