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01.11.2008

1965, le jour des morts


C’est la Toussaint et il fait froid. Un froid piquant qui s’immisce sous ma jupe plissée et rougit mes genoux.
Les sombres gravillons de l’allée du cimetière crissent sous nos pas. Ma grand-mère dépose des hortensias sur les tombes. Aigurande est le berceau de ma famille paternelle. Ils y sont tous enterrés : les parents, les frères et sœurs déjà disparus, les oncles, les tantes. Des dizaines de personnes que je n’ai jamais connues, dont je me fiche complètement mais à qui, chaque année, nous dédions ce rituel.
Le jour des morts.
Tandis que ma grand-mère émet des remarques désobligeantes sur le peu de soin apporté à certaines tombes « Si c’est pas malheureux »...

 

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28.10.2007

La télé et moi

 

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Flânant ce matin sur quelques blogs choisis, j’ai laissé, coïncidence, deux commentaires sur la télé.
Sur l’un j’ai réagi à la photo d’un coin du feu convivial qui m’a fait penser aux veillées d’antan de nos aïeux campagnards.
Quand l’hiver, les voisins et amis se réunissaient devant la cheminée pour y griller des châtaignes en sirotant la piquette locale et que le conteur attitré ou improvisé enchantait l’assistance de ses récits. On discutait des petites choses quotidiennes, les semailles, la rigueur du temps, les nouvelles des uns et des autres (ça devait médire aussi). Parfois l’un ou l’autre jouait un air d’accordéon, de violon ou de vielle et l’on chantait.

 

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26.05.2007

1961: les vacances en Corse

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Le gros bateau qui nous emmène en Corse s’appelle le Napoléon. Orgueilleux de ses bois vernis et de ses cuivres brillants, il croise fièrement vers l’île de Beauté. Sur le pont éclaboussé de soleil, grisée par la brise marine et ma poupée sous le bras, je découvre l’infini de la mer, ses roulis et ses tangages, la dentelle blanche de l’écume, la plongée du ciel dans la mer, tout là bas, à l’horizon. Je suis aussi très préoccupée par la disparition du chien de nos voisins de transats qui a profité d’un moment d’inattention de leur part pour prendre le large, trainant sa laisse derrière lui.

Ces vacances seront une bulle de bonheur, scintillante et pure, que nul souci n’entachera et dont l’enchantement marquera à jamais ma mémoire.

Mes parents, sont jeunes, amoureux, ils découvrent le monde avec curiosité et enthousiasme, le même enthousiasme qu’ils portent à leur profession d’instituteurs, convaincus qu’ils sont de l’importance de leur rôle.

Annie et moi sommes deux fillettes adorables, par la suite, les tourments de l’adolescence aidant, il parait que nous deviendrons des pestes, mais ce temps là est encore loin et pendant cet été corse,  je n’ai que deux héros : mon papa qui sait plonger la tête la première et marcher au milieu des chardons et ma maman qui chante « Au gai vive la rose » et « Perrette était servante ». Pour ma part je passerai mes vacances à entonner gaiement et à tout bout de champ « Napoléon est mort à Sainte Hélène, son fils Léon lui a crevé le bidon », faisant preuve à la fois d’un total manque de tact, d’une absence notable de sens poétique, mais d’un goût de la provocation déjà développé. Mes parents m’intimeront souvent de me taire, rien n’y fera je m’accrocherai à la rengaine avec toute l’énergie de mes 5 ans.

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La Corse que nous découvrons est une perle, une beauté encore farouche à l’image de Colomba, dont l’histoire, lue des années plus tard, me ravira.
Dans le maquis embaumé des senteurs de plantes sauvages, les lézards dorment sur les pierres, chaudes bercés par les chants de cigales et les ânons gris lourdement chargés transportent des victuailles vers les fermes isolées, loin dans la montagne.
Et puis, pendant  notre absence l’un d’entre est entré dans la tente et a dévoré notre déjeuner de quelques coups de dents maladroits, qu’est-ce qu’on a rigolé !
J’apprends à nager, à tourbillonner dans l’eau transparente des criques. Le tourisme de masse n’ayant pas encore envahi l’île nous sommes souvent seuls sur de splendides plages, désertes et ombragées par des pins parasols.
La 403 flambant neuve épouse les courbes des petites routes sinueuses qui surplombent la côte, je guette les tours sarrasines dont le nom me fait rêver.
Pour notre grand joie mon papa imite très bien l’accent corse et nous rions à n’en plus finir.
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Nous sommes heureux, incroyablement heureux, de partager des joies simples : prendre un bain, sauter dans les vagues, regarder sous l’eau avec un masque, pique-niquer dans une forêt de chênes-lièges et s’amuser parce que « l’écorce » et « les corses ».


Mes parents sont gais et détendus, ils savourent ces vacances baignées de soleil qui effacent leurs enfances ponctuées par les sirènes d’alarme qui annonçaient les bombardements, les heures d’attente dans les caves en serrant les doigts pour retrouver la maison intacte, le violent impact des bombes qui tuaient aveuglément, le pas lourd des allemands en patrouille résonnant la nuit dans les rues désertées, les cohortes de réfugiés tirant derrière eux de misérables charrettes où ils avaient entassé quelques biens, les tickets de rationnement, le froid de l’hiver, les galoches trouées, la peur, la lâcheté des uns et l’héroïsme des autres.

