Après-midi.
Il pleut à nouveau sur la ville. Une pluie fine qui n’empêche pas la foule de circuler. C’est samedi et le festival des porteurs d’eau, les Kanwarias, bat son plein.
Hommes des campagnes, adorateurs de Shiva, entièrement vêtus d’orange, ils sont venus de très loin pour recueillir l’eau du Gange et la rapporter dans leurs villages.
Durant cette période juillet, on les croise sur les routes, marchant pieds nus sous le soleil, ou dans les ténèbres de la nuit. Ils dorment sur les bas-côtés, sous les arbres ou près des fontaines.
Les plus aisés viennent en train, en bus, en camionnette.
Quand, comme aujourd’hui, ils envahissent Varanasi, les ghats sont deviennent orange.
Chaque groupe représente un village. Les pots d’eau en argile, kanwars, sont accrochés à de longs bâtons ornés de fleurs artificielles et portés sur l’épaule.
Ils arrivent au bord du fleuve, accomplissent le bain rituel, remplissent les pots, les gourdes et les jerricans, puis puja avec un brahmane local, assis sous sa tente, entouré de fleurs, de chandelles et de noix de coco suivi d’une longue incantation.
Le cortège se reforme, les porteurs d’eau psalmodient une série de cris (ou plutôt ils crient des mots que je ne comprends pas) puis repartent, fendant fièrement la foule.
Assise sur les marches du ghats, je les contemple. Ils célèbrent l’eau qui permet la vie.
Une femme s’approche de moi. Elle vend des cartes postales et des poudres colorées. Sa poitrine et le bas de son visage sont marqués par d’énormes brûlures. La peau, calcinée est devenue marron, raide, plissée.
Elle est très pauvrement vêtue. Je lui achète des cartes postales, qu’aussitôt je lui rends, elle pourra les revendre à quelqu’un d’autre.
Elle s’appelle Lalitha et elle parle anglais, appris dans la rue. Elle a 26 ans et deux enfants. Sa brûlure, comme je l’avais pensé, c’est son mari qui la lui a faite. Avec de l’huile bouillante. Avant de la jeter à la porte avec les enfants.
Cas monstrueusement banal de violence domestique. Beaucoup trop souvent, dans le nord de l’Inde, une fois la dot croquée, le mari et la belle-famille brûlent sauvagement l’épouse puis la chassent. Pour éviter le déshonneur (car pour ces mentalités arriérées, cruelles, sottes, la victime a mérité son sort) la famille de la jeune femme refuse de la recevoir. N’ayant plus aucun foyer pour elle et ses enfants, la chair horriblement marquée, elle n’a d’autre choix que la mendicité.
Des structures ont été crées pour s’occuper de ces femmes. Les bourreaux sont, en principe, sévèrement punis…en principe…
Nous parlons. Elle vit avec sa sœur. Sa fille aînée va à l’école. Il n’y a pas beaucoup de touristes occidentaux. C’est dommage, ils sont généreux, contrairement aux Coréens qui n’achètent rien. Pffff !!!
J’ai du mal à détacher les yeux de sa peau brûlée. J’imagine son calvaire. Non, en fait, je n’arrive même pas à l’imaginer…
Parfois, entre la vie et la mort, il y a la violence.
3 commentaires sur “Varanasi : les vivants et les morts (3)”
“Beaucoup trop souvent, dans le nord de l’Inde, une fois la dot croquée”
Dans le sud aussi, pareil je crois, malheureusement…
Salut zolive 🙂
Oui, dans le sud aussi mais il semble que ce soit pire dans le nord!
Tout est pire d’ailleurs, le taux de scolarité est beaucoup plus bas, l’hygiène, n’en parlons pas, mouches omniprésentes et vaches partout!
Mais superbes paysages, palaces, temples, couleurs.
Nous venons d’arriver à Udaipur, enfin du calme…
zolive, le retour !