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26.05.2007

1961: les vacances en Corse

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Le gros bateau qui nous emmène en Corse s’appelle le Napoléon. Orgueilleux de ses bois vernis et de ses cuivres brillants, il croise fièrement vers l’île de Beauté. Sur le pont éclaboussé de soleil, grisée par la brise marine et ma poupée sous le bras, je découvre l’infini de la mer, ses roulis et ses tangages, la dentelle blanche de l’écume, la plongée du ciel dans la mer, tout là bas, à l’horizon. Je suis aussi très préoccupée par la disparition du chien de nos voisins de transats qui a profité d’un moment d’inattention de leur part pour prendre le large, trainant sa laisse derrière lui.

Ces vacances seront une bulle de bonheur, scintillante et pure, que nul souci n’entachera et dont l’enchantement marquera à jamais ma mémoire.

Mes parents, sont jeunes, amoureux, ils découvrent le monde avec curiosité et enthousiasme, le même enthousiasme qu’ils portent à leur profession d’instituteurs, convaincus qu’ils sont de l’importance de leur rôle.

Annie et moi sommes deux fillettes adorables, par la suite, les tourments de l’adolescence aidant, il parait que nous deviendrons des pestes, mais ce temps là est encore loin et pendant cet été corse,  je n’ai que deux héros : mon papa qui sait plonger la tête la première et marcher au milieu des chardons et ma maman qui chante « Au gai vive la rose » et « Perrette était servante ». Pour ma part je passerai mes vacances à entonner gaiement et à tout bout de champ « Napoléon est mort à Sainte Hélène, son fils Léon lui a crevé le bidon », faisant preuve à la fois d’un total manque de tact, d’une absence notable de sens poétique, mais d’un goût de la provocation déjà développé. Mes parents m’intimeront souvent de me taire, rien n’y fera je m’accrocherai à la rengaine avec toute l’énergie de mes 5 ans.

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La Corse que nous découvrons est une perle, une beauté encore farouche à l’image de Colomba, dont l’histoire, lue des années plus tard, me ravira.
Dans le maquis embaumé des senteurs de plantes sauvages, les lézards dorment sur les pierres, chaudes bercés par les chants de cigales et les ânons gris lourdement chargés transportent des victuailles vers les fermes isolées, loin dans la montagne.
Et puis, pendant  notre absence l’un d’entre est entré dans la tente et a dévoré notre déjeuner de quelques coups de dents maladroits, qu’est-ce qu’on a rigolé !
J’apprends à nager, à tourbillonner dans l’eau transparente des criques. Le tourisme de masse n’ayant pas encore envahi l’île nous sommes souvent seuls sur de splendides plages, désertes et ombragées par des pins parasols.
La 403 flambant neuve épouse les courbes des petites routes sinueuses qui surplombent la côte, je guette les tours sarrasines dont le nom me fait rêver.
Pour notre grand joie mon papa imite très bien l’accent corse et nous rions à n’en plus finir.
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Nous sommes heureux, incroyablement heureux, de partager des joies simples : prendre un bain, sauter dans les vagues, regarder sous l’eau avec un masque, pique-niquer dans une forêt de chênes-lièges et s’amuser parce que « l’écorce » et « les corses ».


Mes parents sont gais et détendus, ils savourent ces vacances baignées de soleil qui effacent leurs enfances ponctuées par les sirènes d’alarme qui annonçaient les bombardements, les heures d’attente dans les caves en serrant les doigts pour retrouver la maison intacte, le violent impact des bombes qui tuaient aveuglément, le pas lourd des allemands en patrouille résonnant la nuit dans les rues désertées, les cohortes de réfugiés tirant derrière eux de misérables charrettes où ils avaient entassé quelques biens, les tickets de rationnement, le froid de l’hiver, les galoches trouées, la peur, la lâcheté des uns et l’héroïsme des autres.

Les années noires s’éloignent et en ce début des années soixante, il n’y a pas que mes parents qui sont heureux. On respire. On travaille. On part en vacances. La société de consommation est en marche, mais l’on est encore méfiant, on ne gaspille pas, on préfère, justement, goûter d’une tartine de pain avec un carré de chocolat Poulain que d’un paquet de Paille d’Or. Un sou est un sou, on sait ce qu’il en a coûté de le gagner.
Et Dalida vante les mérites de l’ «Itsy bitsy petit bikini».

