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13.08.2006

Retour à Kaippattoor

medium_kaippattoor1.jpgUn an après nous retrouvons Mary, Chappakan, Monu, leur troisième fille, et la mère de Chappakan, une minuscule vieille dame de 87 ans que lors de notre séjour avec Sini nous avions baptisée à l’italienne : la nonna.
Monu a 21 ans et est adorable. Depuis six ans elle a un « boy friend », Anil, un charmant jeune homme de 26 ans, qui entretient d’excellents rapports avec ses futurs beaux-parents. Monu ne fera pas un mariage arrangé, elle épousera, avec l’accord de ses parents, échaudés par la douloureuse expérience de Sini, le garçon qu’elle a choisi. Monu et Anil veulent venir travailler en Italie, nous avons accompli pour eux toutes sortes de démarches longues et compliquées et nous attendons tous l’accord du gouvernement italien. Si celui-ci ne délivre pas l’indispensable sésame Anil devra suivre les traces de son père et aller travailler dans le golfe persique, son jeune frère a déjà pris le chemin de l’exil. Il partira alors pour deux ans, sans retour au pays, et Monu ne pourra pas le rejoindre avant plusieurs années. Autant dire que la réponse du gouvernement italien est attendue avec impatience, leur avenir en dépend. Nous leur avons expliqué qu’en Italie seules les tâches les plus humbles leur seront proposées et que leurs diplômes universitaires seront inutiles, mais ça ne fait rien, pour eux, c’est le meilleur choix possible.
La nonna est une délicieuse vielle dame mais ce ne fut pas toujours le cas. Quand Mary, jeune épouse de Chappakan, est arrivée, la nonna, occupée à pondre un enfant tous les deux ans s’est déchargée sur elle de toutes les tâches domestiques, et ceci malgré les trois grossesses de sa bru. Aujourd’hui, très âgée, redevenue une petite fille qui ne peut rester seule, elle occupe peu d’espace et passe beaucoup de temps à la messe. Elle est ravie de nous revoir et nous manifeste sa joie par de longs discours en malayalam, je lui réponds en français, nous balançons toutes les deux la tête, elle est contente et moi aussi. Entièrement vêtue de blanc, elle porte le costume traditionnel des chrétiennes du Kerala : long tissu enroulé autour de la taille, simple corsage, et, ô merveille, d’extraordinaires anneaux aux oreilles. Les anneaux « normaux », accrochés au lobe de l’oreille, pendent nonchalamment le long du cou et, de face on les voit de profil, de profil on les voit de face. La Vache qui rit, par contre, a de célèbres boucles d’oreilles rondes, connues dans le monde entier, et que, en dépit de toute logique, on voit toujours de face. Transformons les fromages de la Vache qui rit en gros anneaux d’or, montons les en haut des oreilles, un poil avant la pointe, et fixons les bien solidement, le résultat donne aux mémés Kéralais un petit air d’extra-terrestre absolument irrésistible. Leurs visages ridés, leurs bouches édentées sans dentiers et leurs petits chignons blancs accentuant encore la ressemblance il est difficiles de les regarder, surtout quand elles sont en groupe, sans avoir envie de rire.medium_kaippattoor2.jpg
Nous nous installons avec plaisir dans « notre chambre », rien n’a changé mais malheureusement il manque Sini.
L’église est toute proche et, en fin d’après-midi, Fabio ne peut résister à l’envie d’aller filmer les fidèles qui vont à la messe. L’église, est presque pleine, les personnes âgées, dont la nonna, sont assises sur des bancs le long des murs, les autres debout car il n’y a pas de sièges. Pendant que Fabio tourne et vire, sa caméra à la main, au milieu des paroissiens surpris, je prends place au milieu des femmes, au fond et proche de l’allée pour pouvoir partir facilement. Hélas pour moi, l’église se remplit et je me trouve coincée entre des matrones en saris. L’office commence, ponctués de joyeux chants bibliques interprétés avec talent par un couple de chanteurs. Le prêtre, par contre, chante comme une casserole et j’ai du mal à ne pas rire, ce qui serait, à juste titre, très mal vu. Puis les fidèles s’asseyent à même le sol et moi aussi. L’église est blanche, lumineuse, l’autel est peint de couleurs vives comme celles des saris. Il y a des fleurs, la douce voix du chanteur s’élève dans la nef, je regarde ces femmes et ces hommes assis autour de moi et je me sens bien. Je me sens proche d’eux, liée à eux, reliée à eux. Religion : qui relie. Mais pourquoi les êtres humains ont-ils dû inventer une bande de dangereux psychopathes, qu’ils ont appelés dieux, pour se sentir reliés les uns aux autres ? Voilà qui m’échappe. Les fidèles de l’un n’en finissent pas de se dévaloriser ,« Priez pour nous pauvres pêcheurs », ou de supplier que la divinité veuille bien leur pardonner « Pardonnez-nous nos offenses », laquelle divinité n’a rien trouver de mieux que d’envoyer son fils se faire massacrer par les impies. Sous un invraisemblable prétexte de terre promise et dans le total mépris et des populations occupant le territoire depuis des siècles et des accords internationaux dûment signés par des grands de ce monde, ceux d’un autre s’acharnent sur un bout de terre aride, au risque de mettre en péril la paix mondiale. Un troisième, ombrageux, susceptible et particulièrement misogyne veut tout contrôler, de la sphère privée à la sphère publique, et ses écrits sont tellement impénétrables que toutes les interprétations, y compris les plus dangereusement farfelues, sont possibles. Mais c’est sans aucun doute le grand Brahma qui détient le pompon de la perversité, décidant sur un caprice que certains individus, les chouchous brahmanes, sortiraient de sa bouche, d’autres, les guerriers, de ses bras, et ainsi de suite jusqu’aux pieds, qui fourniraient évidemment les individus des plus basses castes. Quant aux intouchables, qu’on ne doit jamais toucher parce qu’impurs, mieux vaut ne pas se demander d’où le créateur a eu l’idée saugrenue de les faire sortir.
Et moi, et moi, et moi, assise dans l’église, je me dis que je n’ai besoin ni de l’un des autres pour savoir que nous appartenons tous à la même humanité et à en être heureuse.

India, le 13 aout 2006

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Commentaires

adhésion totale ou presque - sous le charme du jeune couple, par contre je trouve que la nonna sur la photo laisse deviner le tyran domestique, et bien sur cent pour cent d'accord avec la fin, y compris le charme que peuvent avoir les rites religieux

Ecrit par : brigetoun | 13.08.2006

T'es en Inde ou sur la planète Bonheur extraterrestre ?

Ecrit par : BertranD | 13.08.2006

Les commentaires sont fermés.

 
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