Les années noires s’éloignent et en ce début des années soixante, il n’y a pas que mes parents qui sont heureux. On respire. On travaille. On part en vacances. La société de consommation est en marche, mais l’on est encore méfiant, on ne gaspille pas, on préfère, justement, goûter d’une tartine de pain avec un carré de chocolat Poulain que d’un paquet de Paille d’Or. Un sou est un sou, on sait ce qu’il en a coûté de le gagner.
Et Dalida vante les mérites de l’ «Itsy bitsy petit bikini».

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Oh, bien sûr, tout n’est pas rose, en octobre pour protester contre le couvre-feu discriminatoire qui leur était imposé, des Algériens de la région parisienne organisent, avec femmes et enfants, une manifestation pacifique, à deux pas du palais de l’ Élysée et de l’Assemblée nationale. Le général de Gaulle donne carte blanche à Maurice Papon pour interdire la manifestation et la disperser par tous les moyens.
Des dizaines de manifestants sont jetés dans la Seine.
L’Humanité est saisie pour avoir dénoncé la répression.
Bien qu’informés par les journaux des excès de la répression, l’opinion publique, les syndicats et les partis, y compris de gauche, restent sans réaction.
Et Puis à Berlin on élève un mur, de pierres et de barbelés, surmonté de miradors d’où des soldats n’hésiteront pas à tirer sur qui tentera de le franchir.

Le reste du monde va comme il va. On est peu informés.

Moi, j’ouvre sur la vie des yeux émerveillés.
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A vous :
Les plus belles vacances de votre enfance ?
Des souvenirs de 1961 ?

11.03.2007

1960

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Les matins de juin, quand mon père attend ses élèves en haut des trois marches qui montent à sa classe, un rayon de soleil arrive jusqu’à lui. Tellement pris par ses pensées que parfois il semble parler tout seul, il regarde sans les voir les enfants qui arrivent peu à peu de leurs hameaux lointains.
Ils sont venus à pied ou à vélo, traversant la campagne silencieuse. Ils sentent le lait, la crotte et le foin. Leurs joues sont rouges et leurs mains rugueuses.
En attendant le coup de sifflet qui marque l’entrée en classe, des petits groupes se forment, les garçons occupant le côté gauche de la cour, les filles le côté droit. Cette répartition géographique n’est pas due au hasard mais à l’emplacement des cabinets, ceux des filles sont à droite, ceux des garçons à gauche. Ceux des filles sont plus récents, plus propres et l’odeur qu’ils dégagent nettement moins corrosive que celle qui émane de ceux des garçons.

Annie, maman et moi, descendons dans la cour au dernier moment, avant, en attendant les vigoureux coups de brosse que ma mère donne à mes cheveux courts pour les discipliner – Madeleine la coiffeuse à déjà coupé mes boucles blondes – par la fenêtre du cagibi, j’ai regardé la cour se remplir. Je reste le nez collé à la vitre, observant d’en haut ces enfants dont beaucoup, surtout les garçons du certificat d’études, me font un peu peur.

Il faut dire que j’ai quatre ans. Je passe mes journées assise au fond de la petite classe, celle de ma mère, que je n’ose pas appeler maman devant ses élèves. Je fais des puzzles en bois, mon préféré représente une locomotive rouge qui crache de la fumée, j’enfile des perles colorées pour faire des colliers, avec la pâte à modeler je fabrique des escargots et des bonshommes qui tiennent difficilement en équilibre sur leurs grosses jambes, je passe patiemment un galon dans les trous d’un carton pour suivre les contours d’une poire jaune ou je copie des lettres dans un cahier à grosses lignes.
Ma mère ne s’occupe pas de moi, elle a une vingtaine d’élèves répartis sur trois niveaux et mène sa classe avec autorité et efficacité, on n’est pas là pour rigoler !
Je conçois probablement une vive jalousie à l’égard de ces bambins mal dégrossis qui me ravissent l’attention de ma génitrice car un soir, alors qu’elle corrige ses cahiers, assise à son bureau dans la classe désertée, mais encore imprégnée de l’odeur aigrelette des enfants mêlée à celles de la craie et de l’encre violette, et que, sa longue baguette en bois dans la main, je m’amuse à l’imiter en faisant une leçon de lecture à des élèves imaginaires, ma mère s’aperçoit que je sais lire. Tellement désireuse d’exister parmi tous ces concurrents en culottes courtes, j’ai concentré toute mon énergie sur cet apprentissage, essentiel à ses yeux. Le mécanisme de la lecture s’est si vite et si bien imprimé dans mon cerveau enfantin qu’il me semble avoir toujours su lire.
Dans mon livre préféré, un lièvre vagabond portant une redingote froissée, l’oreille pendante et les yeux tristes, se présente un soir à la porte d’une famille de lapins. Il demande l’hospitalité.
«- Ce n’est pas possible, répond papa lapin, nous sommes neuf, la maison est pleine comme un œuf !
-    Oooooohhhh, soupirent la maman et les petits, déçus.
-    Mais, dit papa lapin, vous pouvez dormir dans le jardin."
Le lièvre remercie et s’installe sous un arbre, de la fenêtre, les enfants lapins le regardent. Puis l’aîné lui apporte un oreiller, et un autre une couverture.
Mais voilà qu’un orage se lève, la couverture s’envole, la pluie dégringole sur le malheureux et les petits se désolent.
Alors papa lapin ouvre la porte et, à la satisfaction  générale, invite le grand lièvre en redingote à dormir devant la cheminée.
Au matin, l’invité a disparu, mais sur la cheminée, bien alignés, il a laissé neuf petits paniers emplis de bonbons.