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Oh, bien sûr, tout n’est pas rose, en octobre pour protester contre le couvre-feu discriminatoire qui leur était imposé, des Algériens de la région parisienne organisent, avec femmes et enfants, une manifestation pacifique, à deux pas du palais de l’ Élysée et de l’Assemblée nationale. Le général de Gaulle donne carte blanche à Maurice Papon pour interdire la manifestation et la disperser par tous les moyens.
Des dizaines de manifestants sont jetés dans la Seine.
L’Humanité est saisie pour avoir dénoncé la répression.
Bien qu’informés par les journaux des excès de la répression, l’opinion publique, les syndicats et les partis, y compris de gauche, restent sans réaction.
Et Puis à Berlin on élève un mur, de pierres et de barbelés, surmonté de miradors d’où des soldats n’hésiteront pas à tirer sur qui tentera de le franchir.

Le reste du monde va comme il va. On est peu informés.

Moi, j’ouvre sur la vie des yeux émerveillés.
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A vous :
Les plus belles vacances de votre enfance ?
Des souvenirs de 1961 ?

Commentaires

Toujours ravi de vous lire dans ses évocations communes de notre génération, des souvenirs que nous ne savons pas toujours visionner par l’écrit, vous savez bien le faire à notre place.

De commun de ce brin d’enfance la 403 de mon papa. Je suis né en 1961, je devais avoir 7 ou 8 ans quand cette 403 est entrée dans notre cours succedant à une traction Citroën noire bien-surs. Peut-être une occasion achetée à votre papa qui sait !! Je me souviens, moi le garçon que l’essence se mettait dans un des feux arrières, je me souviens du volant beige, tu tableau de bord clair.
Nous étions une famille nombreuse et de la répartition générationnelle pouvant embarquer, nous étions souvent 5 derrière à se disputer les côtés portes. Les « ça suffit derrière » criard de ma mère nous transformaient tous en de fabuleux délateurs. Nos loisirs, nos vacances c’était les bords de l’Allier.
Maman étalait une grande couverture, nous déballions un panier de victuailles, le plus jeune (car pendant des années, ce fut chacun d’entre nous) restait dans les bras de ma mère. Mon père gonflait péniblement des chambres à air noire de voiture pour nous garantir une flottaison sécurisée dans les 30 cm d’eau de la portion de rivière choisie par lui. Puis ce père nourricier partait solitaire avec sa canne à pêche, un peu plus loin, hors de portée de nos cris et de nos cailloux.
Je le voyais au loin, semblant dessiner sur l’horizon un long trait avec sa canne, dans le sens d’écoulement de la rivière, puis recommencer toujours ces lignes, consciencieusement, droite, suivant du regard la fuite impossible du bouchon. L’après-midi se passait ainsi, du conditionnel de nos jeux de rôle, au gâteau en partage de notre mère.

Nous revenions à la maison, un peu plus silencieux dans cette 403, sentant maintenant le sable souillé d’eau à l'odeur poissonneuse.Une toilette au jet d’eau froide, dans le jardin, debout dans une bassine d’étain, puis un entassement sur le canapé, devant la télé pour voir un Walt Disney, un Zorro et un western.

Merci Celeste de m’avoir donné envie d’évoquer

Ecrit par : Philippe68 | 26.05.2007

Tu transmets si bien le bonheur de tes vacances corses que l'envie de sauter dans les vagues me titille... Je suis émue par tes parents qui ont su vous confectionner une belle enfance, et des souvenirs si précieux.
Merci pour ce récit, et pour ces photos !
A bientôt.

