26.08.2007
Je craque ?
Il est rare que durant un voyage un peu de lassitude ne s’installe, soudain tout semble difficile, pénible, voire même insupportable et c’est alors que, sournoisement, arrive le manque.
Il est là.
Obsédant
Taraudant.
Omniprésent.
Suivant la nature du voyage son objet peut être différent.
Il n’obéit à aucune logique rendant indispensable ce pour quoi, quand on est chez soi les jours de pluie glaciale à se dire « Et merde, faut que j’aille bosser ! » on n’éprouve pas un irrépressible désir, tout juste une vague envie facile à satisfaire et vite oubliée.
Alors, certes, j’en ai marre d’avoir trop chaud et de dormir sous le vent mauvais des ventilateurs qui fait qu’à chaque réveil j’ai les yeux rouges et que je traîne une saloperie de rhume depuis presque deux mois, sans compter que le ventilo indien est généralement bruyant, façon pales d’hélico, l’autre alternative étant l’air con (l’avoir ou pas, that’s the question ?) impossible à régler car bloqué sur 17°, ce qui fait que l’on doit dormir enveloppé dans une couverture rêche, d’une propreté fluctuant avec le standing de l’hôtel, et de toutes façons, bruyant lui aussi.
Je confesse humblement que j’aimerais me laisser tomber avec délectation sur un siège de toilettes immaculé pour déposer mon offrande quotidienne (sans m’inquiéter de savoir ci celle-ci aura bien la couleur et la consistance réglementaire) au lieu de rester en équilibre 20 centimètres au dessus ce qui, je ne vous le cache pas, ne facilite guère le transit intestinal et m’occasionne des crampes dans les gambettes.
Non, le manque c’est la bouffe !
Je ne supporte plus de patouiller à pleine main (la droite uniquement) dans sur riz baigné de sauce et de sentir mes papilles s’enflammer à chaque bouchée.
J’en ai des hallucinations. Hier, ballotée à l’arrière d’un auto rickshaw qui, lancé au maximum de sa vitesse, slalomait sans peur entre les voitures et les autobus, il m’a semblé, sur l’enseigne d’une boutique, déchiffrer le mot merguez, à peine remise de ma stupeur j’avisai sur ma droite un superbe chapelet de saucisses d’un rose moelleux qui me mit l’eau à la bouche.
Hélas, ce n’était qu’un régime de bananes rouges, délicieuses au demeurant, mais qui ne correspondaient en rien à l’envie (totalement déplacée) du moment.
Mais ce soir le crépuscule est si doux que j’en oublie les saucisses et les que les effluves de camembert de diluent dans le parfum des fleurs. Aux bruissements de la forêt se mêlent des chants venus du temple. C’est la fête d’Onam. Les femmes ont revêtu de beaux saris en coton écru bordés de bandes dorées. Les parvis des maisons sont décorés de délicats mandalas en pétales de fleurs. Dans le village en contrebas, les familles baguenaudent joyeusement, leurs rires et les éclats de leurs conversations animées parviennent assourdis jusqu’à moi.
Et malgré mon délire gastronomique je n’ai pas envie de rentrer en Italie, si ce n’est pour retrouver mes enfants. Je n’ai pas envie de quitter ce chaos coloré et odorant, ce désordre magnifique, ces sourires qui fleurissent à chaque instant, ce fourmillement de vie et de chaleur. Je n’ai pas envie de quitter les petits poussins de la « casa delle mamme », leurs grands yeux confiants, leurs rires gazouillants, leur joie communicative.
Pour moi ce pays est un enchantement et je sais que longtemps après mon retour, il me suffira de clore les paupières pour en retrouver la magie.
Et vous qui passez, si nombreux et je vous en remercie, sur ce blog sans me laisser de message, racontez-moi, je vous en prie, ce qui vous manque lorsque vous êtes loin de votre pays, ou de votre domicile.
