Quand les
mots anciens ne se forment plus sur la langue, des mélodies
nouvelles surgissent du cœur; et là où les vieilles pistes
ont disparu, un nouveau pays se révèle avec ses merveilles.
Rabindranath Tagore, "Gitanjali" |
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LES TEXTES: |
(CHENNAI ET TAMIL NADU) |
Chennai, enfin |
Kollywood Party |
Chennai, d’un set à l’autre |
Johny, un garçon
positif |
Johny : de la
difficulté à être musulman |
journée à
Madurai : chez Mohammed (1) |
journée à
Madurai : chez Mohammed (2) |
Une soirée à
Madurai |
(PONDICHERRY et MAHE) |
14 juillet
à Pondicherry |
Pondicherry,
les gens |
Les gens
de Pondy : Jean-Michel |
Les gens
de Pondy (suite) |
D'autres
gens de Pondy |
Ah les filles,
ah les filles |
La
nouvelle Pondy |
Mahe, une perle au
bord de la rivière noire |
Mahésiennes et
Mahésiens |
Mahe, d’un lieu de
culte à l’autre |
Quitter Mahe
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(KERALA) |
Kaippattoor au quotidien |
Chez Roy à
Keerithodu |
Un dimanche à
Ernakulam |
Souffrir dit-elle |
Mon
dentiste préféré |
La casa delle
mamme : la rencontre |
La casa delle
mamme : Happyland |
Namaste : l’école
des handicapés |
La casa delle
mamme : deux noix de coco fraîches… |
Casa delle
mamme (suite) : les Sims |
Namaste : Dix
petits indiens |
Namaste : au
cirque |
(ON THE ROAD) |
De Chennai à
Kaippattoor |
De
Kaippattoor à Pondicherry |
Inde, 60
ans d’indépendance |
Je craque ? |
Rentrer |
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LES PHOTOS: |
Ranganathaswami Temple in Trichy |
Mahe: la
rivière et les fleurs |
Mahe:
people and culture |
Chennai
d'un set à l'autre |
Pondicherry: Peter, Flora et les autres |
Pondicherry:
marché aux poissons |
Pondicherry:
le marché |
Railways: de Angamali à Trivandrum |
Happyland avec "la
casa delle mamme" |
LES VIDEOS: |
Mahe, une perle indienne |
Jogging in Pondicherry |
Fisherman in Pondicherry |
Une nuit à Pondicherry |
Défilé in Pondicherry |
Happyland et la casa delle mamme |
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CERTAINS DROITS
RESERVES: |
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" Les gens de Pondy :
Jean-Michel " |
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Lorsque Jean-Michel nous reçoit dans son atelier,
où il bichonne amoureusement une superbe collection de motos
anciennes unique en Inde du sud, il nous raconte quelques bribes de
sa vie.
Sa passion de la moto date des années passées dans les rangs de
l’armée française. Comme beaucoup d’hommes Franco-Pondicherriens, à
20 ans, il s’est engagé pour défendre une mère patrie qu’il ne
connaissait pas et dont il parlait mal la langue, apprise sur les
bancs de l’école, mais jamais utilisée. |
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Quand je lui demande pourquoi il avait fait ce choix, il me répond
que c’était un parcours évident, inévitable.
« On a été élevés dans l’idée de ce départ, tout nous y a poussés,
nos parents, la pression sociale, les Tamouls aussi, qui nous
disaient : toi t’as de la chance, tu es Français, nous on ne pourra
jamais partir, si tu n’y vas pas, c’est que tu es paresseux. » |
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A peine arrivé en France, il est expédié dans une glaciale garnison
allemande. Outre le froid mordant, qu’il supporte mal, il est
déstabilisé par son imparfaite connaissance de la langue.
« Va prendre ton flingue ! » lui ordonne-t-on. Et lui se demande : «
C’est quoi un flingue ? Un fusil ? ».
Sa carrière achevée (au sein de l’armée elle est brève), Jean-Michel
est revenu vivre à Pondy, pour être près de son père et par
attachement à sa ville natale. Il a acheté une jolie maison et se
livre à son aise à la passion de la mécanique. La journée finie, il
s’installe dans les bars branchés de la ville blanche où sa belle
prestance lui assure un certain succès auprès des belles étrangères
nordiques (ou non). |
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Plus tard il nous accompagne chez son père, un vieux monsieur, héros
militaire, qui répond au nom de Byron (et oui, comme le fameux
lord).