Ecrit par : Fauvette | 26.05.2007

une formidable transmission de votre bonheur - de l'époque - j'aime le pain et le chocolat (enfin le chocolat il fallait le sucer sur le papier si le panier était resté dans le coffre au soleil) - vous étiez craquantes -
j'étais plus vieille - nous n'avions qu'une 203 - et pour l'Algérie nous étions un rien déchirés - mais l'ambiance d'époque était la même

Ecrit par : brigetoun | 27.05.2007

une lecture qui bouleverse... une écriture déliée et élégante...
vous devez être remplie d'amour ...
une belle personne que j'aimerai connaître

Ecrit par : lorinde | 27.05.2007

Mon plus beau souvenir de vacances remonte au début des années quatre-vingt. Je devais avoir sept ou huit ans. A l'époque mon père conduisait une renault jaune et aimait revêtir un blouson marron dont jean-paul belmondo faisait la promotion dans ses films. Ma mère était très préoccupée par les cris de ma petite soeur et les gesticulations intempestives de mon frère.
En cette fin du mois de juillet, nous nous apprêtions à nous rendre au Maroc et j'étais heureux. Et pourtant, avec le recul, les rares souvenirs de ce voyage me plongent dans une nappe de mélancolie.

Ecrit par : mohamed | 27.05.2007

Quel bonheur de lire ce récit ,Celeste ! Quelle chance ,des vacances
avec des parents , au soleil , et avec tant d'attention pour vous ,les enfants !

Suis partie une fois en vacances ,l'école avait réussi à m'inscrire en "colonie ".
Suis donc partie trois semaines dans les Pyrénées , à faire des randonnées ,
à jouer et rire avec mes copines ! grand bonheur ! Y ai découvert le
théatre car nous faisons des soirées animées , musique , chant ,mime...
Nous avions donc avec nos monitrices monté une petite pièce , jouée un soir ,
je découvrais les mots ,leur pouvoir ,et l'émotion de la scène...Emouvant...
De ces vacances formidables je garde aussi le souvenir de la nature
si belle ,de toutes ces fleurs sauvages que je ne connaissais pas , des parfums,
des sentiers parcourus pendant des heures et puis la vue sur la vallée ,tout d'un coup l' impression d'être loin de tout ,le silence ,la beauté de la vallée ,des pics....
Très beaux souvenirs !

Ecrit par : Vic | 27.05.2007

pas de souvenirs de 1961, et pour cause, ma mère avait ...7 ans.
Mes plus belles vacances, je crois sont celles que nous avons passé en camping, sur un point (Palavas, peut être) de la côte méditerranéenne. Je dors dans la caravane de mon frère aîné, c'est la première fois que je quitte mes parents, ils sont dans la tente à côté, c'est l'aventure... Je n'ai pas encore 6 ans.
Je me souviens très bien du chocolat, qu'on glissait dans le pain puis dans l'alu, et que je mangais rôti au soleil. J'ai aussi des souvenirs de grand bain dans la piscine, où je n'avais pas le droit d'aller, mais que les copains de mon frère permettaient en douce, puisqu'ils se relayaient pour me surveiller.
Enfin, j'ai la nette image du chien, Lotus, qui me réveillait le matin en battant de la queue sur le lit.
c'est si loin déjà! La nette impression qui reste c'est cette liberté nouvelle, je suis autonome, il fait chaud, une kyrielle d'adulte autour de moi se passe le bâton de la surveillance, mais assez discrètement pour que je me crois seule. Oui, cette liberté, que je venais de découvrir, c'est ce dont je me souviens le mieux...

