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L’année dernière nous avions séjourné à Vellanad,
au siège de Namaste qui était alors dans une petite maison sombre à
flanc de colline. Valeria n’était pas là et nous avions passé la
semaine en compagnie des deux frères, Thomas et Taddeus, du
silencieux John, du malicieux Muthu et du sérieux Pushparaj. Ces
trois derniers étant aussi des protégés de Namaste, enfants presque
abandonnés, élevés dans des « Family house » puis employés comme «
social worker ».
Cette année une grande maison neuve abrite l’association. Belle,
mais simple et fonctionnelle, elle héberge les bureaux
administratifs où travaillent une dizaine de personnes, les garçons
que nous avions connus l’année dernière (à part Pushpraj qui est
retourné vivre à Poonthura chez ses parents gravement malades) et
Valeria qui par chance est présente, enfin, deux chambres sont à la
disposition des amis, sponsors où stagiaires italiens venus apporter
leur aide pour quelques jours ou semaines.
Les garçons sont chargés de contrôler quelle part de vérité se cache
dans les déclarations souvent fantaisistes, voire même hautement
exagérées, des nombreux plaignants qui se succèdent du soir au matin
à l’accueil de Namaste. Les demandeurs sont essentiellement des
demandeuses, l’une veut un sponsor pour ses enfants, l’autre a un
trou dans son toit, le mari de la troisième l’a abandonnée il y a
dix ans, bizarre, son fils en a huit, «Oh, dit-elle, il revient de
temps en temps », la suivante n’a pas de maison, et celle d’après,
toute vieille et ratatinée a un mari atteint de la tuberculose (qui
fait encore des ravages) et n’a pas d’argent pour payer les
médicaments. C’est un défilé ininterrompu de misères et de douleurs,
visage hébétés, corps difformes, enfants aux yeux tristes, mais
aussi femmes souriantes, reconnaissantes à Namaste pour le secours
obtenu. Certaines ont parcouru une longue distance et se sont levées
avant l’aube pour venir quémander un peu d’aide.
Toutes leurs requêtes sont soigneusement consignées par Sunitha, la
timide secrétaire, puis contrôlées, traduites en anglais et
expédiées via Internet à Valerian, quand elle n’est pas présente.
C’est elle qui « in fine » décide de la pertinence des aides. Rude
tâche, Namaste n’a pas les moyens d’aider tout le monde, il faut
donc décider, trancher, avec toujours le doute d’avoir peut être
commis une injustice.
A la cuisine s’affairent Ramani, une cuisinière hors pair, qui
maîtrise aussi bien l’art de la cuisine kéralaise que celui de la «
pasta » italienne et Padmini, nouvellement engagée car la chef s’est
récemment mariée et arrêtera de travailler d’ici peu. Padmini a une
fille de 19 ans qui fait battre follement le cœur de John, mais
chut, c’est un secret. Les tourtereaux indiens sont condamnés à la
clandestinité.
L’équipe comprend aussi une responsable des affaires scolaires, la
superbe Sasikala, une comptable très discrète, Sreeja, des
correspondants attachés aux différents villages où intervient
l’association dirigée sur place par Vinod, son président, et Rama,
son trésorier, enfin Shebu, qui rêve d’aller travailler à Dubai, est
le chauffeur du van baptisé « Macaroni ». Tous les matins il fait le
tour des house family pour accompagner les enfants dans les écoles.
Ceux-ci s’entassent à dix ou quinze dans le véhicule, guillerets
dans leurs uniformes à l’anglaise.
Quand Valeria est là, l’équipe travaille à son rythme c'est-à-dire
rapide, efficace et infatigable. Quand Valeria n’est pas là le
rythme se ralentit nettement, perd en efficacité et gagne (façon de
parler) en fatigabilité. Tout fonctionne, mais au ralenti, à
l’indienne. C’est ce que nous avions vu l’année dernière.
Cette année, par contre, notre séjour démarre sur les chapeaux de
roues, à peine avons-nous défait nos valises que Macaroni nous
emporte avec Valeria et Taddeus vers le village de Pozhiyoor pour
assister à un tournoi de volley.
(… à suivre)
India, le 20 aout 2006
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