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29.07.2006

Bangalore

medium_bangalore1.jpgArriver dans une ville inconnue par le train c’est en découvrir en premier le pire. Bangalore n’échappe pas à la règle. Pendant des kilomètres nous traversons de tristes banlieues, ici et là de hauts immeubles en construction où des ouvriers aux corps noueux s’affairent sur d’invraisemblables échafaudages en bois tandis que des femmes, vêtues de blouses déchirées et les cheveux cachés sous des foulards crasseux, accomplissent les tâches les plus humbles : porter les seaux sur leurs têtes ou tamiser le sable. Au pied de ces futurs immeubles appelés à abriter les bureaux de la « Silicon Valley » indienne et les appartements des jeunes prodiges de la « high tech », des masures de toile plastifiée et de palmes tressées servent d’abri à toute une population pauvre, sale et affamée qui ignore probablement tout du monde aseptisé de l’informatique.
Plus loin des femmes, assises sur une montagne d’ordures, trient des déchets dont la puanteur parvient jusqu’aux fenêtres de notre train.
Des ruelles sombres et encombrées de détritus vomissent des enfants presque nus qui agitent la main à notre passage.
Les immeubles neufs scintillent de verre et d’acier.
Les taudis miséreux grouillent de rats et de vermines, comme des blessures gangrenées dans la chair de l’orgueilleuse Bangalore, si fière de sa réussite, de ses boutiques de luxe, de ses fast food à l’américaine et de ses jardins.
Pour la première fois depuis que nous voyageons en Inde je ressens un malaise.
Nous passons l’après-midi à sillonner les rues de la ville.medium_bangalore2.jpg
Sur la fameuse Mahatma Gandhi road, qui porte bien mal le nom du petit homme au rouet, celui là même qui préconisait de « vivre simplement pour que tous puissent simplement vivre », les passants se pressent dans des magasins qui affichent des prix bien supérieurs à tout ceux que nous avons vus jusqu’alors : boutiques de jeans américains, de chaussures à talons hauts, d’étoffes somptueuses tissées de fils d’or.
Une foule hétéroclite arpente les trottoirs de la MG road et de la Brigade road. Les femmes portent des vêtements occidentaux, des ensembles salwar, des saris ou de noires burquas. Celles-ci élégantes, bien ajustées et brodées de motifs colorés laissent apparaître des sandales dorées. Les cheveux, le cou et presque la totalité des visages sont dissimulés par des voiles et des foulards noués. Même les regards soulignés de khôl sont inaccessibles. La plupart des hommes portent des jeans, sauf les musulmans convaincus qui arborent la longue chemise blanche, la calotte et la barbichette éparse (le système pileux des indiens étant apparemment peu fourni, la barbe est souvent réduite à trois poils frisottés qui évoquent irrésistiblement, ironie du sort ou de ma part, les poils pubiens).
Je ne sais pas si la communauté musulmane de Bangalore est importante ou particulièrement attachée à ses traditions vestimentaires, mais ce qui est sûr c’est qu’on remarque immédiatement ses membres, bien plus que dans toutes les autres villes de sud de l’Inde que nous avons visité. Et le contraste entre les noires silhouettes et les jeunes beautés en sous-vêtements des affiches publicitaires est saisissant. Je me demande comment tous ces croyants intégristes vivent la vague d’occidentalisation qui a déferlé sur la ville. Je sens chez les jeunes, surtout les femmes, une certaine ostentation, comme un défi.
Mais ce n’est pas le seul paradoxe de Bangalore, la misère en est un autre. Non seulement les mendiants sont très nombreux, mais ils sont dans un état physique déplorable, sales, déguenillés, handicapés.
Le miracle économique de la ville semble profiter à bien peu de ses habitants, une poignée de privilégiés se partagent allégrement un gâteau dont même les miettes ne parviennent pas jusqu’aux classes les plus défavorisés.
Dans un luxueux Coffe Shop quelques représentants de la jeunesse dorée, fonds de culottes au genoux à la mode de chez nous, affalés sur les banquettes, pianotent mécaniquement des messages sur leurs téléphones portables, pendant qu’un petit garçon d’une douzaine d’années débarrasse les tables et qu’un autre les essuie.

Le soir, je lis dans l’Indian Express, qu’après Mumbai, Bangalore est la seconde ville la plus menacée par les attentats terroriste et cela ne me surprend pas.

Les contrastes y sont démesurés, ils sont douloureux, cruels, et j’ai en parcourant la ville un sentiment proche de celui ressenti l’hiver, à Paris ou à Bologne, en voyant tous les exclus massés sous les ponts ou dans des tentes branlantes, tous les sans toits, sans toilettes et sans espoir.

L’Inde a atteint cette année la douzième place dans le classement des pays les plus riches et Bangalore est un de ses plus beaux fleurons, enfin, une certaine Bangalore, pour l’autre il faudra attendre des jours meilleurs.

India, le 29 juillet 2006

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Commentaires

Partout dans le monde, la misère blottie derrière les éphémères templs de la consommatoin.
La photo de l'intérieur du mall, je pourrais faire la mème ici au Chili et ensuite aller voir les quartiers miséreux derrière les cerros...
Pas aussi miséreux que l'Inde, mais tout aussi perturbant pour nous.
Le miracle économique, si la politique ou le régime écomnomique ne fait pas d'effort, profite avant tout toujour aux mêmes...
Les écarts se creusent, sans limite...
Merci de nous montrer aussi cela.

Ecrit par : Bertrand | 29.07.2006

pour Paris, on nettoie. Tu crois qu'il pourrait y avoir une relation entre le terrorisme et le choc entre des niveaux de vie extrèmes ?
il faudrait peut être que tu l'explique à certains doctes experts que l'on nous inflige

Ecrit par : brigetoun | 30.07.2006

Les commentaires sont fermés.

 
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