Ecrit par : fanny | 27.05.2007

@céleste,
Dimanche pluvieux qui pourrait être presque triste si...
Je laisse tomber mon roman -petite précision ; c'est pour moi un dimanche où je suis seule à buller dans la maison car mes hommes sont partis très tôt ce matin pour un tournoi qui les ramènera épuisés mais heureux de partager entre père et fils une activité physique et sportive que je leur laisse bien volontiers- pour me souvenir.
J'ai le souvenir d'un été en Corrèze avec mes grands-parents maternels. Je ne situe plus la date. Mais je dois avoir 11 ou 12 ans. C'est loin...
Nous sommes dans un hôtel "pension de famille", il y a une table de ping-pong, une piscine -déjà un luxe à cette période !-, un immense parc abrité par des arbres centenaires.
Nous flânions, nous faisions la sieste dans des grandes chaises longues mises à disposition des pensionnaires qui aimaient se retrouver là après sieste ou repas.
On entendait des rires d'enfants, des chuchotements.
Ca fait très cliché "Vacances à la Baule" mais ma mémoire est précise.
Mon grand-père a son chapeau de paille sur la tête, il somnole, parfois il chasse un insecte qui vient le taquiner pendant son sacro-saint congé annuel...
Ma grand-mère essaie de m'apprendre le point de croix et le crochet.
Malheureusement pour elle, je n'ai jamais été très douée.
Je préfèrais m'évader dans la lecture.
Je lisais tous les "Club des cinq" et les "Fantômette".
J'avais le droit à la BD de Caroline - avec sa queue de cheval et son chien- en BD.
Je me sentais aimée, chouchoutée. Mes grands-parents venaient me récupérer à l'internat où je vivais le reste du temps. Ma mère n'avait pas de temps pour s'occuper de moi -c'est une autre histoire-.
Hop ! Nous filions pour Saint Pardoux de la Croisille.
J'ai oublié la marque de la voiture de mon grand-père.
Elle était plutôt petite et la carrosserie reluisait.
Nous ne parlions pas beaucoup durant le trajet mais la douceur des mains de ma grand-mère qui caressait mes cheveux et le regard joyeux de mon grand-père dans le rétroviseur me couvrait d'amour et suffisait à me dire que j'étais aimée.
Arrivés à la pension, nous retrouvions la chambre qui était toujours la même. Elle donnait sur le parc en RDC. Ma grand-mère prenait ses marques tout de suite. Mon grand-père contemplait le parc de la fenêtre.
Il disait : "Alors ! On n'est pas bien ici !".
Ca me faisait rire.
Ma grand-mère rangeait les effets personnels de chacun sur les étagères de la vieille armoire de famille qui trônait au milieu de la chambre.
Il y avait une petite salle de bains avec un joli rideau en toile de Jouy qui cachait le dessous du lavabo. Il était bleu.
Mon lit -un lit d'une personne- était tout près de celui de mes grands-parents.
Ensuite, mon grand-père disait : "On va laisser Odette préparer la chambre. Ca te dirait d'aller faire un tour ?"
Ma grand-mère nous recommande de ne pas revenir trop tard car le dîner à servi à 19h30 précises -Pension de famille, oblige !-. Elle m'embrasse sur le front. "Tu as encore maigrie. Tu vas remplumer tout ça, dit-elle en me pinçant à la taille".
Je sors en tenant mon grand-père par la main. Je suis fière d'avoir des grands-parents comme eux. Mon grand-père met son index devant sa bouche. "Chut !" Il vient de voir un coucou dans un arbre.
Je ne bouge plus. Je ralentis ma respiration.
Je reste sagement à admirer ce merveilleux spectacle avec cet homme que j'aime infiniment.
Pendant longtemps, j'ai eu ma boîte à souvenirs dans laquelle j'avais enfoui mes souvenirs d'enfance. Une plume, un caillou, une carte postale.
Je l'ai perdue à l'occasion de nos nombreux déménagements. J'ai eu de la peine. Je l'ai cherchée longtemps. En vain.
Mais les souvenirs ne sont jamais si proches et si forts qu'au chaud dans notre mémoire et notre coeur.
A Odette et Roger, qui je l'espère, même si je ne crois pas en Dieu ni au diable veillent sur ma fille.

A Céleste, des gros bisous de son amie qui sait pourquoi elle l'a aimée très vite.

Ecrit par : corinne | 27.05.2007

En 1961, Céleste, comme tu sais, mes parents étiaient encore des gamisn en culotte courte. Ce n'est que quelques années plus tard que ma mère a décidé que le jour ou elle aurait une fille, elle l'appelerait Sophie.
Mes plus belles vacances, ce sont sans doute des souvenirs de flirts au bord de la plage alors je vais raconter les premières vacances dont je me souvienne.
1974, mes premières vacances en métropole, puisque je suis née sur une île du Pacifique qu'on appelle aussi "le Caillou".
Mes premières vacances avec mes grands-parents paternels, fiers et un peu bourrus. Dans un camping, ma grand-mère, embarrassée, me retrouve à 4 pattes, en train de jeter un oeil sous la toile de tente d'une famille africaine. Elle explique que je les ai sans doute "reconnus".
Et puis, en 1976, nous sommes en vacances en Normandie, à quelque pas de mes parents et de mon petit frère, dans une ferme. Je me souviens de bols de lait tiède qui déposent une mousse blanche au-dessus de mes lèvres, des vaches, moutons, porcelets que je n'ai jamais vus sur mon île tropicale. Sur les photos, je porte un petiti gilet orange et je suis déjà très complice de ce petit frère qui est aujourd'hui mon coloc.

