Sunitha et le vélo de Vineeth

Quelques jours après notre arrivée, alors que nous sommes encore en train de nous demander quand et comment nous irons lui rendre visite, Sunitha vient nous voir à Namaste.

Vineeth et Vivek l’accompagnent. Ils semblent tous les trois plutôt en forme, ce qui, après ce que Sindhu nous avait raconté, est une bonne nouvelle.
Sunitha explique que lorsque son mari a été libéré de prison et qu’ils ont repris la vie commune dans la cabane sur la colline, il buvait sans cesse et la frappait. Alors, avec les deux petits, elle est partie se réfugier chez sa mère. Il lui a certainement fallu beaucoup de courage pour s’enfuir ainsi. Quelques jours plus tard le mari est venu les chercher. Il s’est excusé, a promis juré de ne jamais recommencer. Elle a accepté les excuses et est revenue dans la cabane. De toute façon, il lui était probablement impossible de faire autrement.
Jusque là il a tenu parole, il boit moins et ne la bat plus. Par contre, il lui interdit de travailler.
Je lui demande si cette interdiction lui pèse, elle répond « oui » en dodelinant de la tête. Outre le petit salaire qu’elle y gagnait, l’atelier était un lieu de rencontre avec d’autres femmes, de discussions, d’amitié.

vélo3

Sunitha explique que son mari et elle ont trouvé une petite maison à louer, plus bas sur la colline. Ils pourraient enfin vivre tous les quatre, sans les beaux-parents. Mais il faut payer une caution qui, malgré sa modestie (2000 roupies, soit 30 euros), est inabordable pour eux. Le loyer est de 500 roupies par mois et il y a l’électricité.
Fabio et moi nous nous consultons brièvement avant de lui répondre que nous devons réfléchir, qu’à priori sommes d’accord pour payer la caution et le loyer mais directement au propriétaire. Je lui explique que nous ne connaissons pas son mari,  que le peu qu’elle nous en dit ne nous inspire pas confiance et que nous voulons être sûrs que les enfants et elle ont un toit.
Elle acquiesce en souriant.
Puis Vineeth tire légèrement le pan de son sari, elle se tourne vers lui, fait une petite grimace, presque imperceptible, puis s’adressant à Tadeus qui fait office de traducteur :
« De temps en temps Vineeth manque le bus pour aller à l’école. C’est parce que nous sommes loin de l’arrêt… Alors on a pensé que si c’est possible d’avoir le vélo, ce serait plus pratique… »

Le vélo !
Qu’il n’a pas osé prendre quand ils sont partis et qui git abandonné sur la terrasse de la « casa delle mamme », trop grand pour Achu et les petits, inutilisable pour Chinchu et Anju car ici les jeunes filles ne font pas de vélo.

Bien sûr qu’il peut le prendre le vélo, il est à lui.
Lorsqu’ils ont quitté la maison, j’avais pensé « J’espère qu’il a pris le vélo ! ».

Nous nous mettons d’accord avec Sunitha pour le prochain rendez-vous : à la cabane sur la colline, dimanche en fin d’après-midi.
Nous apporterons le vélo, rencontrerons le mari et, si possible, le propriétaire de la nouvelle maison.

vélo2

A peine Sunitha et ses fils partis, eux jouer dans le jardin, elle papoter avec ses copines à l’atelier de couture, Fabio et moi discutons sur les modalités de l’aide à Sunitha.
Fabio pense que nous devrions mettre comme condition au paiement de la caution et du loyer l’obligation pour Sunitha de travailler à l’atelier de couture, que nous devons contraindre le mari à accepter cette clause, indiscutable.
Lors de la discussion précédente j’ai demandé à Sunitha pourquoi son mari opposait un tel refus, elle m’a répondu qu’il en est ainsi depuis leur mariage. Il n’a jamais voulu, par orgueil, jalousie, respect de coutumes anciennes, on ne sait pas.
J’explique à Fabio que je ne voudrais pas que la situation se bloque et que si son mari refuse le pacte, Sunitha et les petits resteront coincés dans cabane sur la colline, sans électricité, entassés les uns sur les autres.

« C’est vrai, répond-il, mais je ne veux pas payer le loyer d’une maison dans laquelle une femme est battue. Je ne paierai que si j’ai la certitude qu’elle travaille et qu’elle et les enfants vont bien. »

Difficile de trancher. Nous tombons finalement d’accord pour remettre la décision à dimanche, après avoir rencontré le père.

« Hum, dit Tadeus, même si devant vous il accepte qu’elle travaille, ça ne voudra rien dire. Il peut la laisser venir quelques jours, le temps que la caution soit payée, puis ensuite la garder à la maison. »

A suivre…

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

14 commentaires sur “Sunitha et le vélo de Vineeth”