Et moi, à chaque fois que je relis cette histoire, c'est-à-dire plusieurs fois par jour, je me dis que quand je serai grande, ma porte sera toujours ouverte pour les vagabonds aux yeux tristes.

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Et vous, qui passez sur ces pages, vous souvenez vous de vos premiers livres?

20.02.2007

Premier souvenir

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C’est dans une chambre inconnue, la fraîcheur d’un carrelage sous mes pieds nus, l’odeur de la poudre de riz, son nuage rose.
C’est le goût amer d’un bâton de rouge à lèvres dérobé sur une commode.
C’est léger, rapide, fugitif, c’est une sensation, une image qui s’anime et disparaît.

J’ai trois ans et nous sommes en vacances quelque part sur la côte atlantique. Mes parents ont loué pour un mois un appartement dans une villa qui s’appelle « Le Yoyo ». De l’autre côté du couloir, s’est installée pour l’été une autre famille, avec deux petites filles, comme Annie et moi.
Guidées par l’aînée des fillettes, nous nous sommes glissées dans la chambre de leurs parents et nous jouons avec les produits de beauté.
Nous nous tartinons de rouge à lèvres.
Nous soufflons dans la poudre de riz.
Nous nous aspergeons d’eau de Cologne.

Mais, alertés par nos rires, les parents font irruption. Ma maman n’est pas contente, elle nous gronde et nous ramène prestement chez nous.

Dans le jardin, suspendue à un arbre, il y a une balançoire, et, fière de mon exploit, je me tiens debout sur l’escarpolette, pliant les genoux pour aller toujours plus haut, le corps arqué, les mains fermement agrippées à la corde. Je vole.

Dans la journée nous allons à la plage. Le matin, l’océan est au loin et nous jouons dans les flaques d’eau qu’il a abandonné sur le sable humide. J’ai un seau plastique que je m’acharne à remplir, nantie d’une petite pelle. Puis je transporte mon butin quelques mètres plus loin et déverse son contenu avant de recommencer, inlassablement.

L’après-midi, sur la plage devenue toute petite, l’océan rugit et ses vagues se fracassent lourdement, provoquant des nuages d’écume.
J’ai peur et me garde bien de m’approcher de cet étrange monstre mouvant et bruyant.
Ma peau claire supporte mal le soleil, je suis toute rouge, puis couverte de minuscules boutons qui me démangent, alors ma mère me badigeonne de crème et après le sable colle à ma peau et c’est encore pire qu’avant.

En fin d’après-midi nous nous promenons en ville, et là, merveille des merveilles, il y a un manège.
Mon premier manège.
Dignement assise dans une voiture, emportée par les flonflons, étourdie par le mouvement, je ne vois pas la queue du Mickey qui danse devant mes yeux.
« Attrape, attrape ! » crient mes parents à l’arrière. Un tour de manège gratuit est la récompense et les autres bambins, y compris Annie, s’agitent frénétiquement pour décrocher ce modeste trophée.
Tous sauf moi qui n’ai pas compris l’importance de l’enjeu.
Mais le Monsieur du manège, séduit par mes bouclettes blondes et ma mine angélique, a décidé de faire gagner. Constatant que ses manœuvres d’approche me laissent de glace, il quitte sa cahute, saisit la corde au bout de laquelle s’agite la queue du Mickey et me l’enroule autour du cou. Tout le monde rit. Moi aussi, par mimétisme et j’ai droit au tour gratuit. Mais pas ma sœur qui du haut de ses cinq ans manifeste si bruyamment son mécontentement devant telle injustice que papa doit acheter pour elle un second ticket.
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Et vous, votre premier souvenir?

22.01.2007

"Cinq choses que vous ne savez pas de moi" (5)

Nous avions quitté le port de Saint Jean Cap Ferrat vers la fin d’une belle matinée d’août.
Poussées par un vent paresseux et taquin qui soufflait par intermittence, nous avions tiré des bords d’un bout à l’autre de la baie.

Cécilia barrait, je contrôlais les voiles. J’avais appris à tirer sur les écoutes et à esquiver la bôme quand elle traversait vivement le pont.

Nous avions dormi au soleil et nagé dans l’eau limpide et douce d’une crique.Mangé du saucisson et bu du rosé frais. Parlé de tout, de rien et de nos vies.