Ecrit par : Fiso | 27.05.2007

Cet été 1961, c'est une date qui me parle: le 17 juillet, j'ouvrais les yeux pour la première fois dans une maternité strasbourgeoise...
Mais des souvenirs de vacances en forme de Madeleine, j'en ai au pied des volcans d'Auvergne, où mes vacances d'enfant se sont ancrées.
Mon plus beau souvenir, toutefois, c'est la découverte de l'Irlande, à 13 ans, en roulotte!
J'en ai gardé une nostalgie de la vie en roulotte, une initiation précoce à l'Irish coffee, et toujrous le même frémissment quand j'entends ces musiques, de Planxty aux Chieftains ou aux Pogues :-)
Sinon, je conseille à tous ceux qui iront en Corse de faire une étape, début août, à Olmi Capella en Balagne, le village de Robin Renucci, où il organise ses formidables rencontres théâtrales mêlant amateurs et professionnels dans un care qui n'a pas été envahi par le tourisme.
C'est toujrous un plaisir de te lire, Céleste...

Ecrit par : valdo lydeker | 27.05.2007

Elle est super la voiture... Et pi la Corse j'y suis pas encore allé, je veux y aller.

Des souvenirs de vacances avec les parents, j'en ai beaucoup, pas des bons, je n'aimais pas être avec eux, je m'ennuyais. Gageons qu'avec le temps, ce qui à l'époque étaient des choses pénibles à vivre (alors qu'en absolu c'était génial) deviendront vite des bons souvenirs : il faut grandir. C'est aprés qu'on voit que certaines choses nous manquent.

Ecrit par : Falconhill | 28.05.2007

Bonjour à tous,

1961 fut l'année de mon entrée en sixième, c'est aussi l'année où je découvris Paris, le métro, les bus Renault à plate-forme, un Versailles froid et dénudé et les portes coulissantes de l'aéroport d'Orly à ouverture automatique, qui firent mon émerveillement...
En fait, Paris me déçut énormément car je l'avais imaginé tel que dans les films de cape et d'épée, alors en vogue, et ce n'est que bien plus tard que je devais apprécier cette ville aux mutiples facettes et chargée de tout notre passé commun.
Quant à la Corse, bien sûr que je la connais : ma mère étant originaire de l'extrêmité nord de l'île, je venais y passer presque trois mois chaque été et cette plongée dans le giron familial, dans un contexte si particulier que je ne saurais décrire en quelques lignes, me ressourçait et me galvanisait pour le restant de l'année.
En 1961, je me souviens que notre seul luxe était l'électricité, uniquement pour l'éclairage, mais pour autant les dîners à la lampe à pétrole étaient fréquents, vu l'aversion du rachétique réseau électrique pour les violentes bourrasques qui prenaient un malin plaisir à se manifester, juste pour compromettre nos baignades et modestes périples en barque. Pour conserver les aliments, la cave se chargeait des fromages, beurre, viandes et huiles, tandis que le grenier, voire une pièce réservée à cet usage, accueillait les fruits, secs ou frais. Une de nos attributions de gamins consistait à amener au logis notre part du mince filet d'eau de la fontaine, dont le murmure semblait nous dire : "Ne prenez pas plus qu'il ne vous faut, sinon vous n'aurez plus rien.' Puis, le soir venant, nous allions chercher le lait de vache ou de chêvre encore chaud, directement chez le berger. Les ânes commençaient déjà à se faire rares, et c'est avec le plus frands plaisir que nous caressions et nourrissions ces animaux si intelligents et affectueux. Voilà, mis à part ces quelques petites corvées apparentes, toute la vie semblait nous appartenir et cela nous semblait encore bien trop peu pour la remplir des bêtises et mauvais tour que nous ne cessions d'inventer, au dépens et au grand désespoir de nos aînés.

