18.02.2007
Around Vang Vieng (2)
La terrasse du resort donne sur la Nam Song, la rivière qui traverse Vang Vieng, et nous passons beaucoup de temps à regarder nager et s’ébattre les enfants et à observer les allées et venues des pirogues qui remontent, descendent le cours d’eau ou le traversent. Le pont de bambou qui reliait les deux rives a été emporté par les flots il y a quelques mois, et n’a pas été reconstruit. La traversée se fait en pirogue, et demande une certaine expérience car le courant est très fort. Ne pouvant traverser suivant une ligne droite, la pirogue décrit une longue courbe avant de se laisser dériver pour arriver au point voulu, elle glisse sur l’eau en une arabesque silencieuse, qui, dans ce cadre grandiose, prend une dimension presque magique.
La nuit, les lampes de fortune qui éclairent les embarcations semblent danser dans l’obscurité comme de gracieux esprits.
Le Lonely Planet indiquant de l’autre côté de la rivière, à peu de distance, une grotte à visiter, nantie d’une vasque d’eau fraîche faisant office de piscine naturelle, nous louons des vélos et partons à l’aventure.
La première consiste à embarquer avec les vélos sur la fragile pirogue qui tangue au moindre mouvement. Sur l’eau, l’impression d’être irrésistiblement portés par le courant est fascinante et la tâche de l’homme qui guide l’embarcation loin d’être facile, si la trajectoire qu’il choisit n’est pas parfaite, le bateau risque de trop dériver et de manquer son but.
Nous enfourchons nos bicyclettes et pédalons sur une route de terre qui, en principe, doit nous mener à la grotte.
Fabio a un genre de VTT et moi une espèce de mini vélo rose sans changement de vitesses ce qui fait que dans les côtes je m’époumone et ahane. Mais ce n’est pas le pire, il a plu récemment et la route est souvent coupée d’énormes flaques d’eau boueuse. Je me lance dans la première sans bien mesurer les conséquences de ce mouvement hardi et me retrouve immergée jusqu’aux genoux, la parole « bilharziose » me trottant mine de rien dans la tête. Encore une de ces maladies parasitaires que le monde occidental ne connaît pas mais qui fait des ravages sous les tropiques, surtout dans les pays, comme le Laos, où les structures sanitaires sont presque inexistantes.
Quant à moi, une fois passée la première flaque, je décide qu’il ne sert à rien de me gâcher le plaisir, d’autant que, tandis que j’extirpe péniblement ma bicyclette rose de la mare boueuse, une paysanne, pieds nus et un panier sur la tête, la traverse vaillamment, non sans nous jeter un petit regard amusé.
Contrairement à moi, qui suis là pour occuper mes loisirs, et qui peut, à tout moment, reprendre un avion qui me mènera dans mon occident aseptisé, elle n’a pas le choix.
Nous continuons notre route, traversant une campagne magnifique, où le vert acidulé des rizières chatoie sous le soleil.
Le soleil qui justement tape fort sur nos crânes, trop fort, beaucoup trop fort, surtout que j’ai oublié mon bandana. Pour tout dire la ballade commence à devenir un peu pénible, les flaques d’eau se succèdent, il fait une chaleur impressionnante et au bout d’une heure toujours point de grotte ni de cascade.
A ce stade là, il s’agit, ce qui est toujours délicat, d’évaluer si l’effort accompli mérite d’être continué afin d’avoir le plaisir d’arriver au but, ou si la sagesse se trouve dans le renoncement. Généralement, comme la plupart des humains, nous n’aimons pas penser que nous faisons les choses pour rien, nous aimons bien que notre effort soit gratifié, même si le but est dérisoire.
Par conséquent, nous nous acharnons. Une demi-heure plus tard, le nez dans le guidon, les jambes en compote, rouges et transpirants nous arrivons à la fin de la route. L’unique possibilité pour continuer est un chemin boueux, impraticable en vélo, ce qui signifie, comme nous n’avons pas d’antivols, qu’il faudra les porter. Finalement la raison l’emporte et nous choisissons de faire demi-tour.
Bien nous en prend, car quelques minutes après que nous ayons commencé à pédaler sur le chemin du retour, le ciel qui était bleu devient gris, puis noir, et bientôt éclate un monumental orage.
La pluie gicle et rebondit, les éclairs zèbrent le ciel et le fracas du tonnerre se répercute dans les montagnes.
Pédalant de toutes mes forces je roule, ô horreur, sur le cadavre d’un serpent, que, par chance, je n’avais pas remarqué à l’aller.