Cécilia était mon amie. Elle avait chanté à l’Opéra de Nice et sur de nombreuses scènes françaises et internationales, mais sa carrière n’était plus au zénith. Elle n’avait, disait-elle, jamais voulu se plier aux diktats et aux petits arrangements que le cruel monde du spectacle impose trop souvent aux artistes. Je la croyais volontiers, Cécilia éprise de liberté, ne suivait pas les chemins tout tracés.

Sa route à elle, menait vers le large, les embruns, l’horizon étincelant qui dansait sous le soleil.

De sa gloire, elle avait gardé ce voilier, une petite merveille de teck blond, mouillant dans le port de Saint Jean et où elle passait une bonne partie de l’année.

Puis la nuit, qu’un quart de lune éclairait, sur nous était tombée et le vent,  doucement, s'en était  allé.

Nous clapotions.

Cécilia avait alors décidé de mettre le moteur en marche pour pouvoir regagner le port. Hélas, il refusa de démarrer . Puis la batterie déclara forfait et nous nous retrouvâmes dans l’obscurité. Seule la lampe de secours luisait à l’avant du bateau.

Nous nous assîmes sur le pont pour siroter un dernier verre de rosé et réfléchir mollement à la marche à suivre. Les flots étaient calmes et réguliers, mais nous ne pouvions rester ainsi, ballotées, seules dans l’immensité sombre de la mer.

C’est alors qu’une secousse venue des fonds marins ébranla le voilier qui se mit à tanguer et danser sur d’étranges vagues.

Puis une baleine, argentée sous la lune, jaillit à quelques mètres à bâbord.


Disparut pour reparaître à l’arrière du voilier.

Puis à tribord.

Encore à bâbord.

Joueuse, elle décrivait des cercles autour de notre esquif.

Et Cécilia, debout à l’avant du bateau, face à la mer, chanta.

 

« Voli l’agile barchetta, voga, voga, o marinar »

Dans la chaude nuit,  la baleine dansait, frôlant parfois le voilier qu’elle éclaboussait de gouttelettes scintillantes. Au loin, les feux artificiels de la Riviera, que la splendeur des étoiles éteignait, semblaient de petits points inutiles et dérisoires.

La voix de Cécilia, montant claire et pure vers le ciel, emplissait la nuit en une parfaite harmonie.

« Pallidetta é in ciel la luna, tutto invita a sospirar
Voga, voga, marinar…”

Il est dans la vie de ces instants magiques, où rien d’autre n’existe que la sensation profonde d’un bonheur que l’on sait éphémère mais dont le souvenir à jamais enchante.

Tout concordait, la « Barcarolla » de Rossini, la baleine malicieuse, les ténèbres bienveillantes, le doux clapotis de l’eau sur la coque du bateau.


« Voga, Voga »...

 

La voix enregistrée est celle de Cécilia, mais comme nous l'avons extraite d'une cassette audio, la qualité n'est malheureusement pas parfaite.

Traduction :
« Vole léger bateau, vogue, vogue marinier »
« La pâle lune éclaire le ciel, tout invite à soupirer »
« Vogue, vogue, marinier »

 

Et je passe le relais à Anne du blog « lesyeuxouverts » et à Mohamed du blog "kitab".

 

 








21.01.2007

"Cinq choses que vous ne savez pas de moi" (4)

 

1972

 

J’ai 16 ans, je suis en première C,  l’internat du lycée de jeunes filles Pierre et Marie Curie de Châteauroux me pèse et m’exaspère, d’ailleurs, c’est le lycée tout entier qui m’est insupportable.

Entre le matraquage de  mathématique et de physique de la section C, choisie par ma mère qui, elle, excelle dans l’art de jouer avec les chiffres, et l’impression permanente d’être emprisonnée pour un délit que je n’ai pas commis, je lutte et me rebelle, utilisant les seules armes dont je dispose : l’insolence et la paresse.

 

L’année de première touche à sa fin, je n’attends évidemment rien de bon du bulletin de notes final, cela m’est complètement indifférent, j’ai déjà compris  que la vraie vie existe, mais qu’elle est ailleurs.

 

Le règlement de l’internat, rétrograde à souhait, prévoit, pour les oies supposées blanches que nous sommes, toutes filles de la campagne, que les externes, de la ville, regardent avec hauteur, une sortie hebdomadaire libre, le mercredi après-midi de 13h45 à 16h45, tout retard entraînant avertissements, colles en cas de récidive et exclusions temporaires en dernier recours.

Jetées sur les trottoirs de le ville, les coquettes fardées, en mini jupes et pantalons tellement moulants qu’il faut se coucher sur le dos pour remonter la fermeture éclair, et les intellos en jeans avachis, se répartissent frénétiquement dans la ville.

Les premières se précipitent en direction Nouvelles Galeries, des bars, des boums où l’on espère trouver un succédané d’amour dans les bras d’un adolescent boutonneux, qu’il faudra quitter en plein milieu de l’après-midi pour retourner dans la cage, et qui se repliera vivement sur une externe disponible ce qui fait qu’on ne le retrouvera pas le mercredi suivant.

