Depuis 6 ans, chaque été, nous séjournons à Trichy, de son vrai nom Tiruchirappalli, ville du Tamil Nadu comptant un peu plus d’un million d’habitants.
Confortablement installés au Femina Hotel, nous y coulons des jours paisibles, entre promenades au bazar, visites des temples, achat de babioles, balades et dîners avec nos amis: Mohamed, Johny, Taoufik, Ashiq.
Le soir, le nez au vent sur la terrasse de notre chambre, nous regardons partir vers des destinations plus ou moins lointaines, les autobus colorés et bruyants.
Ville industrielle et commerçante, Trichy est chaque année à la fois semblable et différente. Si les ruelles du bazar sont toujours aussi animées, le quartier des affaires est en perpétuel changement. Observer son évolution permet de prendre la mesure de l’Inde qui progresse à grands pas vers le modernisme mais il suffit de s’asseoir en compagnie des pèlerins sur le sol dallé de pierre du temple Sri Ranganathaswami, d’échanger avec eux quelques mots, de les regarder se recueillir, pour contempler l’Inde religieuse et traditionnelle, l’Inde des humbles venus parfois de loin pour rendre hommage à Vishnou.
Lors de notre premier séjour, le Femina, grosse bâtisse de béton et de verre, était situé au beau milieu d’un terrain vague planté d’arbres où se nichaient les corbeaux, sur son parking, quelques Ambassador vieillottes attendaient leurs passagers et des mendiants en haillons tendaient leurs mains maigres vers les passants.
Aujourd’hui les miséreux ont disparu et le Femina, entouré d’immeubles neufs et de chantiers grouillants d’activité – les pauvres construisant pour les riches- est devenu un complexe commercial doté d’un grand supermarché où, dans un bruissement de saris colorés et de burquas rehaussées de broderies, se presse une foule de clients avides de produits formatés. Un parc de jeux a été aménagé pour les enfants, une pâtisserie propose des douceurs sucrées et salées et au restaurant « arabian style »- le Femina appartient à une famille musulmane- on peut déguster du poulet grillé au barbecue par des cuisiniers aux yeux bridés originaires de l’Est de l’Inde et de succulentes pitas farcis de shawarma épicé.
Sur le parking, d’innombrables motos côtoient de luxueux 4×4 aux vitres fumées.
En six ans les prix ont doublé. Le tarif de notre chambre, qui était de 600 roupies (10 euros) la première année est passé à 1200 roupies. Parallèlement, la qualité des prestations offertes par l’hôtel s’est dégradée. Le ménage est bâclé, le personnel oublie régulièrement de fournir des serviettes propres et la piscine, dans le meilleur des cas et sans motif avoué, ouvre un jour sur deux.
Je note la même augmentation au supermarché. Les produits proposés sont deux fois plus chers que dans le petit magasin de la première année.
Pourtant la clientèle, richement vêtue, abonde. La bourgeoisie de la ville, enrichie de fraiche date, se porte bien, elle est grasse à souhait. Si l’endroit est très fréquenté par les familles musulmanes, ballet de voiles noirs, il l’est aussi par les hindous fortunés et les étudiants, venus de loin ou de très loin, pour fréquenter les nombreux College, et Universités de la ville, spécialisés dans les études scientifiques et dont l’excellence est universellement reconnue.
Nous rencontrons Jean Paul. Il est Rwandais et étudie à Trichy. Il prépare un doctorat. Il nous explique qu’ici l’enseignement est de haut niveau, que tout est simple et que l’accueil est cordial. Et puis étudier en Europe est devenu impossible.
C’est ainsi, à l’échelle du monde. Ceux que nous refusons, leur interdisant notre enseignement et privant nos universités de leurs compétences, trouvent ailleurs un enseignement de qualité, établissent de nouveaux liens, créent des alliances inédites.
Attablés devant un plat de pois chiches dans le patio du centre commercial, nous discutons avec Arjun et Vinod. L’un vit à Trichy et possède une société de conseil aux entreprises financières, l’autre, Malaysien d’origine indienne, est son client. Deux trentenaires actifs et d’allure occidentale : jeans, tee-shirts et blackberry. Mais, au fil de la discussion, Arjun se révèle très traditionnel dans son mode de vie. Il vit avec sa famille, respecte la parole de son père et ne souhaite pas que la future épouse, de bonne famille et diplômée, que ses parents lui choisiront ait une activité professionnelle. « Le rôle de l’homme est de nourrir sa famille, celui de la femme est de s’occuper de son mari, de ses enfants et de ses beaux-parents ».
3 commentaires sur “Trichy, modernité et tradition”
Salut !
Les aoûtiens ne bousculent pas sur leurs claviers…
Oui, Trichy vue en 2001 m’avait beaucoup plue comme ville simple, moderne et jeune. Et avec plein d’étudiants, les rencontres sont sympa. Ce post me donne envie d’y retourner !
Ciao bella
A te lire, je pensais que le monde se tricote de bien étrange façon. Les uns sont papillons attirés par les néons colorés, pendant que les autres ont des songes de retour aux champs…
Encore un beau moment rêveur que tu m’offres là.
Comme le disait, un commentateur dans un de tes précédents billets, “nous restons sans voix”. Au fil de tes récits, hormis quelques traditions ou coutumes différentes, les préoccupations, les tristesses et les joies sont partout les mêmes. Balade magique. Merci.