12:30 Publié dans Nouvelle chronique indienne | Lien permanent | Commentaires (20) | Envoyer cette note | Tags : Voyage en Inde, plaisirs et inconvénients
Commentaires
peux pas savoir puisque je ne bouge pas (ne supportant que très mal les soupçons d'inconfort des transports en commun hautement civilisés) - autrefois j'aurais évoqué les salades croquantes mais comme maintenant c'est riz, pates et pommes de terre (mais les épices ne sont pas recommandées, sur ton plateau je ne prendrai que le riz en le faisant descendre avec de l'eau ou du thé)
Bon l'inconfort bien sur, mais en fait ce qui faisait que je n'aimais pas trop les vacances (sauf séjour tranquile et très confortable dans une ville ou j'avais le temps de laner) c'est la nécessité de "faire" quelque chose, de voir quelque chose.
Je m'arrêterai dans une de tes villes ou j'essairai de faire mon trou un petit bout de temps.
Suis ue extrèmement mauvaise voyageuse (l'ai très peu fait d'ailleurs)
Ecrit par : brigetoun | 26.08.2007
Mes enfants, c'est tout. C'est vraiment un déchirement de partir loin sans eux (bon, le dernier a 3 ans, c'est peut-être pour ça).
J'adore ton blog, justement parce qu'il me fait voyager sans les quitter ;)
Ecrit par : Laurence | 26.08.2007
En voyage, c'est ma maison qui me manque. Son odeur. Le paysage de la fenêtre. Mes bouquins déchirés à force d'être relus.
Ecrit par : fanny | 26.08.2007
Oui, Céleste, il est normal que dans tout voyage quelque peu prolongé, au bout d'un moment la lassitude se glisse... ce n'est parfois que passager :-}
Dis-toi seulement que beaucoup, moi le premier, aimeraient bien être à ta place pour en avoir marre de la même manière...
Tiens, demain matin, je vais au bureau... Bhôôoôâââââaaaaafff... Marre pour marre, hein... ;-)
Ecrit par : Swâmi Petaramesh | 26.08.2007
Ce qui me manque ? La même chose que toi, ma grande : un bon steak-frites bien arrosé …
Ecrit par : bernard Langlois | 26.08.2007
ce qui me manquerait ?
je ne sais pas ... rien peut être ...
enfin, si, le relatif confort d'un wc
mais je suis un voyageur immobile, étranger partout ...
Ecrit par : les marques | 26.08.2007
C'est parce que je n'aime pas subir les inconforts que tu énumères que je suis une voyageuse imaginaire... et aussi parce que je suis perpétuellement fauchée.
Sinon, ce qui me manque le plus quand je crapahute au diable vauvert (fort rarement, heureusement), ce sont les chiottes et la douche.
Maintenant que je me souviens de mon voyage en Russie, je me rends compte que j'ai une très forte adaptabilité pour tout le reste, y compris la bouffe, la langue, les écritures qui ne ressemblent à rien et les mœurs extraterrestres. Mais je souffre toujours du manque de chiottes à lunettes et PQ et il me faut une solution satisfaisante pour des ablutions convenables (propre de la tête aux pieds) une fois par jour.
Sinon, j'ai déjà dormi par terre, la tête sur une selle de cheval, ce genre de chose.
Ceci dit, ça me fait chier de ne pas découvrir le monde!
Ecrit par : Le Monolecte | 27.08.2007
Je suis loin depuis neuf ans, neuf longues années passées, et toujours me manquent beaucoup plus de choses que je ne pourrais les dire, mais me manquent aussi des choses que je suis si heureuse de ne plus avoir, parce qu'elles m'auraient empoisonné la vie.
Mais il est vrai que je ne voyage pas. Je n'ai jamais aimé voyager, et j'évite autant que faire se peut, alors ça ne rentre pas dans le cadre de ta question.
Et je ne peux que compatir à ta fatigue du voyage, j'ai été émerveillée quotidiennement de tes récits, en me posant la question : "Céleste ne craque donc jamais ?", alors je n'ai pas été si surprise de ton billet aujourd'hui, simplement désolée pour toi, espérant que tu vas rebondir et que "craquer" n'était qu'une expression.
