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En autobus Céleste ! |
Nous quittons Chennai pour Pondichéry. C’est le tout
début du voyage et nous respectons encore nos bonnes résolutions, dont
l’une peut se formuler ainsi : utiliser de préférence les transports en
communs, dans les villes comme sur les longues ou moyennes distances, afin
de s’immerger dans le cœur du pays, de faire des rencontres, et
d’économiser nos roupies.
La gare routière de Chennai a la réputation d’être la plus grande d’Asie –
je fais ici une aparté pour souligner le gigantisme indien, souvent
déroutant pour le touriste occidental qui se vit comme appartenant au
centre du monde sous prétexte que ses ancêtres ont jadis bâti dans le sang
et la soumission des empires coloniaux (de triste mémoire).
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L’Inde c’est 1,2 milliards d’habitants, répartis entre
28 états et 6 territoires rattachés (comme Pondichéry), les dits habitants
utilisent 22 langues officielles différentes (voire même très différentes,
certaines, dans le nord appartenant à la famille indo-aryenne, d’autres,
dans le sud, à la famille dravidienne, ce qui fait qu’un tamil et un
rajpoute parlant chacun leur langue ont autant de chance de se comprendre
qu’un finlandais et un italien), et ils pratiquent 8 religions distinctes
avec une prédominance de l'hindouisme (80%) et de l'islam (13%), la
population est jeune, l’âge médian est de 24,9 ans (en Europe il gravite
autour de 38 ans), et de plus en plus instruite, quoique encore fortement
frappée par la pauvreté (près de 80 % des indiens vivent avec moins de 2
dollars par jour), de plus, les premières, brillantes, civilisations
indiennes remontent à 2500 av JC – voilà ces quelques chiffres étaient
destinés à permettre d’évaluer ce fameux gigantisme, car il convient,
avant d’aborder le sous-continent et si l’on souhaite comprendre et
partager son essence avec ses habitants, de se défaire du nombrilisme
occidental. |
Revenons à la gare de Chennai où nous trainons nos valises de quai de
quai, pour finalement dénicher le nôtre.
Fabio demande « Pondichéry ? Express ? » au chauffeur qui répond « Yes,
yes, vérrrry fast ! ».
Nous n’en saurons pas plus, mais confiants, après tout nous avons environ
160 kilomètres à parcourir, ce qui devrait prendre à peu près quatre
heures, pas la mer à boire, nous grimpons dans le bus quasiment vide et
casons tant bien que mal nos valises sous la banquette du fond. |
Une heure plus tard nous sommes toujours à quai. Entre
temps le bus s’est complètement rempli, j’ai joue à « coucou caché » avec
le bébé de la famille qui occupe le siège devant le nôtre, et une télé,
placée à l’avant a commencé à diffuser un DVD de « Chandramuki » un des
grands succès tamils de l’année. Pas de chance, nous sommes tout au fond
et nous ne voyons rien.
Encore moins de chance, nous sommes assis sous les baffles et bien
évidemment le son est poussé à fond.
Cinq heures plus tard, exténués (la suspension du bus laisse véritablement
à désirer), migraineux, à moitié sourds, affamés et la vessie vrillée par
un urgent besoin d’aller aux toilettes, nous posons enfin le pied en terre
pondichérienne.
En plus de ces inconvénients physiques, il nous a fallu faire taire la
peur que nous inspirait le mode de conduite du chauffeur. Mode de conduite
en tout point semblable à celui de ses collègues et dont la règle
prédominante n’est en aucun cas la sécurité des passagers, mais la
rentabilité du voyage. |
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En clair, les différentes compagnies d’autobus, une
publique et de multiples privées, se mènent une lutte sans merci pour
ravir aux autres un maximum de voyageurs, d’où dépassements acrobatiques,
folles accélérations et utilisation sauvage des bas côtés.
Voyage pénible ? Oui, mais nous avons discuté avec une gentille famille
qui retournait dans son village de campagne (oui, j’oubliais de préciser,
l’Express vèrrrry fast s’est arrêté dans tous les villages de
l’itinéraire), puis avec des étudiants, puis avec une dame curieuse qui
m’a demandée si j’aimais la couleur de ma peau, puis avec une petite fille
et encore avec une autre.
Mais, tout bien considéré nous décidons de renoncer aux longs trajets en
autobus, nous nous contenterons désormais de les utiliser en zones
urbaines.
(… à suivre) |
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