Un mariage musulman

Johny nous a invités au mariage de la fille du patron de son père, le propriétaire du restaurant le Raja.
Kamila, la jeune mariée, a 23 ans et un diplôme d’ingénieur. De Noordeen, son futur mari, elle n’a vu que quelques photos. L’union a été entièrement arrangée.
Le prétendant est un peu plus âgé qu’elle, il a une bonne situation et les deux familles sont compatibles, niveau social et biens équivalents.

« Elle est  jolie ?
–    Je ne sais pas, répond Johny, elle porte la burqua, on ne voit que ses yeux.
–    Elle travaillera après le mariage ?
–    Oh, non! Son mari ne veut pas ! »

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La famille de Kamila appartenant au gratin de la ville, les invités sont très nombreux. Lorsque nous arrivons, la cérémonie de mariage est déjà commencée.
Ou plutôt, les cérémonies, car Kamila et Noordeen sont en train de se marier sans se voir. Elle, dans une salle emplie de femmes, lui, dans une autre en compagnie strictement masculine.

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La mère de Johny m’entraîne dans le hall des femmes où Kamila, ravissante dans un sari rouge, parée de fleurs et de lourds bijoux en or, s’engage solennellement à consacrer sa vie à un inconnu.

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Assises sur des chaises en plastique coloré, de nombreuses de femmes, en sari rehaussés de fil d’or, ou en abaya, cheveux décorés de jasmin ou cachés sous des voiles noirs, assistent distraitement à la cérémonie. Elles papotent joyeusement, rient, m’adressent de grands sourires et des signes de la main. A peine suis-assise qu’une jeune femme dépose dans mes bras son bébé endormi. Je ne sais si c’est dû à mon âge ou à l’évidence de mon désir d’être grand-mère mais il est fréquent que des mères indiennes me confient ainsi leurs bébés. A chaque fois je suis touchée de cette marque de confiance, de cette complicité qui immédiatement naît autour de l’enfant. C’est un geste doux, amical, plus limpide que bien des discours, plus sincère que certaines déclarations.

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Ça y est, la cérémonie est finie, Kamila est mariée. Un bruit de pas et de voix masculines annonce l’arrivée de son époux. Il entre fièrement dans le hall, accompagné d’une nuée de photographes et des hommes de la famille. Tous les regards féminins sont braqués sur lui et tous les yeux masculins, sur elle !

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Quoique de belle stature, il est loin d’être beau, il a même à mon sens un air un peu bêta mais la situation est pour moi tellement bizarre, pour ne pas dire absurde, par rapport à ma conception des relations entre les femmes et les hommes que je ne suis certainement pas objective. Je n’aurais pas voulu être Kamila !
Elle par contre, reste impassible, un petit sourire accroché à ses lèvres rouges. Aucune émotion ne semble altérer ses traits. Son mari inconnu la rejoint. Elle lui accroche une montre au poignet. Vu la splendeur de la réception je  ne serais pas étonnée que ce soit une Rolex ! Il enfile une bague à son doigt.

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Puis commence une interminable série de photos en compagnie des innombrables invités, certainement plus de mille personnes !

mariage8Johny, Antonio, le père de Johny, Fabio et Taoufiq

Le père de Johny nous entraîne vers un réfectoire. Il y en a trois, un pour ces dames, un pour ces messieurs et un mixte. C’est dans ce dernier, par ailleurs empli d’hommes, je ne vois qu’une femme, que nous prenons place.  Sur une feuille de banane, on nous sert un succulent biriyani de mouton, du poulet frit, des légumes et toutes sortes de gâteries épicées, salées ou sucrées.
Au moment où nous quittons l’immense complexe où s’est déroulé le mariage, nous croisons la voiture d’un ministre du Tamil Nadu, venu complimenter les jeunes époux.

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Nous flânons dans le quartier musulman, escortés par des enfants rieurs.

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En haut d’un promontoire, nous nous asseyons à l’ombre d’un mausolée pour contempler la ville.
Un vieil homme chante.

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Nous faisons des photos. Je m’amuse à poser devant l’objectif de l’appareil de Fabio.

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Blanc sur blanc, du soleil plein les yeux et je pense à Kamila.
Préparée à ce destin depuis l’enfance, sera-t-elle heureuse ? Aimera-t-elle l’homme que d’autres ont choisi pour elle ? Ou lui viendra-t-il, un jour, l’irrépressible désir de balancer la burqua aux orties, de travailler, d’être libre de ses décisions ?
L’avenir le dira. En attendant, jolie Kamila, je te souhaite tout le bonheur possible.

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