29.10.2006
France / Italie
Samedi soir, sur les collines bolognaises.
Attablée avec nos amis devant les restes d’un délicieux dîner, concocté tous ensemble au fil de l’après-midi, entre deux ballades dans la campagne et des verres de vin blanc frizzante, l’esprit embrumé par diverses délicieuses vapeurs, j’écoute sans écouter tout en écoutant suffisamment pour pouvoir intervenir dans la discussion de temps à autre, et mes pensées vagabondent, laissant les idées s’enchaîner librement les unes aux autres.
Cet après-midi nous avons ramassé des châtaignes, rousses dans leurs bogues piquantes. Je me suis d’ailleurs enfoncée un piquant sous l’ongle du pouce, qu’il m’a fallu extraire, tout doucement entre deux ongles et sans mes lunettes. A peine retirée l’écharde intempestive, une belle, grosse et luisante châtaigne me lançant des signaux tentateurs, j’ai plongé une main aveugle dans un massif de sournoises petites orties : « Aïe, les garces ! Puttana Eva, qu’est-ce que ça fait mal… »
Passé le frénétique et inutile secouage de la main touchée, il m’est venu à l’esprit que je n’avais pas ressenti cette brulure depuis… tellement longtemps. Je suis restée là , immobile, à contempler la rougeur se répandre sur le dos de ma main en pensant aux orties de mon enfance et la douleur s’est estompée, elle a rejoint la catégorie « petits bobos liés à des instants de bonheur ».
Et voilà que maintenant Valerio, l’élu local de Rifondazione Comunista, s’endort dans un coin du canapé, comme un Bouddha repus et satisfait. Patrizia débite l’une après l’autre des saillies hilarantes et moqueuses qui font éclater de rire l’assemblée. Au bout de la table, à ma droite, Renato raconte à Gianni son séjour à Manaus, sur le Rio Negro, il a vu un dauphin rose. « Moi aussi, dit Elisa, réalisatrice de documentaires en s’asseyant à côté d’eux, j’en ai vu cinq ! ». Puis elle chante la chanson de Lula, et tous espèrent que celui-ci sera réélu.
Marinella et Marzia se régalent de « cantuccini» (biscuits secs aux amandes) trempés dans du vin blanc liquoreux. Fabio, Barbara et Fiorella échangent des souvenirs d’un temps où ils étaient plus proches, Stefano regarde danser les flammes de la cheminée, la tête de Luna, sa chienne, tendrement posée sur ses genoux.
J’aime être entourée de ces Italiens cultivés, chaleureux et rieurs, italiens du nord, différents de Fabio et de ses amis du sud, exubérants et démonstratifs, différents de moi aussi. Parfois nos références se rejoignent, parfois non. Surtout quand Fiorella évoque la révolte estudiantine de Bologne, en 1977, dont certains d’entre eux ont été des leaders. Ils parlent de leurs amis exilés en France, comme Marzia et Renato pendant les années 80, et des dernières perquisitions qu’ils ont dû subir. Ils ont à peu près mon âge, mais nos vécus sont différents.
De me voir seule française du groupe me rappelle, par une de ses merveilleuses associations d’idées qui me ravissent et dont j’aime à dénouer les enchevêtrements, la finale de la dernière coupe du monde de foot.
Nous étions à Pondichéry, avec Marzia, Renato et Giulia, leur fille, et nous avons suivi le match dans le jardin d’un restaurant français.
Une centaine de français, dont certains ont fait preuve d’un chauvinisme exacerbé, quatre italiens et une dizaine de serveurs indiens qui soutenaient l’équipe italienne.
Qui soutenaient l’équipe italienne ?
Et oui !
Pas les bleus, à part Zidane qui est un héros.
Les Italiens !
Les sympathiques Italiens, ceux de la pizza, des glaces et des spaghettis bolognaise, habilement diffusés dans le monde entier.
Pendant que nous Français, dispensions au fil des siècles la pertinence de notre pensée, nos idées hautement élaborées sur la philosophie, la religion et les droits de l’homme et nous posions sans complexe comme les penseurs du monde, nos amis Italiens, sur les traces de Marco Polo, exportaient leurs richesses culinaires et leur savoir faire, commerçaient avec un incommensurable talent.
Certes, ils ont aussi construit des églises d’une beauté bouleversante, bercé le talent de Michel Ange, de Botticelli, et de Léonard de Vinci et donné naissance à Dante, mais ça, l’Indien moyen s’en fiche complètement, question œuvres d’art, il a ce qu’il faut chez lui.
Ce qu’il sait, l’Indien moyen, c’est que les Italiens sont sympathiques et bons vivants et que les français, somme toute, sont un peu… prétentieux, n’ayons pas peur des mots.
Prétentieux, mais cultivés et indispensables.
Oui, indispensables, même si la France, rongée par des années de mauvaise de gestion, gangrenée par une droite sotte et hargneuse, perd peu à peu sa grandeur, il reste que sa parole est écoutée, considérée.