Amicalement.
Ecrit par : Otir | 27.08.2007
merci merci
je vous rassure, comme l'écrit Otir, "craquer" n'est qu'une expression.
C'est l'Inde qui, bientôt, me manquera, vraiment.
Ecrit par : céleste | 27.08.2007
Comme tu as bien résumé les ambiguités des voyages; penadant 20 ans chaque vacances à parcourir tous les continents; un grand plaisir bien; mais par moments envie de craquer..souvent des détails. Les toilettes en plein champ à ciel ouvert le long des routes en Inde, tout le monde accroupi.(s'empiffrer d'immodium pour limiter les problèmes..).dur pour notre pudeur occidentale; sans oublier les feuilles de bananier qui servent de papier toilettes dans des "cafés" sales en Amérique centrale; la vaisselle du repas faite dans une eau croupie d'un klong en Thaïlande. La viande couleur indéfinie couverte de mouches du marché en Afrique, que l'on retrouve dans son assiète au petit resto du coin. Les courses folles des bus dans la cordillère mexicaine entre les bus, la trouille au ventre, les cafards grimpant sur nous dans l'obscurité du bus..
Marre du riz poulets tous les jours; et le piment qui n'arrange rien.
Certains soirs on craquait; un 4* d'une chaine internationale; un vrai lit, une vraie douche, des vraies toilettes immaculées; et un whisky glaçé avant de retrouver un sirloin steack au poivre / frites.... Souvenir; après 10 jours de crapahutage en Asie, de voir avec ravissement une "croissanterie française".. baguette, croissant et vrai café... la jouïssanced suprème!!!
Mais toi Céleste c est 2 mois... Bravo. mais le voyage et les rencontres font que des que l'on rentre..on a envie de repartir.
Ecrit par : Arachnée | 27.08.2007
Il parait que ce qui nous manque le plus, c'est ce que l'on a pas à portée de main au moment où on l'a... Personnellement, ce qui me manque, c'est toujours ce qui est passé, nostalgique jusqu'à en être malade. Et au final se rendre compte que l'on ne profite pas assez du moment présent, à toujours penser que ce que l'on a eu avant ou que ce que l'on a ailleurs est mieux...
Aujourd'hui, l'Italie te manque, la mozarrella. Et demain, le poulet tanndori (seul truc de l'Inde que je connaisse, et miam) te manquera sans doute, et c'est normal en plus, c'est humain. Nous sommes tous humain.
Bonne fin de séjour. Profite quand même, mais pas besoin de te le dire, tu le fais déjà (et trés joli message aujourd'hui que tu as posté, trés joli message)
Ecrit par : Falconhill | 27.08.2007
J'ai pas mal voyagé autrefois et j'aimais ça. J'aurais meme aimé voyagé davantage. A l'époque, ça me plaisait. Maintenant je ne voyage plus, parce que je n'ai pas un rond. Quand il m'arrive, rarement, de me bouger, c'est en général pour aller en France. Mais j'aimerais repartir, un jour...
Comme tu sais je suis résidente depuis plus de 25 ans en Italie. Ce qui me manque le plus? La langue française; l'entendre parler autour de moi, les bouquins en français (mais je fais un stock chaque fois que je vais en France). La bouffe aussi mais moins; d'abord il m'arrive de cuisiner "à la française" quand j'en ai envie, ensuite coté bouffe, on n'est pas malheureux en Italie...
J'espère que l'état de vague à l'ame t'est passé entre temps. En tous cas, compliments pour tes articles et les belles photos qui les illustrent.
Ecrit par : Lorycalque | 27.08.2007
Bonjour céleste, ce qui me manque lorsque je suis loin de mes attaches peut se résumer en ces quelques mots:
"mes petites habitudes du quotidien", "les regards familiers des transports en commun", "les sourires de connivence de mes nombreux amis","les sauts d'humeurs du facteur", "l'air débordé de mon serveur de café favori", en somme tous ces regards qui au quotidien nous ennuient, nous attirent, nous énervent, nous exaspèrent et qui au loin nous manquent.