Les intellos, je ne sais pas ce qu’elles font, car je passe généralement mon après-midi de liberté en compagnie des coquettes, ou de l’amoureux du moment, quand j’ai la chance d’en avoir un, ce qui est rare étant donné le peu de confiance que j’accorde à mes charmes et qui me rend gauche et farouche.

Ce mercredi de juin est le dernier pour les internes de terminale, et traditionnellement, celles-ci, frondeuses, ne regagnent pas le lycée à l’heure imposée, mais à 18h45, soit avec deux heures de retard. L’administration, en la personne de la surveillante chef, Mademoiselle R., une grande bringue, vieille fille en jupe de tweed et talon plat, à la démarche martiale et à la voix cassante, qui devient toute rouge quand elle s’énerve, ferme les yeux.

Un complot, parti du groupe des intellos, et auquel j’adhère immédiatement, circule parmi les élèves de première. Il s’agit, ni plus ni moins, d’imiter les terminales, en rentrant, toutes, à 18h45. Le nombre de participantes, prétend une chef du groupe initiateur, empêchera les représailles et convaincra sans aucun doute les autorités du bienfait d’une réforme.

Et toutes d’approuver cette initiative et de promettre sa propre participation.

A 13h45, telle une envolée de mésanges gazouillantes, la troupe des internes file vers la liberté (conditionnelle).

En ce qui me concerne, j’ai rendez-vous avec des garçons et des filles de ma classe.

Car si l’internat est réservé aux jeunes filles, l’externat, par chance, est mixte et dans ma classe de première C, il y a plein de garçons (pour ceux qui suivent mes aventures, en terminale, je rencontrerai Bruno, mais en 1972, il n’est pas encore dans la course). Ils ont 16 ans, des problèmes d’acné, ils étudient tout le temps mais ils sont gentils et je les aime bien.

La douceur du temps pousse nos pas vers le parc de Belle Isle. L’après-midi se passe en jeux et parlottes, allongés dans l’herbe, une pâquerette entre les dents. Pas une fois je ne consulte ma montre, ma décision est irrévocable.

Le temps se traîne et s’étire, frais et léger, comme un chewing-gum à la menthe.

Vers six heures et quart je dois prendre le chemin du retour. Patrick m’accompagne. Si je ne suis pas sûre qu’il me plaise, je suis par contre sûre de lui plaire, ce qui pour moi s’apparente à un petit miracle, suffisant pour que je le laisse prendre ma main dans la dernière ligne droite avant le lycée.

Lycée devant lequel j’avais imaginé retrouvé un groupe d’internes rebelles et résolues, fières d’avoir défié l’ordre établi.

Bizarre, il n’en est rien, c’est le calme plat.

Patrick n’ose pas m’embrasser, ce qui finalement m’arrange bien, et je m’engage bravement dans l’allée.

Je traverse le sous-bois, je coupe à travers la pelouse derrière les terrains de tennis (sous-bois, pelouse et terrains de tennis qui nous sont, va savoir pourquoi, interdits), sans rencontrer âme qui vive.

Un doute commence à m’étreindre, se pourrait-il que… ?

La pionne qui m’accueille dans le bureau de la chef me fusille du regard et m’expédie sèchement et prestement en salle d’étude.

J’ouvre la porte, elles sont toutes là. Elles ont déjà enfilé leurs blouses en nylon bleu. Elles étudient en silence ou écrivent des lettres à leurs amoureux, mais ce qui est sûr c’est qu’elles sont arrivées depuis longtemps et que la seule, l’unique, à avoir tenu parole, c’est moi !

Oh, elle ne sont pas toutes rentrées à l’heure obligatoire, elles ont flâné, sont arrivées en retard, mais en retard seulement, pas ostensiblement à18h45.

Furieuse et atterrée je les contemple sans mot dire mais en maudissant leur obéissance, leur manque de courage, leur traitrise.

 
J’ai 16 ans et je comprends avec une extraordinaire acuité qu’il ne faut jamais compter sur les autres et que l’on est toujours personnellement responsable de ses actes.

 

Le lendemain ma mère  remonte d’un pas vif et rageur la longue allée de l’internat, elle vient me chercher, je suis exclue pour trois jours.

Trois semaines plus tard le bulletin de notes final arrive à la maison, il me condamne au redoublement.

 

 Et vous, le lycée, c’était comment ?

 

 Aujourd'hui, je passe le relais à Fabien, du blog "Le Mont du Faucon"

 

 

 


19.01.2007

"Cinq choses que vous ne savez pas de moi" (3)

A une autre période de ma vie, j’eus à affronter un certain nombre (un nombre certain) de difficultés. Entre un mariage qui se fracassait et des déboires sentimentaux approximatifs, le tout sur un fond d’huissiers venant saisir les meubles et de factures impayées, j’avais sur le présent et l’avenir une impressionnante série de questions et de doutes que même les discussions avec mes copines et la fréquentation régulière d’une dame revêche assise dans un fauteuil (les bienfaits salvateurs de ces séances se feront sentir bien après, il était encore trop tôt) ne parvenaient  résoudre.

C’est alors qu’une amie me proposa d’aller consulter un marabout.

Un marabout ?

Moi ?

L’athée de service ?

