20.09.2006
Sur la plage de Chennai (suite)
La plage est immense, la plus grande du monde, après celle de Rio.
Mais elle est bien différente des plages occidentales. Ici point de chair dénudée, point de corps offerts au soleil, point de concours de strings ni de muscles et pas non plus de Club Mickey pour amuser les enfants pendant que leurs géniteurs se consacrent au bronzage.
A midi, la plage, écrasée de soleil, est déserte. Peut-être un touriste égaré brave-t-il les flots dangereux…
Au fur à mesure que l’astre décline, arrivent les promeneurs : groupes de jeunes garçons joueurs ou de jeunes filles rieuses qui sautent joyeusement dans les vagues, familles hindoues venues faire un petit puja du soir, espoir, familles musulmanes, et la brise, qui s’engouffre sous les voiles, découvre des mèches folles et des sandales dorées, parsis, adorateurs du feu, debout, droits et immobiles, le regard fixé sur les rayons mordorés, vendeurs ambulants de cacahouètes, de thé, de barbe à papa enfermée dans des sachets en plastique, diseuses de bonne aventure qui déchiffrent l’avenir dans les lignes de la main, tourneurs manuels de manèges où les bébés crient de plaisir, toute une foule débonnaire, qui profite de la douceur du soir.
A peine suis-je sortie de l’eau, le churindar blanc collé aux jambes, (heureusement il fait chaud) qu’une autre petite fille m’aborde, dans un très bon anglais, sous l’œil fier de papa et maman, un jeune couple bien mis.
Ils vivent à Chennai car Monsieur travaille dans une banque, mais ils ne sont pas Tamils, non non non, ils viennent du Rajasthan (pensée émue pour les Rajpoutes) et aspirent à y retourner. En attendant, leur fillette étudie dans une English Medium School et, le soir, ils viennent flâner sur la plage. Dans la nuit tombante, ils me posent de nombreuses questions, surtout Madame, sur moi, sur la France, sur l’Occident.
Du coin de l’œil, je vois s’approcher un bel homme d’un certain âge, il s’immobilise, légèrement en retrait et écoute la conversation en souriant.
Mes interlocuteurs me saluant, je me tourne vers lui, et je dis : « Hi ! », il me répond : « Hi ! » et nous nous regardons. Alors je lui tends la main : « My name is Claudine, I’m french » et il me répond : « Nice to meet you ! ».
Puis il se présente. Jeune, il a été gradé dans l’armée indienne, il est allé guerroyer au Vietnam, au Laos, au Cambodge, puis il a quitté l’armée et travaillé pour une association pacifiste, quel parcours ! Contrairement à la plupart des Indiens il ne parle pas un mélange approximatif de langue locale et d’anglais, mais une langue parfaite, qui me rappelle celle de Doctor M.. Je lui en fais la remarque. « Oh !, me répond-il d’une voix d’une exquise douceur teintée de tristesse, it’s because I am an anglo-indian ».
Silence compatissant de ma part, les anglo-indiens, je le sais, ont longtemps eu la vie dure. Souvent rejetés par les deux communautés avant l’Indépendance, leur sort s’est peu amélioré après, même lorsqu’ils sont fortunés et cultivés, comme ce charmant Monsieur.
Je le lui dis et il approuve.
Nous parlons du temps qui passe et des blessures qui cicatrisent.
Des barrières qui séparent et des portes qui s’ouvrent.
Du parfum du jasmin.
De l’infini plaisir d’être là , ensemble.
Mais la nuit, la nuit tropicale qui tombe si vite, se fait noire et nous partons demain. Il griffonne son adresse sur une page de mon carnet.
Rendez-vous dans un an.
India, le 28 aout 2006
18:55 Publié dans Chronique indienne | Lien permanent | Commentaires (10) | Envoyer cette note
Commentaires
j'en rêve de ta plage. je pourrais y vivre (quarante ans que j'ai déserté les notres par nécessité et par choix) et regarder cette vie et ces gens et leur beauté
Ecrit par : brigetoun | 20.09.2006
ça me rappelle bien des souvenirs ..le vieux monsieur a l'air adorable comme ils savent l'être parfois ..
ps: dans un tout autre registre, je suis contente que tu aimes Soph 'et son humour !
Ecrit par : joline | 20.09.2006
@brigetoun
moi aussi je porrrais y vivre, c'est l'endroit au monde que je préfère. quand j'ai un coup de cafard, je ferme les yeux, je pense à la plage et je me dis que j'ai une chance folle d'y être allée
@ Joline
c'est vrai, tu la connais cette plage...
oui, Soph' j'adore
Ecrit par : céleste | 20.09.2006
@ Brigetoun, Joline et Soph'
je mis des petits liens pour vos sites
Ecrit par : céleste | 20.09.2006
et bien, merci Céleste !
Ecrit par : brigetoun | 21.09.2006
en complément du mail:
http://www.susheelaraman.com/
bonne journée ;)
Ecrit par : elodietoug | 22.09.2006
Ah ces grandes belles plages envahies le dimanche par une foule bigarrée et heureuse. Ce sont les mêmes dans pas mal d'endroits du monde dans l'hémisphère sud. On ne s'en lasse pas.
Ecrit par : amarula | 22.09.2006
@ amarula
Je reviens de chez vous, bel espace de paix que j'apprécie énormément, mais impossible de laisser des coms...
merci de vos visites
@elodie
je connais susheelaraman et j'aime beaucoup, merci pour le lien
Ecrit par : céleste | 22.09.2006
@ celeste
évidement, je m'en douter. Mais, c'est qu'en France, elle n'est pas très connu. C'est certain, elle ne sera pas à la Star Academy de Tf1, que je regarde, (pour oublier la journée)de temps en temps pour me dauder avec ma soeur de leurs prestations !
Ecrit par : elodietoug | 22.09.2006
merci Céleste pour le lien et la ballade à Chennai jusqu'au retour "sécurisé"
Ecrit par : joline | 24.09.2006
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