Ecrit par : mohamed | 27.08.2007
merci à nouveau
pour ce qui est de l'aspect financier du voyage, je voudrais juste vous dire que lorsque je suis en Inde je fais de considérables économies par rapport à ma vie bolognaise.
une fois payé le billet d'avion, en s'y prenant plusieurs mois à l'avance de l'ordre de 700 euros (on peut même trouver à 600), la vie ici est très bon marché; à condition bien sûr d'éviter les ghettos à touristes friqués (qui ne présentent pas le moindre intérêt) les centres de massages aryuvédiques pour occidentaux (il en existe d'autres, des ashrams où la clientèle est indienne et qui sont beaucoup plus économiques) et de fréquenter des hôtels de standard local, corrects (sauf si on est maniaque de la propreté), et sympathiques. pour un budget d'environ 12 euros à deux par nuit.
on peut manger, très bien (même si mon texte exprime un peu de lassitude, la cuisine indienne est délicieuse), dans les restos ou échoppes locaux. dans les restos populaires c'est toujours préparé le jour même, très cuit, et savoureux (voire même à l'excès).
en résumé on peut manger, en étant sobre, à 2 pour 5 euros par jour (même moins);
les bus et les trains sont très bon marché, et il y en a une infinité.
conclusion: si l'on voyage comme le font les indiens (ce qui à mon sens est la seule façon de découvrir un pays et de faire des rencontres) c'est un peu fatigant, mais extraordinairement enrichissant et très peu coûteux.
je ne sais plus ce qu'il en est des coûts des vacances en France, mais en italie, les lieux de villégiature agréables (comme le Salento ou la Sardaigne), me sont totalement inaccessible.
Pour le prix de deux mois en Inde (y compris l'avion) nous pourrions passer une petite semaine sur une plage italienne à nous dorer la pilule parmi des touristes imprégnés d'huile solaire, jouant des biscottos pour les uns et exhibant fièrement leurs rondeurs fessières pour les autres, en mangeant des pâtes à tous les repas.
alors voyager, ce n'est pas un choix, c'est une évidence
Ecrit par : céleste | 28.08.2007
Je comprends ton coup de blues. J'espère que cela va mieux.
Ecrit par : Fauvette | 28.08.2007
moi ,quand j'étais là bas, la nuit je rêvais de baguettes et de camenbert , je crois que ce sont nos cellules qui ont enregistré ces infos ( pain fromage )et les réclament .. :-))))
Ecrit par : joline | 28.08.2007
Bonjour !
C'est tout a fait par hasard que je viens de tomber sur ton blog que je trouve passionant !!! Comme j'ai tres sommeil ce soir je reviendrai en lire plus, mais pour repondre a ta question, moi, ca fait maintenant 23 ans 1/2 que j'habite loin de mon pays, et a condition de ne pas y penser, plus rien ne me manque a force d'habitude....mais quand je vois sur internet des histoires de camembert, alors......
MOI AUSSI JE CRAQUE !!!
Amities de Flo.
Ecrit par : Flo de Sendai | 30.08.2007
je viens seulement de comprendre le commentaire en dessus du mien en le relisant :
a 1ere lecture, j'ai imagine des baguettes (chopsticks) et du camembert, je me disais, drole d'association...hahaha !
Ecrit par : Flo de Sendai | 30.08.2007
tu vois finalement toi tu craques en Inde et moi je craque sans toi a la maison..et puis en novembre toi tu voudras etre de nouveau en Inde et moi de nouveau toute seule..on est jamais contents.
bisous
Ecrit par : cleo | 02.09.2007
ce qui me manque quand je voyage
c'est ce petit pincement qui mord le ventre et finit par creuser un puits
juste avant le départ
souvent je me suis demandé
Partir, est-ce partir à la rencontre de la nostalgie ou de sa résolution?
j
Ecrit par : Viviane | 15.09.2007
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