02.09.2006
The marriage country
Alors qu’en France le mariage périclite, il est en Inde la base de la société, son cœur et un des moteurs de l’économie. Tout le monde se marie, une fois, pas plus, pas moins. Les divorces et les remariages sont exceptionnels.
Je n’ai pas de statistiques précises, mais considérer que plus de 90% des unions ont été arrangées, me semble correct.
Le mariage est une alliance entre deux familles, dûment sélectionnées. Il va sans dire que la religion doit être la même, mais ce n’est pas le seul critère, loin de là . Encore faut-il qu’elles appartiennent à la même caste, à la même sous-caste, à la même sous-sous-caste. Le nombre de compartiments que comporte la société indienne est hallucinant et ne concerne pas seulement les hindous. Un fils de commerçant musulman épousera une fille de commerçant musulman, une fille de propriétaire terrien catholique épousera un fils de propriétaire catholique (ou éventuellement syrien orthodoxe, le principal étant de ne jamais au grand jamais sortir du christianisme) et le fils d’un intouchable fabriquant de savates épousera une fille d’intouchable fabriquant de savates ou de ceintures.
Bien évidemment ces alliances créent toutes sortes de précieux liens économiques.
Les familles peuvent déjà être amies, ou non. Les réseaux de marieuses et marieurs sont extrêmement efficaces et hyper renseignés, rien ne leur échappe et lorsque que le candidat se présente dans la potentielle belle famille pour faire sa demande officielle celle-ci est généralement acceptée. Quant aux principaux intéressés leur opinion est certes sollicitée, mais ayant été élevés, éduqués, préparés, formatés pour accepter une union avec un (ou une) inconnu(e), à quelques exceptions près, ils disent oui sans faire de manières. Il faut aussi préciser que la confiance dont ils font preuve envers le choix des parents est totale.
Je demande à Taoufik de Trichy :
« -Et si ta future femme ne te plaît pas, si tu ne la trouves pas belle ?
- Impossible, répond-il, mes parents connaissent mes goûts et ne peuvent pas se tromper »
Lors de la demande officielle les modalités financières de l’affaire, soigneusement préparées auparavant, sont entérinées. Et elles sont loin d’être négligeables. Il y a d’abord la dot (officiellement interdite et systématiquement versée). Elle est importante, voire même très importante. Pour la payer certaines familles s’endettent pour des années. Faute de dot, en cas extrême, une famille peut accepter une belle fille diplômée, ou fonctionnaire, dont le travail rapportera son pesant de roupies. Suivant les cas la dot est transformée en or, en appartement, en terrain, en magasin…
L’or, la passion indienne. Les somptueuses bijouteries rutilent. Elles sont partout, dans la plus petite ville comme dans la métropole. Elles exposent les mêmes colliers, les mêmes boucles d’oreilles, les mêmes bracelets. On achète au poids, assis, le verre de thé offert par la maison posé sur la vitrine du comptoir.
Et on achète, on achète, des kilos d’or, les femmes en sont couvertes et dans les maisons les armoires secrètes en regorgent.
Qui n’a pas d’or n’est pas pauvre, mais extrêmement pauvre, en dehors de la société.
Bien sûr l’or étant quand même coûteux, les femmes adorent aussi les bijoux fantaisie, à condition qu’ils soient dorés et seulement utilisés en complément des vraies parures.
Pour le mariage on achète aussi des saris, en soie, brodés d’or ou de strass. Les plus somptueux peuvent coûter 500 euros. Le prix moyen d’un sari de mariage, est d’environ 150 euros, ceux de son trousseau d’environ 50 euros. Le salaire mensuel d’un enseignant étant de 150 euros, ces chiffres sont considérables.
Généralement toutes ses emplettes se font dans des magasins spécialisés comme Alukkas parcouru avec Monu en long en large et en travers et pendant des heures pour acheter des cadeaux pour nos amis.
C’est le tout pour le mariage, saris, churindar, jupes longues, tissus au mètre, dupattha, tuniques longues et écharpes dorées pour ces messieurs, ou costumes occidentaux, chaussures, sacs, montres, valises pour ranger tout ça et bien sûr de l’or de l’or de l’or, à en être ébloui.
