19.11.2006
Gili Air, une journée au paradis
A Gili Air, quelle que soit la période de l’année, le soleil se lève à six heures, normal, l’île indonésienne est proche de l’Equateur. De la terrasse du bungalow, je le regarde s’élever entre les palmiers, au loin Lombok émerge de la brume. Dans le silence de l’aube, le chant du muezzin monte vers le ciel et les cocoricos des coqs se répondent en écho.
Sur l’île, rien ni personne ne bouge, il est encore trop tôt et je retourne m’allonger dans le lit, sous la moustiquaire grise et trouée, dans laquelle une araignée géante a filé sa toile. Daddy et ses fils ne sont guère à cheval sur l’entretien.
C’est la deuxième année que nous séjournons à Gili Air, il y a deux ans, nous étions restés deux semaines, incapables de prendre la décision de partir. Nous avions même envisagé d’acheter un terrain pour y construire une maison de bois et de palme. Mais tout étant compliqué nous avions renoncé.
Deux heures plus tard, nous nous décidons enfin à nous lever. Entre temps les premiers bateaux, longs et effilés, ont déjà quitté l’île, emmenant à leur bord les femmes qui se rendent au marché à Pemenang ou encore à Mataram, la capitale, et les hommes qui vaquent de Gili Air à Lombok et de Lombok à Gili Air.
Sur la terrasse du « resort », assis face à la mer nous attendons que les garçons prennent conscience de notre présence pour leur commander le petit déjeuner, pancakes caoutchouteux et café soluble, Daddy et ses fils ne sont pas non plus regardants sur la qualité de la restauration matinale.
Shakiro, le fils aîné, qui est officiellement le gérant des lieux, allongé dans son hamac favori, impassible, roule consciencieusement son premier pétard de la journée. Bob Marley en fond sonore.
« Smoking Island yeah ! » lance Shakiro en nous apercevant.
Il y a une semaine il nous a aimablement proposé son joint matinal. Après la première bouffée j’ai compris que la sagesse exigeait qu’elle soit aussi la dernière, Fabio non, il a gaillardement partagé le pétard avec Shakiro.
Aussi quand deux heures plus tard, alors qu’il était allongé sur la plage et que je tentais, sans grand talent, de peindre le rivage de Lombok à l’aquarelle, il m’a dit « Je sens un tremblement de terre ! », moi qui n’avais rien noté de particulier, j’ai répondu « C’est ça, c’est ça… » en rigolant.
Et bien le lendemain nous avons reçu le mail d’une copine « Comment ça va ? J’ai lu dans le journal qu’il y avait eu un petit tremblement de terre en Indonésie ». Et là c’est Fabio qui a rigolé.
Bon, quand même, maintenant quand Shakiro, de son hamac, nous tend le pétard nous répondons : « No, thanks, later »
Vers neuf heures et demie nous prenons le chemin du bord de mer pour aller à la plage. Une carriole tirée un poney, seul moyen de transport de l’île, nous double dans un bruit de clochettes, elle ramène à l’embarcadère des touristes qui ont fini leur séjour. Pour la plupart, ils font une halte de deux ou trois jours, mais il y a aussi les habitués, comme cette dame suisse que nous avons rencontrée et qui, depuis vingt ans, passe le mois d’aout sur l’île où tout le monde la connait.
Nous aussi tout le monde nous connaît. En passant devant les restaurants, les boutiques et les bars, nous échangeons des « Hi ! », « Hi ! ». Ils sont alignés le long du chemin sablonneux et tous cherchent à convaincre le client qui passe.
Chez Han’s, la ravissante Miss Gili Air (c’est nous qui l’avons surnommée ainsi) ne nous voit pas passer, elle est en grande discussion avec un jeune allemand, côte à côte accoudés au bar, les yeux dans les yeux. Miss Gili Air semble être une jeune femme très émancipée, sur cet ilot musulman, il est habituel, voire même souhaitable que les garçons séduisent les belles, ou moins belles, étrangères, pour les filles il en va certainement différemment.
Une dizaine d’échoppes plus tard, le frère de Shakiro, lève la main de son hamac pour nous saluer. Apparemment la propension à la pratique accrue du hamac serait génétique. On nous a raconté son histoire. Il y a une dizaine d’années, il s’est marié avec une allemande, une beauté blonde qui faisait saliver les mâles de l’île. Elle s’est installée avec lui, dans une maison de palme et ils ont eu deux enfants. Ce sont eux qui ont en premier attiré mon attention, un garçon et une fille, à la peau mate et aux cheveux dorés, jouant avec les autres, pieds nus dans la poussière.
Mais un jour, ou un soir, le frère de Shakiro a surpris la belle dans les bras d’un autre. Pour les fils de Daddy, le pardon n’existe pas et il l’a chassée, confiant les deux petits à ses parents. Elle est retournée en Allemagne, puis elle a erré dans divers lieux de l’Indonésie, avant de revenir sur l’île où elle a emménagé dans une modeste cabane. Peu a peu, elle a perdu la raison, on la voit parfois arpenter le chemin, maigre et hagarde, parlant seule et personne ne la regarde. Je ressens pour elle une infinie tristesse, ces amours de vacances que l’on veut transformer en unions connaissent souvent des fins cruelles. Plus loin, le restaurateur guitariste, qui le soir, quand les petites terrasses sur pilotis se vident et que la journée est finie, chante des standards de Bob Dylan et des Beatles, accompagné de sa femme et de sa fille qui a huit ans, nous serre la main en nous disant « Tonight, I have very good fish » et nous, passant notre chemin « Maybe, maybe ! »
à suivre ...
15:00 Publié dans Voyages | Lien permanent | Commentaires (9) | Envoyer cette note | Tags : gili air, indonésie
Commentaires
Très touchée par ton récit. Merci.
Ecrit par : Otir | 19.11.2006
C'est histoire de vraiment me pousser à partir dans les îles du Pacifique, ça ;-)))
Ecrit par : Swâmi Petaramesh | 19.11.2006
Vite la suite.
Ecrit par : corinne | 19.11.2006
Encore une petite escapade en ce dimanche soir.
Un retour grâce à toi sur ma plage, entre lagune et mer, sous d'autres cieux, mais avec la même douceur de vivre.
Ecrit par : Dom | 19.11.2006
ah enfin un peu de soleil dans ce dimanche tout gris !
merci, en échange, hume le romarin de ma cuisine, ça va être merveilleux... Quand il fait triste comme aujourd'hui, on m'a appris à réchauffer l'ambiance avec une bonne bouffe. Et ça marche !
vivement la suite de ton histoire...
Ecrit par : fanny guillot | 19.11.2006
En Thaïlande, dans ce genre d'endroit, ils mettent des champignons hallucinogènes dans la soupe sans vous prévenir
Ecrit par : amarula | 20.11.2006
Merci Céleste, tes récits me font voyager ...
Ca fait vraiment du bien !
Bises.
L.
Ecrit par : Lancelot | 20.11.2006
merci de tes passages - j'étais entre état médiocre, désir d'activité presque assouvi - politique et bagarre avec l'italien - pas douée
Ecrit par : brigetoun | 20.11.2006
merci à toutes et tous, la suite dans quelques instants...
Ecrit par : céleste | 21.11.2006
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