Ko Lanta, Thaïlande, 26 Décembre 2004
L’océan aux trousses, les chevilles encerclées d’eau boueuse mêlée de détritus, branches brisées, palmes arrachées, nous avons couru vers la route. Hors d’haleine, le ventre noué par la frayeur.
Avant, sur la plage, nous avions, pauvres sots, contemplé le déferlement de ces interminables vagues.
La grève dévoilée, nue, infinie.
Les flots comme fous charriaient de tous côtés des objets ravis à la plage.
Les oiseaux s’étaient tus.
Puis il y eut le campement sur la colline et les nouvelles, terribles, qui arrivaient sur les téléphones portables. Le tremblement de terre au large de l’Indonésie, le tsunami, les milliers de disparus.
230 000 morts.
1 700 000 refugiés.
Dans les îles Adanam, les habitants que nous appelons indigènes, ou primitifs, inquiets dès le matin, s’étaient réfugiés sur les collines. Ils ont eu la vie sauve. Quand les hélicoptères les ont survolés, ils leur ont lancé des flèches.
Un autre danger menacerait bientôt la tribu des Jawara, un danger bien pire que le tsunami dont ils avaient pressenti la violence, un danger tentaculaire, sournois qui porte le nom de « civilisation moderne » et qui charrie l’alcool, les maladies, les viols.
Après avoir vécu 60 000 ans en parfaite syntonie avec la nature, loin des autres humains – ‘Mon monde est dans la forêt. Le vôtre est à l’extérieur. Nous n’aimons pas les gens de l’extérieur.’- les Jawaras sont aujourd’hui les victimes de colons indiens qui dévastent leurs territoire, répandent la souffrance, imposent la soumission.
Les Arcs, France, 26 décembre 2009
Ce n’est pas l’océan qui depuis des mois ravage le monde, c’est la crise.
Comme le tsunami, elle arrive par vagues.
La première a déferlé il y a plus d’un an et s’est lourdement fracassée sur les industries. Quand elle a reculé, les travailleurs sont restés sur le carreau.
« Renflouons les banques » ont dit les gouvernants. Ce qui fut dit fut fait et l’argent, idole du monde moderne, a circulé dans les hautes sphères financières formant de nouvelles bulles, fragiles comme le cristal.
Les mêmes causes appelant les mêmes effets, aujourd’hui, une deuxième vague grossit à l’horizon et nous, pauvres sots, sommes encore sur la berge.
Le tsunami, récit, photos, considérations diverses
Crevettes et touristes, responsables des conséquences du tsunami
6 commentaires sur “Tsunamis”
vous avez aimé le 20ème siècle, vous adorerez le 21ème
@brigetoun 🙂
Comme tu le dis…
Plutôt les dangers du capitalisme néo-libéral…
Dans son dernier bouquin, N. Klein revient sur l’après-tsunami comme d’une aubaine pour les gouvernements, les promoteurs immobiliers et les tours opérateurs pour chasser les populations des terres situées à proximité des plages…
@des pas perdus
“Plutôt les dangers du capitalisme néo-libéral…”
Un des pires dangers qui soient!
Je ne regarde plus la télé depuis longtemps, alors cette vidéo m’a glacé comme si tout c’était passé hier… Et je trouve votre parallèle avec la crise très juste: nous n’avons pas fini de voir déferler ses vagues!
@bonsoir le coucou
Ce drame, vécu en direct et même si nous avons eu la chance d’être sur une île qui a été relativement peu touchée, disons beaucoup moins que d’autres endroits en Thaïlande, comme par exemple Phi Phi où nous étions la veille de la tragédie (et là c’est vraiment la chance ou le destin, à un jour près je ne serais pas ce soir devant mon ordi), ce tsunami donc, m’a appris beaucoup.
La fragilité de la vie, l’incapacité de comprendre la nature (les tribus des îles Adaman, eux, savaient dès l’aube que la mort approchait), ce qu’est être “réfugié”, perdu, sans ses affaires, loin de chez soi, dans un univers hostile, quand passe 30 heures (ce qui n’est rien) dans un campement sommaire au milieu d’une forêt infestée de serpents on constate que ses propres capacités de résistance sont voisines du néant et on se rend compte du même coup de l’enfer que vivent celles et ceux qui sont condamnés à ce type de vie pendant des années, sans espoir d’en sortir et bien d’autres choses encore.
Pour moi le parallèle avec la crise est évident: des vagues successives, l’incompréhension, l’espoir que ça va s’arrêter sans que l’on ait besoin de faire quoique ce soit, cette espèce de naïveté…
j’ai l’impression que non seulement la crise n’est pas finie mais qu’il y aura plusieurs vagues, pendant des années, avec des périodes de rémission et puis après, si rien n’est fait pour endiguer les flots ou pour s’en protéger, le chaos, la perte de repères et de nos repaires.