Tourne vire, la curiosité fut la plus forte, je la suivis et j’ai consulté un marabout.

 

Dignement assis sur un tapis, la djellaba plissant sur ses jambes croisées en tailleur, il nous reçut dans son appartement au sein d’une de ces sordides cités HLM où s’entassent ceux que les gens des beaux quartiers (et même des moins beaux) n’ont pas envie de rencontrer dans l’escalier quand ils descendent acheter leur baguette.

Ascenseurs en pannes, murs tagués, poubelles débordantes, carré d’herbe pelé, boîtes aux lettres défoncées, et une petite odeur de soupe froide mâtinée d’urine courant dans les couloirs, tous les ingrédients du ghetto se trouvaient honteusement réunis, sans que cela, visiblement, n’émeuve ni l’office des HLM ni la municipalité de Nice.

Brigitte, courageuse mais pas téméraire, avait garé sa Twingo deux bornes avant et il avait fallu marcher le long de la route sous une vilaine petite pluie battante.

 

Mamadou salua mon amie et, fixant sur moi un œil noir, me lança sans ménagement : « Oh, mais t’i mézante toi, ti veux quitter ton mari ! »

Interloquée, j’ouvris la bouche pour lui signifier que c’était pas ses oignons et que je n’étais pas venue là pour me faire remonter les bretelles, mais pour essayer, stupidement peut-être, de trouver un peu de réconfort dans des promesses, même aléatoires (au point où j’en étais je ne pouvais pas faire la difficile), de bonheur futur. Je n’eus pas le temps d’exprimer ces pensées car, d’un geste de la main, il m’intima le silence. Puis il nous fit comprendre d’un coup de menton  qu’il nous invitait à nous asseoir face à lui sur le tapis, et, fermant les yeux, la mine inspirée, il entama sur ses fesses un mouvement de balancement.

« Il se concentre » me chuchota Brigitte.

Il rouvrit les yeux et nous décocha un magnifique sourire. Suite à quoi il s’informa aimablement de la santé de la mère de Brigitte, une cliente assidue.

Enfin, s’adressant à moi d’un ton péremptoire : « Ti sais bien écrire toi ! Ti sais y faire avec li papiers ! »

Et sans attendre mon approbation, qui visiblement lui importait peu, il tira un formulaire taché d’une pile de documents qui gisait à ses côtés et me le tendit. Il s’agissait d’un courrier des allocations familiales lui demandant d’indiquer combien il avait d’enfants.

Je le lui expliquai.

     " -  Ici ? demanda-t-il.

-         Oui, c’est les allocations familiales, pour avoir de l’argent.

-         Ahhh, li zallocations familiales, ça marche, et il éclata d’un rire joyeux

et communicatif.

-         Ils veulent savoir combien vous avez d’enfants.

-         Ici ?

-         Ben oui, ici, intervint Brigitte, pas ceux que tu as au Sénégal !

-         Ahhhh…, dit-il la mine pensive et plutôt déçue, …ici…

-         Et il faut indiquer leurs âges et joindre des certificats de scolarité, il faut les demander à l’école.

-         Cirtificat… ah voui voui voui, ci pas facile hein !

-         Bon, si vous avez un livret de famille, je peux vous remplir le formulaire. »

 Il me tendit un livret qui avait depuis bien longtemps perdu sa couleur blanche et tandis que je commençais à recopier sur la feuille les coordonnées des quatre enfants qui y figuraient, il expliqua à Brigitte que les difficultés qu’elle avait rencontrées faisaient désormais partie du passé et que son avenir serait radieux.

Il va sans dire qu’il s’exprima d’une manière moins formelle et beaucoup plus imagée, mais le concept de base portait à l’optimisme.

Tout en écrivant je mesurai à quel point les tracas administratifs pouvaient être ardus pour qui ne maitrise pas la langue écrite et me disais que certainement, par ignorance et manque d’aide, certains passaient complètement à côté de leurs droits. Depuis des années Mamadou vivait et  travaillait en France mais il ne savait lire que l’arabe.

 Mon heure était arrivée, et Mamadou me demanda ce que je voulais savoir. Ne le sachant trop moi-même, je répondis par un « tout » peu compromettant.

« On sait zamais tout… on sait zuste ce qu’Allah y veut bien dire »

Là-dessus il extirpa d’un repli de sa djellaba un chapelet coranique, cracha dessus à plusieurs reprises et le fit rouler entre ses mains en marmonnant des incantations. Il le jeta délicatement devant lui et me demanda de choisir une perle.

Sait-on jamais, j’hésitai et tergiversai, celle-ci ou celle-là, jusqu’au moment où, un éclair de lucidité me traversant, j’en saisis une au hasard.

Il se racla la gorge d’un air dubitatif et s’empara d’une liasse de feuillets usés par le temps recouverts d’un texte écrit en arabe. Il en choisit un et le leva à hauteur de ses yeux.

Puis il parla…

 

 

Et moi, je passe le relais à Marc, du précieux blog "Méditer, faute de mieux" 

 

18.01.2007

"Cinq choses que vous ne savez pas de moi" (2)

Octobre 1975, j’ai 19 ans, je décide, comme toute jeune fille moderne qui se respecte, de passer le permis de conduire.

