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18.07.2006

Le jeune homme du train

medium_mayanoor2.jpgNous allons à Mayanoor, rendre visite à Riaz Ahmed, le jeune homme du train qui porte doublement bien son surnom car son père est… chef de gare. Il habite un petit village au bord de la Cauvery, le fleuve sacré qui traverse le Tamil Nadu et que les hindous considèrent comme une déesse.
Riaz Ahmed nous attend sur le quai de la gare, il porte les attributs de quasiment tous les hommes tamils : la moustache et la chemise à carreaux. Il a un visage rond et sérieux de premier de la classe, ce qu’il est, comme en témoignent les nombreux diplômes et récompenses qu’il a obtenus à l’école et qu’il nous montre fièrement. Actuellement il a 20 ans,  il étudie le droit à l’Université de Chennai et nous le trouvons chez ses parents car il est en attente d’un examen.
La maison est petite et franchement sommaire. C’est un logement de fonction que son père  doit occuper à cause de son emploi de chef de gare. Il se compose de 2 petites pièces, et d’une cuisine, les toilettes sont à l’extérieur, dans la cour située à l’arrière. Il y a l’électricité, mais pas l’eau courante, ni bien sûr de réfrigérateur, ni de cuisinière. Abida Begam, la maman, cuisine sur un feu de bois dans la cour.
Sommaire !
A la place de Sheik Abdullah, le papa, on aurait démissionné vite fait bien fait, d’autant qu’il possède une grande maison à Tanjore, dont on nous montre les photos et où vit le grand-père.
Eux non, ils sont indiens, ils s’adaptent à tout et la petitesse et la modestie du logis n’ont pas empêché Riaz Ahmed de parler un anglais de lettré des années 50 (autant que je puisse en juger) et d’être un brillant étudiant en droit. Basmeer Ahmed, son frère que nous ne rencontrerons pas, étudie la médecine à Tanjore.
Comme quoi !
Abida Began est une beauté callipyge à la peau très sombre et aux cheveux crépus qu’elle dissimule en partie sous le pan de son sari. Elle ne parle pas anglais et paraît peu valorisée.medium_mayanoor4.2.jpg
Sheik Abdullah a un visage rieur et sympathique, il est simplement vêtu d’un dhoti à carreaux et d’un marcel défraîchi. Il parle bien l’anglais qu’il a étudié à l’université, il sort de l’armoire un diplôme en sciences du cinéma et vidéo, en ce moment, comme passe temps, il étudie la sociologie. Il n’a pas choisi d’être chef de gare, c’est son père qui le lui a imposé afin de suivre la tradition familiale, lui-même ayant été employé au chemin de fer du temps des anglais.
Le grand-père est le héros de la famille, il vit à Tanjore, dans la maison neuve alors que la grand-mère, une créature effacée et très mal en point qui peut à peine marcher, passe le plus clair de son temps à somnoler assise à même le sol dans le recoin le plus sombre de la maison de Mayanoor. Comme la mère elle est de toute évidence un personnage secondaire.

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Par contre, Riaz Ahmed et Sheikh Abdullah sont intarissables sur le grand-père qui est un érudit. Il parle, lit et écrit 12 langues, langues utilisées en Inde, comme l’hindi, l’ourdou, le télougou, le malayalam, mais aussi l’arabe, l’anglais et il est capable de lire en latin. Il vit seul et consacre son temps à la prière et à l’étude. Visiblement la famille est très religieuse.
Je demande à Riaz Ahmed, s’il choisira lui-même sa future épouse où s’il laissera ce soin à ses parents. Il répond sans hésiter qu’il obéira aux vœux de son père. J’insiste et je demande à Sheikh Abdullah qu’elle serait sa réaction si l’un de fils souhaitait (un coup de folie) épouser une jeune fille d’une autre confession. Il me répond en souriant « Pas de problème, il suffit qu’elle se convertisse ! » .
Nous déjeunons chez eux, tous ensemble (sauf la mère qui fait le service et la grand-mère qui mange dans son coin) assis sur une natte et avec les doigts malhabiles, car peu habitués à l’exercice et répugnant à s’enfoncer dans le riz baigné de sauce, de notre seule main droite.
Puis Riaz Ahmed nous montre sa collection de timbres, nickel, bien rangée, bien classée, et sa collection de devises. Il a des billets rares et anciens. Fabio est ravi, il se revoit petit garçon classer ses timbres sur la table de la cuisine.
Et moi je pense que lorsque j’étais enfant, au début des années soixante, dans ma commune berrichonne, tout le monde n’avait pas l’eau courante et l’électricité, les fermes les plus reculées en était privées, et mon père a mis son point d’honneur de Maire à faire en sorte que tous puissent en disposer.