Ecrit par : Pierre | 28.05.2007

Merci à toutes et tous pour votre fidélité et vos écrits; c'est un plaisir de vous lire et de partager ces souvenirs.

@philippe 68
c'est vrai, on mettait l'essence de la 403 par le feu arrière, celle de mon père avait le "Coupleur Geiger" je n'ai jamais su ce que c'était, mais lui en vantait souvent les mérites..
Nous venons presque de la même région, pour moi c'était le bas Berry, le sud de l'Indre (Argenton sur Creuse, Saint Benoît du Sault)
J'aime beaucoup la description du pique nique, elle me fait pense à une chanson que j'adore : "Les cornichons" de Nino Ferrer. joies familiales et bonne humeur...
Vous faisiez partie d'une famille nombreuse: j'en rêvais. Des cousins de ma mère avaient neuf enfants et j'adorais aller chez eux.

@Fauvette
j'ai de ce séjour en Corse un souvenir ébloui. J'y suis retournée longtemps après, avec un grand plaisir, mais aussi un peu de déception, j'avais changé, la Corse aussi, même si elle reste superbe dans certains endroits.


@brigetoun
c'est vrai que l'époque n'était pas seulement à la rigolade.
Le chocolat fondu léché sur le papier d'alu, miam...


@Vic
merci. quand j'étais enfant (après 10 ans) j'avais très envie d'aller en colonie, j'en rêvait, mais je n'y suis jamais allée.
par contre à 20 ans j'ai été monitrice dans un camp d'ados, dans les Pyrénées, justement. J'avais beaucoup aimé. comme vous, la nature, les rhododendrons, la marche en montagne avec des ados qui trainaient la jambe, et les animations le soir.


@Fanny
j'ai fait beaucoup de camping avec mes parents, d'abord en tente puis en caravane. J'en ai aussi fait avec mes enfants.
j'aime beaucoup de ce sentiment de liberté qu'on les enfants pendant ce type de vacances; mes parents allaient toujours dans des campings du GCU (Groupement des campeurs universitaires) autrement dit, il n'y avait que des enseignants et l'association fonctionnait comme une coopérative, tout le monde devait participer.
donc, évidemment, avec tous ces profs et instits, les enfants étaient toujours tenus discrètement à l'oeil, donc mes parents nous laissaient une belle liberté de mouvement.


@Corinne
très beaux souvenirs, pleins de tendresse, maintenant que je te connais (et que je connais Maxime), je peux même t'imaginer
Les "club des cinq" lus, relus et encore relus.
les enfants les lisent-ils encore ou sont-ils passés de mode?



@Fiso
Ah.... les premiers flirts de vacances, inoubliables.
Le petit gilet orange, c'est fous comme certains détails nous restent en mémoire, de façon indélébile



@Valdo
Nous allions skier à la Bourboule et Mont D'or. je m'en souviens bien.
et puis nous avions fait des voyages scolaires sur ces fameux volcans.
Très intéressant le festival de Robin Renucci, belle initiative. c'est bien comme ça que je conçois la culture.


@Falconhill
c'est vrai, c'est souvent avec le recul que les bons souvenirs arrivent.
tu étais fils unique?


@Pierre
Ta découverte de Paris me rappelle la mienne, vers 8 ans. J'ai un souvenir très précis des portes coulissantes d'Orly que nous étions allés visiter, fiers de cette belle réalisation.
Par contre je n'ai pas été déçue par Paris, mais impressionnée, tout me surprenait: le métro et ses banquettes en bois, son odeur inimitable, le bruit des portes se fermant, la foule sur les trottoirs, les grands magasins, les places avec les installations pour les marchés, et tellement d'autres choses.
et comme je n'ai jamais vécu à Paris, qu'elle reste pour moi une ville de vacances, je dois dire que je ressens toujours la même curiosité, la même joie à y séjourner.
Durant ces vacances en Corse de 1961, nous avions campé dans la montagne, près de villages perdus. Je me souviens des femmes en noir, du manque d'électricité, de la vache à eau remplie à la fontaine du village.
nous venions de la campagne berrichonne, et mes parents étaient surpris, certains villages leur avaient semblé très reculés dans le temps.


