27.08.2006
Misère et Espoir
Eran, le grand Israélien aux yeux bleus, veut créer sa propre « Family House ». Il a déjà loué la maison, maintenant il faut trouver ses futurs occupants. Les enfants en situation difficile ne manquent pas, mais Eran a des idées très précises. Il voudrait généreusement offrir le bien être, la sécurité et une bonne scolarisation à des enfants petits (quatre ans) et orphelins. A plusieurs reprises Valeria lui a expliqué que son souhait est quasiment impossible à exaucer car en cas de décès des parents, soit les enfants deviennent pupilles de la nation et il est hors de question que le gouvernement les confie à Namaste, soit ils sont adoptés par d’autres membres de la famille et il faut alors que ces derniers fassent une demande d’aide auprès de l’association, mais, si ils ont choisi de recueillir un petit cousin orphelin cela signifie généralement qu’ils ont les moyens de l’élever et qu’ils n’ont pas besoin d’être secourus. Mais Eran est têtu et il persiste dans son choix en expliquant qu’il considère qu’un enfant est toujours mieux avec sa mère, qu’en cas de difficulté il faut aider les deux sans les séparer, et ce n’est pas ce qu’il a envie de faire. D’où ses exigences.
A Poonthura une famille vient de vivre un drame sordide. Ivre, le mari a battu sa femme à mort, puis il s’est suicidé. C’est la grand-mère qui a recueilli les deux fillettes du couple, âgées de 3 ans et de 18 mois, mais elle est très pauvre et n’arrive pas à assumer cette charge. La Family House d’Eran pourrait être une bonne solution pour la plus grande des deux filles.
Debout devant sa petite masure sombre et endommagée, la grand-mère, d’une douloureuse maigreur, serre le bébé contre sa poitrine décharnée. La petite s’accroche à elle, recroquevillée, vêtue de guenilles tachées.
Ça fait mal.
La tante des fillettes, qui habite la maison voisine, nous invite à rentrer chez elle pour nous parler. Son mari et elle partagent avec leurs enfants deux petites pièces obscures. Dans ce qui peut être la chambre un garçon d’une douzaine d’années étudie, assis par terre, le cahier posé sur les genoux. La femme nous explique que l’aînée des orphelines a été placée dans un couvent depuis déjà un mois. « Est-ce qu’elle s’y trouve bien ? » fait demander Eran. « Oui, répond la femme, mais on peut être la reprendre ». « Non, dit Eran, si elle est habituée au couvent et qu’elle est contente, il faut la laisser en paix ».
Quant au bébé, elle est trop jeune pour la family house. Il faudra penser à une autre forme de soutien.
J’ai le cœur serré, la petite lève vers nous de grands yeux apeurés et nous repartons, inutiles et bouleversés.
Plus loin nous faisons halte chez Léon. Les premiers protégés de Namaste sont aujourd’hui de jeunes adultes qui prennent départ dans la vie. Valeria est particulièrement heureuse de la réussite de deux d’entre eux : un jeune homme qui sera bientôt médecin et Léon, qui fréquente une école des beaux arts locales et va prochainement exposer ses œuvres à Trivandrum.
Solidement campé sur ses deux jambes, l’œil brillant de sensualité, Léon rayonne de joie de vivre et il a du talent. Ses tableaux en portent la marque.
Aujourd’hui sa famille a surmonté les difficultés et n’a plus besoin d’aide. Teresa, la ravissante petite sœur, sautille gaiement dans l’entrée, les parents plaisantent avec Valeria et Léon tape affectueusement dans le dos de Thomas.
Sans l’aide de Namaste, Léon ne serait certainement le jeune peintre (et footballeur me précise-t-on) qu’il est maintenant.
Misère et Espoir
India, le 24 aout 2006
(… à suivre)
10:00 Publié dans Chronique indienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Envoyer cette note
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