Nous repartons en milieu d’après-midi après avoir eu une très intéressante discussion sur l’Inde et son avenir avec notre ami et son père. Tous les deux sont intelligents, cultivés et ouverts, quoique très attachés aux traditions.

Dans le train qui nous ramène vers Trichy, je repense à mon enfance, à ces sombres et sales maisons de paysans, à leurs étables crasseuses imprégnées d’odeur de purin, et à moi, timide et maigrichonne, mon pot au lait à la main, attendant, le plus loin possible des grosses vaches dont j’avais tant peur, que la fermière veuille remplir mon pot.

Je pense à mes rêves de petite fille et à la joie de Fabio devant les timbres bien classés du jeune homme du train, et je me dis que l’Inde, ensorcelante, nous rend notre enfance.

Nous sommes à nouveau deux gamins, deux gamins qu’un rien amuse, deux gamins qui se tiennent par la main pour traverser la route (en Inde c’est une opération périlleuse !), deux gamins amoureux avides de découvrir le monde des autres, et qu’est-ce que c’est bien !

India, le 18 juillet 2006

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Commentaires

Pour avoir vécu 1 an en Inde...c'est bien décris...L'Inde a encore frappé..Le tandoori vous a encore mystifié...vous verrez que jamais vous ne pourrez oublier l'Inde. L'Inde est sacré, dans son entier....c'est un ailleurs si différent que les curieux s'y brulent les ailes, les peureux finissent par y devenir courageux et les cons y deviennet un peu plus humbles et humains. Par contre si vous êtes des purs citadins, des espèces de prottoypes de notre société consumériste n'allez pas en Inde...vous y feriez des dégats et vous ne comprendriez pas. Aller à miami ou en californie dans ce cas.

Ecrit par : Tle Crasy moose | 18.07.2006

Ne dit-on pas, les voyages forment la jeunesse ?
Ne devrait-on pas ajouter que le voyage vous rend aussi votre jeunesse ?
Mais c'est parce que vous avez su toujours consever votre regard d'enfant.
Quelle attitude précieuse et riche !
On vous suit avec délices.

Ecrit par : Bertrand Paramo | 18.07.2006

j'ai été la petite fille au pot, avec la peur des vaches, (un peu moins l'année de mes treize ans où j'aidais le vacher qui était si beau) - mais nous n'étions déjà plus qu'en visite dans les fermes, et le rôle des femmes, s'il était tout à fait exclu qu'elles travaillent, était de régner sur la famille et les visiteurs

Ecrit par : brigetoun | 18.07.2006

même du haut de mes 37 annés, je garde le souvenir de fermes landaises au sol en terre battue, aux toilettes derrières la grange, à la pénombre de la pièce principale où trônait l'immense cheminée...
L'obscurité empêchait de voir la saleté, les imperfections, mais les coeurs éclairaient toujours ces lieux.

Ecrit par : bertrand | 18.07.2006

J'ai découvert votre blog que je lis avec ravissement depuis le début de votre voyage. Merci de me faire partager ce que vous rencontrez dans ce pays où je n'irai sûrement jamais. Merci aussi de ce qu'il vous rappelle des souvenirs de votre enfance dans lesquels je me retrouve puisqu'ils me rappellent les vacances que je passais dans la ferme de mes grands parents lorsque j'étais enfant, j'avais aussi très peur des vaches.

Ecrit par : tanette | 23.07.2006

@ tanette, merci je suis tres contente de partager ce voyage avec vous et tous ceux qui me lisent cela m encourage a continuer

Ecrit par : celeste | 25.07.2006

Les commentaires sont fermés.

 
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