Nous atteignons finalement, trempés et tremblants, un hameau où une famille nous fait signe de venir nous abriter sous un auvent.
Faute d’avoir un langage en commun, nous échangeons des sourires, des gestes. Les enfants jouent autour de nous, comme beaucoup de petits laotiens, ils ont le nez qui coule, et ils toussent.
Nous restons chez eux, le temps que l’orage se calme. C’est une famille pauvre, ils doivent avoir un champ, quelques poules, ils nous regardent avec une curiosité bienveillante et amusée.
Nous échangeons de grands saluts avant de repartir sur la route inondée, de traverser à nouveau la rivière et de retrouver le confort de notre resort.
Et ci-dessous, la même chose en vidéo :
13:00 Publié dans Voyages | Lien permanent | Commentaires (13) | Envoyer cette note | Tags : laos, vang vieng
Commentaires
Superbe,
Dis Céleste, de derrière le zinc, tu peux nous raconter tes voyages et nous faire briller les yeux accrochés à tes lèvres.
Le Fleury et moi, on t'a commandé l'apéro.
Ca peut attendre, mais pas trop quand même car faut qu'on aille dresser l'accueil des arrivants.
Continue la belle. On repassera.
Soleil tu restes!
Ecrit par : GPMarcel | 18.02.2007
Un petit écran lumineux, dans un bureau, nulle part, et un instant de voyage, ailleurs, très loin. Merci.
Ecrit par : Dehorsdedans | 18.02.2007
Tu as un talent de conteuse évident
pourquoi n'écris tu pas tous ces récits dans un bon gros livre?
à moins que tu ne l'aies déjà fait ?...
Ecrit par : fanny | 18.02.2007
un petit bijou que j'admire, cu posé sur une chaise. J'aime tout, la trajectoire pour traverser qui sonne connue, le vélo rose qui me rappelle certain solex dont j'héritais quand le moteur ne fonctionnait pas, et la flaque profonde et répulsive. Et puis c'est joliment dit et il y a les photos de paysages, la famille blottie et le fabuleux parapluie
Ecrit par : brigetoun ou brigitte celerier | 18.02.2007
Enfin cette merveilleuse suite. J'espere que tu vas mieux, au fait...
Texte sublime, photos magnifiques, tout ceci donne enfin de refaire les valises. Je pensais partir au Cambodge cet été. Qu'en penses-tu ?
Amitiés.
Ecrit par : Bruno Lamothe | 18.02.2007
Merci Céleste de me faire revivre ce merveilleux voyage au Laos... Tant de souvenirs affluent devant ces photos tellement réelles....
Ecrit par : zaza | 19.02.2007
Carnets de voyages toujours aussi agréables à lire. Merci Céleste !
Ecrit par : Otir | 19.02.2007
ça fait du bien ces récits entre deux sondages.....
Ecrit par : lesyeux | 19.02.2007
merci à toutes et tous!
@GPMarcel
"Chez Céleste" les coeurs et les âmes en peine trouveront toujours une oreille attentive et un verre de vin frais
toute mon amitié
@dehorsdedans
c'est bien pour cela que j'écris pour partager ce que j'ai vu et vécu
@Fanny merci, mais le hic bien sûr, c'est l'éditeur, pas envie de m'user la santé en recherches frustrantes, ce qui doit advenir adviendra.
Pour le reste, j'ai créé cette tribune et ô merveille, on vient me lire!
@bruno
le Cambodge c'est une excellente idée, perso je ne connais qu'Angkor, monumental;
si tu veux des tuyaux tu as mon mail en haut à gauche
@lesyeux
moi je frôle l'overdose sur les sondages et leurs interprétations
@coucou Otir, tout va bien?
@brigetoun, baci
@zaza
bienvenue chez moi
Ecrit par : céleste | 20.02.2007
Dix minutes de bonheur, lecture et vidéo comprises. Merci, Céleste.
Ecrit par : Marc | 20.02.2007
Superbe. Je nesais quoi dire de plus. Les photos les textes, font voyager, c'est superbe. Merci.
Ecrit par : phaeton | 21.02.2007
Un grand merci pour ce voyage trop bref d'un pays où je n'irai probablement jamais... mais quelle chance d'avoir votre regard pour nous en restituer l'esprit!
J'en redemande.
Amicalement.
Ecrit par : daasg | 24.02.2007
merci phaeton et daasg, bienvenue sur ce blog!
Ecrit par : céleste | 24.02.2007
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