J’en veux pour exemple De Villepin, grandiloquent, vibrant de lyrisme, lors de son fameux discours à l’ONU. La suite de l’histoire nous a tristement appris que ce jour là , il nous a donné le meilleur de lui-même, le reste ne valant pas tripette.
L’Italie et la France s’aiment et se jalousent, c’est ainsi.
L’histoire, qui continue, nous dira qui des deux marquera le futur.
21:00 Publié dans En Italie | Lien permanent | Commentaires (13) | Envoyer cette note
Commentaires
Villepin est un poète , je me demande ce qu'il fait au poste qu'il occupe !!??? y'a des destins contrariés comme ça ! quel karma !
Ecrit par : joline-103 idées | 30.10.2006
Ah, les Italiens .. Quand ils vous disent : "Cao Bella ..."
Ecrit par : amarula | 30.10.2006
Beaucoup aimé ce passage lié aux orties
ces petites douleurs de l'enfance qui vous traversent à peine
légères comme un cri d'oiseau
le temps s'emboucle alors
on est à la fois soi, son enfant
son ancêtre
Ecrit par : Viviane | 30.10.2006
c'était agréable cette soirée dans cette maison aux nobles percements. J'ai bien aimé y être.
Ton Elisa est satisfaite - et les italiens ont eu des humanistes et philosophes un peu avant puis en liaison avec nous jusqu'au 18ème siècle ou nous avons pris provisoirement le dessus. Veulent ils bien nous accepter comme frères, après avoir été nos grands frères
Ecrit par : brigetoun | 30.10.2006
Lula a été réélu, dans ses contradictions, pas simple ...
Et ici, les bourges écolos vont acheter les chataignes bios alors que les bois en regorgent ... des fois je me dis que ...
Ecrit par : les marques du plaisir | 31.10.2006
merci à tous de la visite et des coms
oui, Amarula, les italiens sont craquants
jolies Viviane vos lignes sur les douleurs de l'enfance
Brigetoun, les italiens nous aiment, mais nous les agaçons, justement parce sur le plan artistique et culturel, depuis le néo rélisme italien c'est un peu le désert, chez nous aussi remarque bien, mais ils s'en rendent moins compte.
Les Marques du plaisir
le bourge écolo....pffffft!
Ecrit par : céleste | 31.10.2006
Céleste,
Il me tarde de te rejoindre bientôt...
Ton billet me met à la bouche une somptueuse soupe de châtaignes que ma grand-mère nous servait pour les soirées froides avec une cuillérée de crème fraîche et des croûtons frottés à l'aïl "maison".
Fermons-les yeux.
Avec toi et ta magie de réveiller les souvenirs endormis.
Bises ma belle.
Ecrit par : corinne | 31.10.2006
Rien à voir avec ton billet (que j'aime bien pour l'ambiance qu'il fait partager), c'est juste pour dire le plaisir que ça a été de découvrir ton blog (par l'intermédiaire de tes très justes réactions à l'article qui cherche à mettre face à face "jeunes" et "vieux", de manière assez révoltante).
De plus quelqu'un qui connaît Luc le bateleur est automatiquement quelqu'un de sympathique.
Merci, je m'abonne.
Ecrit par : Claudius | 31.10.2006
Je ne savais pas quoi manger pour faire passer la pizza à la banane de hier soir : j'ai trouvé dans ma cuisine une petite soupe aux Chataignes... Ben avec une louche d'huile d'olives de Nyons, ça fera la Rue Michel.
C'est beau encore ces photos... On passe de l'Inde à des quartiers d'Italie qui rappellent les vacances calmes et sympathiques, avec en plus les couleurs de l'automne qui donnent une petite touche "Heidi" bien sympathique...
Bah, les Italiens nous ont battu en foot, mais c'est un beau pays, un peuple latin que j'aime bien, un pays que j'aime bien. On y mange bien, on y passe de bons moments, merci de nous les faire partager.
Allez, je vais déjeuner. Salut ^___^
Ecrit par : Falconhill | 01.11.2006
@Claudius
bienvenue sur mon blog et merci de ton com!
je suis contente que tu aies lu et apprécié tous les coms que j'ai laissé sur l'article dont tu parles, sur les blogs, on ne sait pas pour qui on écrit;
Tu sais je ne connais Luc que virtuellement, mais j'aime beaucoup ce qu'il écrit et de temps à autre il laisse un com chez moi..
à bientôt j'espère
Ecrit par : céleste | 01.11.2006
euh ... pizza à la banane ??????? c'est américain ça ???? des fois j'ai peur ....
Ecrit par : les marques du plaisir | 01.11.2006
@Marque du plaisir : c'est un dessert, et c'est trééééééééééés lourd.. (j'ai eu peur aussi, mais le pire c'est que ça se mange... depuis ma balance me fait la gueule, et mes pantalons aussi, mais c'est secondaire ^^)
Ecrit par : Falconhill | 01.11.2006
@Falconhill
impossible de poster chez toi, c'était juste pour te dire: t'as raison te bile pas, prends les bons côtés de la vie, il y en a plein.
Ecrit par : céleste | 01.11.2006
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