28.07.2007
Pondicherry, les gens
Nous n’avions jusque là effectué que de courts séjours touristiques à Pondicherry, mais cette fois, grâce au tournage du documentaire, nous pénétrons peu à peu dans les entrailles de la ville. De jour en jour notre perception se modifie.
Si la séparation, marquée par un canal nauséabond, entre la ville blanche (ex quartier français qui doit son nom tant à la couleur de la peau de ces anciens occupants, qu’à celle des façades des demeures coloniales) et la ville indienne (dite ville noire), est évidente, d’autres caractéristiques locales sont plus longues à se dévoiler.
Peter, enfant de la ville, né d’un père tamoul (les Français qui excellent dans l’art de changer les noms des autres disent tamil) et d’une mère sri lankaise (tamoul elle aussi) dont les parents, riches propriétaires terriens, ont fui leur pays au début du conflit indépendantiste pour se réfugier dans les montagnes du Tamil Nadu avant de rejoindre Pondicherry où elle s’est mariée, nous guide dans les méandres de la société Pondicherrienne. Etant d’un naturel ouvert, chaleureux et entreprenant (voire même agité) le nombre des relations de Peter est impressionnant, et, empêtrée dans une avalanche d’informations j’ai un peu de mal à en écrire une synthèse qui soit fidèle à la réalité, bien que personnelle.
La population de la ville est scindée en plusieurs communautés et les rapports entre leurs membres respectifs sont, depuis plusieurs années, entrés dans un important processus de changement.
Lorsqu’en 1956 la France a cédé à l’Inde les ultimes vestiges de la présence coloniale, les quelques habitants des territoires qui étaient venus de la métropole ont plié bagages illico presto.
Le traité de cession accordait aux autres Pondicherriens (les tamouls) la possibilité de choisir leur nationalité. Environ sept mille d’entre eux ont opté pour la nationalité française, particulièrement les descendants de ceux que l’on avait nommé les « renonçants », car, suite à un décret de 1881, la troisième République avait accordé à qui renonçait à son statut personnel, autrement dit à sa caste, la possibilité de devenir français à part entière.
A la suite de la cession certains de ces « nouveaux Français » se sont immédiatement installés en France ou dans les Dom Tom (particulièrement à la Réunion), d’autres, plus âgés, ou moins aventureux, sont restés, mais leurs enfants, nantis de la nationalité française ont rejoint la mère patrie à l’âge adulte, les garçons étant presque systématiquement envoyés servir la république sous son drapeau tricolore.
Il semblerait que les familles qui avaient choisi de devenir françaises n’aient pas eu par la suite de regrets particuliers. Il n’en est pas de même pour celles qui sont restées indiennes et dont les derniers rejetons jalousent les cousins ou voisins qui, vivant en France, reviennent aux vacances parader en vêtements coûteux, le portable collé à l’oreille et de la thune plein les poches, car, même si dans l’hexagone ils appartiennent à la classe moyenne, à Pondy, ils sont riches et ne se gênent pas pour le faire savoir.
D’où le sentiment d’envie, flagrant, qui court sur leur passage et qui fait que lorsqu’ils doivent louer une voiture, le prix qu’on leur demande est encore supérieur à celui qu’on demande au touriste western réputé (surtout le Français, nous dit-on) pour sa pingrerie, prêt à négocier une demi-heure pour économiser 10 roupies (20 centimes).
Ce sentiment d’envie ne vire pourtant pas à l’agressivité car le Franco-Pondycherrien dépense allègrement et est toujours susceptible d’être utile pour parvenir à poser un pied puis un autre sur l’eldorado gaulois.
Le moyen le plus prisé pour atteindre ce but a toujours été le mariage, mais alors que les jeunes filles tamoules continuent à apprendre le français dans l’espoir que leurs familles dégoteront le prince charmant made in Paris (ce que me confirme un professeur d’une classe de troisième d’une école de filles), les garçons vivant en métropole, bercés de rap, de MTV et de culture française n’ont plus forcément envie d’accepter un mariage arrangé avec une jeune vierge soumise et leurs sœurs entendent bien choisir elles-mêmes leurs maris.
A part la voie matrimoniale, d’autres moyens, plus ou moins sordides sont utilisés pour partir vers la France, ou mieux encore obtenir la nationalité.
On nous raconte l’histoire d’un jeune homme qui a acheté, fort cher, l’identité de son jeune voisin, mort accidentellement, aux parents de ce dernier.
A part quelques exceptions les jeunes n’envisagent absolument de revenir sur la terre de leurs ancêtres, et, par conséquent la communauté Franco-Pondycherrienne, qui était, et de loin, la plus importante de la ville au moment de la cession, réduit comme peau de chagrin.
Cela désole les anciens, mais c’est ainsi.
15:57 Publié dans Nouvelle chronique indienne | Lien permanent | Commentaires (3) | Envoyer cette note | Tags : inde, Pondicherry, Tamil Nadu
Commentaires
la photo des deux femmes est superbe de masses et de couleurs d'or étei,t. On attend la suite, la majorité de ceux qui ne sont pas franco-pondichériens, combien de catégories ?
Ecrit par : brigetoun | 29.07.2007
Oh! Celeste! Comme j'ai hâte d'être là-bas! Allez, plus que quelques mois et je ferai moi aussi de belles photos, des commentaires sûrement moins pertinents, et des rencontres aussi enrichissantes...
En tous cas merci pour cet aperçu qui me donne plus que jamais envie de m'expatrier...
Ecrit par : bibou | 29.07.2007
@Brigetoun
la suite du panorama de la société pondicherriene est un préparation, je suis tellement occupée que j'ai peu de temps pour écrire....ah les vacances!
@Bibou
Pondy est une ville complexe, à la fois superbe et glauque. je crois que l'on peut y vivre très bien, mais en étant très vigilant . il y aura encore plusieurs textes sur la ville, j'espère qu'ils t'aideront à avoir une idée plus précise.
Ecrit par : céleste | 30.07.2007
Écrire un commentaire
NB : Les commentaires de ce blog sont modérés.