@Lorinde
merci.
ton blog corse est très intéressant.


@Mohamed
merci de ta visite
ah, le blouson marron de Bébel, toute une époque!
ça ne devait pas être si facile, ces vacances au maroc pour un enfant élevé en France, dans une culture différente.

Voili voilou

Ecrit par : céleste | 28.05.2007

Beaux souvenirs, c'est vrai. J'avais été malade sur le Napoléon, on avait dormi dans un hôtel à Nice près du port, je crois... tout un événement.

Je me souviens des ânons, des chardons, des femmes en noir, d'une omelette au basilic dans une auberge en haut du col de ???, je me souviens de ces villages perchés et du camping sauvage, de la toile cirée, de la vache à eau qu'il fallait aller remplir, et de l'eau transparente dans laquelle j'ai appris à nager sans bouée...

Après, il y a eu la caravane...

Ecrit par : Annie | 28.05.2007

Alors, moi, en 1961, je n'étais pas né.

C'est l'année de naissance de mon plus jeune oncle, qui est parti lundi dernier.

1961, c'est aussi, merci de le rappeler, les crimes odieux commis en octobre, avec, selon ce qui figure aux archives, 74 corps retrouvés (tués par noyade dans la Seine, par balles ou des suites des violences policières sur ordre de Maurice Papon) et 66 a jamais disparus.

Jean-Luc Einaudi, historien et auteur de "La Bataille de Paris", a témoigné au procès de Maurice Papon :

"Des témoins font état du caractère absolument pacifique de cette manifestation [...]. A la hauteur du cinéma Rex, les policiers ouvrent le feu. Là, des Algériens sont tués par balles [...]. Au pont de Neuilly, la police ouvre également le feu, des gens sont tués et puis on voit des policiers jeter à la Seine des personnes raflées [...] Plusieurs policiers, en état de choc, se présentent au siège du journal France-Observateur et disent au rédacteur en chef Claude Bourdet, une grande figure de la Résistance puisqu'il fut le fondateur de "Combat" avec Henri Frenay, que 50 Algériens viennent d'être tués dans la cour de la préfecture de police et que leurs corps ont été ensuite jetés à la Seine [...] Le bilan officiel serait de 3 morts [...]. Je pense, après les recherches que j'ai pu faire, qu'il y a eu durant cette période un minimum de 200 morts, vraisemblablement environ 300."

Bon, concernant mes plus belles vacances, ce ne sont pas les plus lointaines. Elles étaient chez mes grands parents, dans les Landes, et chaque fois que j'y retourne, je redeviens enfant.

Ecrit par : Bruno Lamothe | 29.05.2007

Céleste,
Oublié de te dire : tu as les mêmes yeux pétillants et le même sourire. On te reconnaît vraiment sur la photo :)

Ecrit par : Fiso | 29.05.2007

@Celeste : à ta réponse, non. Mais ce fut comme si.

Sinon les photos sont magnifiques, avec ces couleurs qui sentent bon le temps passé. Non, il est beau ton texte.

Ecrit par : Falconhilll | 30.05.2007

@Celeste : à ta réponse, non. Mais ce fut comme si.

Sinon les photos sont magnifiques, avec ces couleurs qui sentent bon le temps passé. Non, il est beau ton texte.

Ecrit par : Falconhilll | 30.05.2007

Bonsoir céleste, je t'ai proposé un questionnaire sur mon blog. Bien à toi.

Ecrit par : mohamed | 30.05.2007

@Annie

c'est marrant je ne me souvenais pas que tu avais été malade sur le Napoléon. Je me souviens très bien de l'omelette, mangée sur une table en bois au milieu d'une forêt d'immenses chênes lièges.


@Bruno
merci pour ces précisions historiques; cet horrible évènement, passé inaperçu, a ensuite été enterré dans l'oubli.


@merci Fiso et Falconhill


@Mohamed
Merci pour cette proposition; je vais le faire, avec plaisir, mais j'ai besoin d'un peu de temps

Ecrit par : céleste | 31.05.2007

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