23.09.2007
Au cirque
Dix jours après leur arrivée dans la « Casa delle Mamme », Vineeth, Vivek et Sunitha sont rayonnants. Je n’irai pas jusqu’à dire que les petits ont grossi, mais presque.
De plus, dans la maison, l’ambiance est paisible.
A l’occasion des fêtes d’Onam, les écoles sont fermées pour une semaine et les administrations pour trois jours. Les rues sont décorées de compositions florales, souvent géométriques, mais parfois politiques
ou religieuses, comme celle ci-dessous qui, mine de rien, glorifie l’acte sexuel, créateur d’énergie.
A droite sur la photo, un lingam, qu’en langage trivial nous nommerons une bite, plus précisément celle du grand Siva, le dieu destructeur, grâce à qui peut survenir la création régénératrice.
A gauche, en forme de coquillage, délicatement tapissé de jasmin, un yoni, autrement dit, une vulve accueillante.
Pour fêter Onam, hier les mamans nous ont préparé le délicieux repas traditionnel et aujourd’hui, nous emmenons tout le monde au cirque à Trivandrum. Pour tous et toutes c’est une première, et dans le mini bus, les enfants chantent joyeusement.
Cédant à l’insistance de Sasikala, et pour la grande joie des mamans, je porte un sari et je me sens très élégante.
Le chapiteau, planté au milieu d’un terrain vague, porte sur sa bâche sale et rafistolée les marques des années passées à sillonner le sous-continent.
A l’intérieur, nous prenons place (les meilleures, on ne va pas chipoter, c’est la fête) sur des chaises en plastique bancales. Pas de chance, Fabiolino, sa caméra d’une main et l’appareil photo de l’autre est tancé par un vigile qui lui interdit l’usage de ses ustensiles préférés alors qu’il s’apprête à immortaliser le spectacle.
Et quel spectacle !
Qui réveille les souvenirs du cirque Bouglione de mon enfance sur la place de la foire d’Argenton sur Creuse, mais aussi les images cruelles de la Strada de Fellini, le baladin tragique, misérable et fier, et la créature soumise qui lui obéit en tremblant « Le grand Zampano, le voilà ! », parce que sa famille l’a vendue à son maître.
Devant moi, des jeunes filles que le chef de la troupe a probablement achetées à de pauvres familles du nord de l’Inde ou du Népal, exécutent sans joie ni passion des numéros de voltige et d’acrobatie. Flottant dans des justaucorps pendouillants aux teintes criardes, leurs visages maquillés exprimant la crainte de rater l’exercice, elles volent dans les airs, sautent et rebondissent comme des marionnettes dans l’apparente indifférence du public qui n’applaudit jamais.
Voilà d’ailleurs quelque chose qui me surprend, et m’interpelle. Pourquoi les spectateurs, qui au cinéma, applaudissent à tout rompre et hurlent quand leurs acteurs préférés accomplissent n’importe quelle banale pitrerie à l’écran, ne manifestent-ils aucune satisfaction, aucun encouragement, quand de vraies personnes exécutent devant eux des prouesses compliquées et risquées ?
Peut-être est-ce justement parce qu’il s’agit de vraies personnes, qui leur ressemblent trop pour mériter leurs bravos car elles ne les font pas rêver. Triste constat.
Et voilà qu’il pleut sous le chapiteau et que l’eau ruisselle à travers la bâche, dégouline le long des projecteurs, coule sous nos pieds.
Heureusement d’autres numéros sont moins poignants.
Le clou du spectacle, annoncé en lettres d’or sur les affiches est la prestation de trois jeunes filles russes, blondes et blanches qui exécutent ni plus ni moins des numéros de GRS, leurs accessoires habituels adaptés au lieu, ce qui fait que le ruban est devenu lasso.
Imaginer comment et pourquoi ces trois gymnastes russes ont bien pu atterrir dans le Jumbo cirque de Trivandrum, occupe un bon moment mes pensées vagabondes.
Si ce spectacle provoque en moi tous ces bouleversements et réflexions, il n’en est pas de même pour les membres de notre petit groupe. Les enfants sont ravis, surtout quand Veneeth, digne et courageux, se laisse entrainer par des clowns nains au milieu de la piste. Les mamans, particulièrement Selvy et Sasikala, s’esclaffent bruyamment et poussent des petits cris quand les artistes volent dans les hauteurs du chapiteau.
Après le spectacle nous nous arrêtons manger au restaurant, puis dans une bakery pour déguster une glace, autre plaisir fort apprécié, et sur le chemin du retour, le minibus, acheté la veille par Namaste, tombe en panne, ce qui fait qu’après plus d’une heure d’attente au bord de la route nous nous entassons dans un taxi pour rentrer.
Enfin, à huit heures du soir, exténués nous arrivons à Namaste et mon beau sari est tout chiffonné !
22:10 Publié dans Nouvelle chronique indienne | Lien permanent | Commentaires (2) | Envoyer cette note | Tags : Inde, Kerala, Namaste, case delle mamme
Commentaires
que je suis heureuse pour vous de voir cette réussite. Et pour eux aussi bien sûr. C'e'st vrai q'on a l'impression d'une certaine sérénité, même si je pense que cela ne doit pas aller sans de petits heurts.
Un toit et une minimum de liberté cela permet d'être enfin soi
Ecrit par : brigetoun | 24.09.2007
Billet qui fait plaisir à lire. Merci et bravo
Ecrit par : Falconhill | 24.09.2007
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