Première étape, l’inscription à l’auto école, je choisis la plus proche et commence les leçons de conduite.
Zut ça coûte cher !
Le moniteur n’étant ni beau ni jeune ni sympathique je décide de limiter au maximum le nombre de leçons.

Novembre 1975 je réussis le passage du code.

Décembre 1975.
Il est 8heures 30, il fait un froid de canard, je tape de la semelle sur un parking désert en attendant de passer la conduite.
L’inspecteur arrive, il est grand, maigre et aussi glacial que la brise qui s’infiltre sous mon manteau. Je ressens immédiatement pour lui une vive antipathie, doublée d’une inextricable sensation de peur.
Au fur à mesure que j’opère les indispensables vérifications et règlements (siège, rétroviseurs), la panique, sournoise, me gagne.
Il m’enjoint, sans aménité, de démarrer.
Je tourne la clé, j’enclenche tant bien que mal la première, le lâche les pédales… la voiture hoquette et s’immobilise.
La seconde tentative, sous l’œil déjà agacé du Monsieur, se révèle tout aussi infructueuse.
Il soupire.
Heureusement, au troisième essai la voiture daigne enfin m’obéir et nous partons à l’aventure dans les rues de Châteauroux encombrées par le trafic matinal, moi agrippée au volant qui glisse entre mes mains moites, lui dardant sur ma personne un regard noir que je qualifierais volontiers de méchant.
Au bout d’une dizaine de minutes, le désastre que je pressentais est avéré. Je tremblote, je suffoque dans mon manteau, que je n’ai pas eu la présence d’esprit d’enlever avant le départ, je cale à deux reprises, je rate le créneau et de retour au parking il me tend, sans surprise, le papier numéro deux, qui atteste de mon échec.
Suite à quoi il m’explique brièvement que je n’ai pas les qualités requises.
Fin du premier épisode.

Février 1976
Après quelques leçons de conduite, j’ai de nouveau rendez-vous avec un inconnu sur un parking pour tenter de réussir là où j’avais échoué.
Pas de bol, l’inconnu n’en est pas un, mais bel et bien l’inspecteur de la première fois.
Me reconnaît-il ?
Je ne saurais le dire, mais il n’est pas plus aimable que la fois précédente, et, déçue de ce mauvais coup du sort, j’accumule les fautes.
Je traîne de longues minutes au milieu d’un carrefour en bloquant la circulation car, victime d’une fâcheuse (mais courante en ce qui me concerne) amnésie, je ne sais plus où sont ma droite et ma gauche. J’oublie passer la quatrième sur les boulevards et, cerise sur le gâteau, mon démarrage en côte est tellement calamiteux qu’il doit intervenir.
Retour sur le parking, imprimé numéro deux, remontrances, au revoir mademoiselle.

Avril 1976
Le sort s’acharne, me voici encore en compagnie du grand maigre mal aimable, enfermés dans une R5 qui refuse d’obtempérer à mes ordres.
Lui et moi faisons toujours mine de ne pas nous connaître, mais au fond de moi je doute qu’il ne m’ait pas identifiée. Le doute, c’est bien connu, peut paralyser même les meilleurs conducteurs (ce qui n’est pas mon cas, soyons lucides), l’angoisse monte et je m’engouffre sans l’ombre d’une hésitation dans le premier sens interdit venu.
7 minutes plus tard l’affaire est pliée, il me tend le papier number two, en silence, à quoi bon épiloguer.

Juin 1976.
Cette fois je suis remontée à bloc, je n’ai pris que trois leçons supplémentaires, mais mon papa m’a fait conduire et estimé que j’étais capable. Si mon papa le dit, c’est que c’est vrai !
D’ailleurs, innocemment confiante, j’ai vidé mon compte en banque pour acheter une voiture, une Mini Austin beige, d’occasion, qui se morfond dans le garage de mes parents.
Cette fois, on va voir ce qu’on va voir !
Mais je dois être victime d’une malédiction, car, parmi les 5 inspecteurs qui sévissent à Châteauroux, on m’a encore attribuée le grand maigre.
Qu’importe, aujourd’hui la chance est avec moi, je le sens.
Et je dois dire qu’à ma grande satisfaction et malgré la trouille que m’inspire le Monsieur, je suis contente de ma prestation.
Lui pas.
Il me tend le fatal imprimé et commence à m’expliquer, d’un ton sec, que mon manque de confiance me rend dangereuse pour les autres usagers.
C’en est trop, je bondis hors de la voiture, je claque violemment la porte et, en larmes, cours me réfugier dans les bras de Charlie, mon amoureux du moment, qui, compatissant, avait suivi le parcours dans sa 4L

Octobre 1976
Je m’acharne. « Encore vous Mademoiselle ? » me lance le grand maigre, que je considère désormais comme un sadique échappé de l’asile. Déstabilisée, et atterrée par ce nouveau coup du sort, j’effectue un démarrage impeccable (de frein), mais sans avoir bouclé la ceinture de sécurité.
Le traitre ne dit mot.
Je ne me rends pas compte de mon oubli.
La R5 ronronne, et la confiance monte en moi comme le lait chaud dans la casserole, c'est-à-dire qu’elle ne tarde pas à déborder.
J’ignore superbement une priorité à droite, il appuie brutalement sur ses pédales, la voiture s’immobilise d’un coup, et je prends le volant dans l’estomac.
Je m’écrie « Aïe !! »
Il dit « Première à droite ! »
Deux minutes plus tard, en larmes, comme d’habitude, j’ai entre les mains le maudit papier numéro deux.