Après la demande officielle ont lieu successivement les fiançailles, en pompe moyenne et le mariage, dont la date a été fixée par un astrologue, en énorme pompe. Cérémonies fastueuses, repas gargantuesques, photos et vidéos assurées par des professionnels. Nous avons même vu, lors d’un mariage à Chennai, une extraordinaire installation vidéo : plusieurs caméras, mixage en direct, projection continue du montage.
Le marché du mariage est énorme, spectaculaire, il fait à lui tout seul tourner une grande part de l’économie indienne.
Une affiche sur deux, un spot publicitaire sur deux y sont dédiés. C’est du matraquage, de l’intoxication, impossible d’y échapper.
Et l’amour dans tout ça ?
D’après la plupart de nos amis de rencontre, l’amour spontané entre une femme et un homme serait une invention occidentale. Pourtant les films indiens le chantent et le dansent sur tous les tons.
Et puis quand même, nous sommes au pays du Kamasoutra, en plus du poids social que se passe-t-il dans les alcôves qui fait que les mariages tiennent et qu’il y ait si peu de rébellion ?
India, le 26 aout 2006
11:25 Publié dans Chronique indienne | Lien permanent | Commentaires (7) | Envoyer cette note
Commentaires
Est-ce qu'ici on se marie (pardon, on s'apparie) si souvent en dehors de sa caste (pardon, sa classe) ?
Imaginons, "Mouloud, fils de sans papiers, citoyen de la teci la plus taggée du 93, RMiste longue durée le jour, vaguement dealer la nuit... est heureux de vous annoncer son mariage avec Bérénice de la Feuille de Vigne, particulée depuis les croisades, sortie major de HEC à 16 ans et demi, conçue à Dinard par un polytechnicien et la fille d'un académicien, élevée et éduquée à Auteuil... Ils se sont rencontrés dans une station de métro un jour de grève surprise" Dans le Figaro, je ne le sens pas. Chez Dechavanne, Mireille Dumas les jour de "les unions hors norme", ça peut le faire, ou dans la téléréalité... une webcam dans toutes les pièces, pour voir combien de temps ça tiendra. Bon, je caricature, d'accord...
Ecrit par : poilagratter | 02.09.2006
bien vu Poil à Gratter, je préparais le terrain pour en arriver en là dans un prochain post
rapide et bravo pour le style!
Ecrit par : céleste | 02.09.2006
Je n'ai pas lu, juste regardé les images (trop de pisco hier soir) que je trouve incroyabement belles et correspondant à un imaginaire stéréotypé qui est, en fait, la vérité. Je suis stupéfait !
Ecrit par : bertranD | 02.09.2006
la fille en fushia sur la dernière photo a une tenue somptueuse, mais ce n'est pas un sari ?
combien de temps pour se remettre financièrement d'un mariage ?
Ecrit par : brigetoun | 02.09.2006
@ brigetoun
c'est une jupe longue avec un corsage et une écharpe assortis, dans le sud, c'est plutôt une tenue pour les jeunes filles
se remettre financièrement d'un mariage? des années, les Indiens empruntent énormément, beaucoup sont surendettés. Ils sortent à peine de la misère et ont du mal à gérér. c'est un réel problème.
ceci dit, dans le sud de l'Italie, c'est exactement la même chose: mariages hors de prix, surendettement
Ecrit par : céleste | 02.09.2006
@poilagratter
Il me sembke que tu n'es pas loin de la vérité puiqu'une telle histoire existe. je ne me rapelle plus le nom de cette blonde qurantenaire qui raconte son histoire dans une centaines de pages. Elle était venue Chez Mireille Dumas raconter qu'elle s'était enfuie avec un marocain braqueur de banque et qu'elle avait attéri en Grèce....Elle, issue d'une famille prout-prout, ne regrette rien mais n'a jamais revu son marocain de braqueur.
Loin du thème du mariage je vous le concède.
Bon week
Ecrit par : Human | 02.09.2006
Non, pas loin du thème du mariage.
Même dans un pays comme le nôtre où les choses ne sont pas codifiées comme en Inde, on ne se met pas en couple pas si souvent que ça (ou en tout cas pas de manière durable) en dehors de sa CSP.
Les codes sociaux implicites sont très puissants.
Et pour en rajouter dans le politiquement incorrect, je pense que la mixité sociale que l'on essaie de nous vendre, est une chimère.
Ecrit par : poilagratter | 03.09.2006
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