La famille de Byron a pris la nationalité française en 1882, c’est
donc une famille de «renonçants », probablement très modeste car
l’être humain est ainsi fait qu’il lui est plus facile de se passer
du droit à avoir des privilèges quand il n’en a pas que lorsqu’il en
a. |
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Toujours est-il qu’en 1947, le jeune Byron, âgé de 19 ans et qui
vivotait en travaillant comme mitron (être français dans ces années
là à Pondicherry n’assurait nullement la richesse) s’est engagé sous
les drapeaux pour défendre les intérêts coloniaux hexagonaux en
Indochine, plus précisément au sud Vietnam.
Ayant peu fréquenté l’école, sa connaissance du français se résumait
alors à quelques mots prononcés avec un tel accent tamoul qu’ils en
étaient incompréhensibles. Mais, nous dit-il, ce ne fut pas un
problème, dans son régiment du Corps Expéditionnaire Français en
Extrême Orient, seuls les gradés venaient de la métropole, les
autres, mélange d’africains, d’asiatiques et de malgaches, ne
parlaient pas plus la langue de Molière que lui et quand le chef
(désolée mais je m’embrouille dans les grades) voulait ordonner
d’ouvrir le feu, il mimait en faisant « taca-taca-taca-tac ». |
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Il se souvient des attaques, des tirs, des copains morts, blessés,
amputés.
Il se souvient aussi de ces familles vietnamiennes qu’il a sauvées,
simplement, juste en criant à son chef « Ici, y a personne ! » alors
qu’il voyait des malheureux, tremblant d’effroi, se terrer dans un
abri. |
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Le 9 mai 1952, cinq ans déjà qu’il crapahute dans les jungles
indochinoises, il est en première ligne lors d’une attaque contre
les soldats de la ligue pour l’indépendance du Viêtnam. L’air âcre
pique les yeux, la chaleur est intenable, même pour l’enfant de
Pondicherry, les hommes sont épuisés, en face l’ennemi, increvable,
acharné (il se bat pour sa propre liberté), attend son heure pour
fondre sur les rangs français. Au signal du gradé les soldats
tricolores de la deuxième ligne lancent les grenades sur la ligne
des viets, l’un d’entre eux rate son coup, et le projectile explose
sur la première ligne. Byron se souvient d’un éclair éblouissant et
d’une énorme claque assénée sur sa tête, si forte qu’il s’écroule
sur le sol, au milieu des ténèbres qui, désormais, seront siennes,
pour toujours.
Un liquide chaud se répand sur son visage, il vient de ses yeux. |
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Revenu à lui, il appelle ses compagnons, nul ne répond et il
comprend alors ce que ses yeux aveugles ne peuvent voir. Il est le
seul survivant, et les larmes se mêlent au sang, ces mêmes larmes,
qui, maintenant coulent doucement devant nous.
Si les opposants l’attrapent, il sera torturé, affamé, tué à petit
feu pendant des jours, les soldats ont plus peur d’eux que de la
mort.
Alors, à tâtons, il sort une grenade de sa ceinture, la tient contre
son ventre, sa main prête à tirer la goupille.
Mais l’ennemi, dérouté par cette attaque, pourtant en partie ratée,
a pris la fuite, et ce ne sont pas les hommes du Viêt Minh qui
arrivent à travers les hautes herbes, mais la deuxième ligne du
Corps Expéditionnaire.
Byron est sauvé, vivant, mais aveugle. Il a 23 ans.
Il est hospitalisé sur place, puis, quelques jours plus tard un
avion doit l’emmener dans un autre hôpital, à Paris. Les copains lui
font la fête, et il est prêt à embarquer quand arrive un contre
ordre, un soldat plus gravement blessé est prioritaire, lui, ne
partira que la semaine suivante.
Et le vieux Byron se met à rire « J’ai eu de la chance, l’avion
s’est écrasé ! »
La vie joue de ces tours parfois !
Il est rentré au pays, il a été décoré, fêté, honoré.
Il s’est marié et à eu une ribambelle d’enfants qu’il n’a jamais pu
voir.
Alors la guerre, il ne veut plus en entendre parler, jamais, nulle
part. |
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