Je comptabilise désormais cinq échecs successifs, à l’Ecole Normale, tout le monde rigole, j’ai pulvérisé  le record  du nombre de ratages, je dois repasser le code, et des araignées ont tissé leurs toiles dans la Mini.

Janvier 1977
Je réussis pour la seconde fois l’épreuve du code, mais vu la situation, je me garde bien de parader.

Février 1977
Mon papa prend sa plume pour s’étonner du fait que sa fille, en cinq tentatives infructueuses de permis de conduire, n’ait eu à faire qu’à un seul examinateur, et demande, fort respectueusement à Monsieur le sous-préfet, s’il serait possible d’envisager, pour la prochaine tentative, un changement d’inspecteur.

Mars 1977
Incroyable mais vrai, c’est encore lui !
A sa vue les bras m’en tombent et mon courage vacille.
Mais voilà qu’il est moins désagréable, sa mine est moins accablée, il ne soupire plus, me rappelle que le port de la ceinture est obligatoire, hoche du chef à chacune de mes manœuvres, m’encourage à persévérer pour terminer un créneau que je croyais mal engagé.
Je prends confiance, résiste à la tentation de passer au orange, respecte la priorité à droite, passe la quatrième au moment voulu, et m’autorise même le dépassement d’une camionnette.

Et là, c’est le triomphe, mes mérites enfin reconnus, je quitte le parking détentrice du permis conduire que j’ai passé 6 fois.

Et je passe le relais au blog  Allons Enfants.

17.01.2007

"Cinq choses que vous ne savez pas de moi" (1)


Il circule actuellement sur le web, un petit  « jeu pyramidal », comme l'écrit Eric qui m’a gentiment passé le relais, intitulé «Cinq choses que vous ne savez pas de moi".
Pour quelqu’un qui raconte autant sa vie que moi  (qui a dit trop de cette petite voix aigrelette ?), la tâche n’est pas aisée.
J’ai donc cogité, et cogité encore pour dénicher les cinq choses inédites.
A force de réfléchir me sont venues des idées, des anecdotes, que j’ai eu envie de vous raconter.
Voici donc une version délayée du jeu, en 5 épisodes.
La consigne étant aussi de passer le relais à cinq internautes, vous trouverez le nom de l’élu(e) du jour en bas de chaque page.

C’est parti !

Première chose que vous ne savez pas de moi :


J’habitais en ce temps là un gros village sur les hauteurs de Monte Carlo. Je m’y rendais fréquemment, au volant de mon break GS bleu turquoise (soit dit en passant probablement la voiture la plus moche jamais conçue), pour y effectuer quelques emplettes. Par une belle matinée de printemps donc, alors que le soleil éclaboussait de ses rayons dorés le palais de l’Altesse Sérénissime devant lequel s’amassait la quotidienne cargaison de badauds friands d’apercevoir un représentant de la famille princière sortir faire pisser le chien (ce qui n’arrive jamais ils ont des domestiques pour ça, pffft !) ou sortir les poubelles (les quoi ?), bref ce matin là, dans la rue derrière le marché, j’avisai une belle place le long du trottoir. Celles-ci étant rares, je pilai illico et entamai une savante manœuvre de marche arrière, couramment dénommée « créneau », et dont j’ai la faiblesse de penser qu’elle est une de mes spécialités.
L’opération délicate, cette saloperie de bagnole en plus d’être moche étant exagérément longue, requérant toute ma concentration, je ahanais en tournant le volant quand, ô horreur, j’entrevis dans mon rétroviseur une lourde et pesante Mercedes noire qui s’enfilait sans gêne ni vergogne et par l’avant dans l’emplacement convoité.
Sans même prendre la peine d’affiner son action, le conducteur, un petit moustachu blanc de poil, jaillit hors de la voiture pour se précipiter dans l’entrée d’un immeuble.
Mon sang ne fit qu’un tour et telle une mégère courroucée j’hurlai à pleins poumons « Espèce de gros con, c’est MA place ! ». De s’entendre ainsi grossièrement hélé,  l’individu se retourna, surpris, et, levant les bras aux ciel, me fit clairement comprendre que de mon indignation, si légitime soit elle, il se tamponnait le coquillard.
L’écume aux lèvres, j’ouvrai alors la bouche pour balancer une insulte bien choisie quand un type en costume, pistolet dans la ceinture et walkman en main se précipita vers moi, roulant de gros yeux méchants et m’apostropha en ces termes : « Mais vous savez à qui vous parlez ? ».
Et c’est alors qu’un éclair de lucidité me traversa : J’avais traité le prince Rainier de gros con.


Et je passe le relais à Amarula

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