30.06.2007
Chennai, enfin !
Les passagers de l’avion qui nous mène de Francfort à Chennai sont tous des immigrés, de première ou deuxième génération, qui retournent au pays pour les vacances. Beaucoup sont Français, ex Pondichériens. Leur joie de retrouver leurs familles, leur terre, leurs racines est tangible. Elle se manifeste par des rires, des sourires complices.
Je me dis, en les observant du coin de l’œil, que les occidentaux qui réclament à grands cris les restrictions des voyages aériens pour cause de pollution ont raison et tort à la fois.
Raison car il est évident que les émissions de gaz polluants générées par les avions sont terriblement destructrices pour la planète.
Tort, car les riches, les affairistes, qui prennent l’avion comme moi le bus, continueront à voyager, même si les prix augmentent. Ils garderont ce privilège, celui d’aller et venir pour brasser de l’argent, pour contrôler, pour diriger, pour s’amuser. Et devinez qui ne pourra plus, une fois par an (ou une fois tous les deux ou trois ans) rendre visite à sa famille lointaine…
Sans parler des pauvres clampins comme nous qui, alors que les riches tournoieront au-dessus de leurs têtes, n’auront, malgré des mois de travail et d’économie, d’autres alternatives que le camping à Palavas ou le gite rural sans eau ni électricité sur les plateaux auvergnats, fort beaux au demeurant.
Ici encore, si nous n’y veillons pas l’injustice frappera.
Pour ma part je préconise d’attribuer à chaque habitant de la planète un quota égal d’heures de vol.
A l’aéroport, dans la chaleur odorante – savant mélange de fragances d'aliments en voie de décomposition, d’encens, de matières fécales, de jasmin et de curry- dans la confusion colorée de l’Inde retrouvée, ô merveille, Peter et Flora sont venus nous chercher.
Peter, vous vous souvenez, l’ange de Pondy, rencontré par hasard à Paris en avril. Le projet de documentaire au Rajasthan, dans une tribu de Meena (une ethnie d’intouchables) prend forme.
Nous nous retrouverons vers le 10 juillet pour le mener à bien.
En attendant, nous irons au Kerala rejoindre Sini qui est en vacances chez ses parents.
A l’hôtel New Woodlands de Chennai rien n’a changé. J’en profite pour préciser que si nous aimons voyager, nous apprécions aussi beaucoup retourner dans des endroits connus. Cela crée comme une continuité, comme une impression de familiarité.
Le New Woodlands est composé de pavillons, plus ou moins importants, divisés en chambres plus ou moins confortables. J’aime son charme fané, ses peintures défraichies et son innombrable personnel.
Innombrable, vraiment : une multitude de serveurs en chemises à carreaux, de porteurs, de gardes en tenue kaki qui sommeillent devant les pavillons.
Dans la gestion néolibérale des entreprises, et du type de société que veut nous infliger le nouveau président hexagonal, on économise sur le nombre d’employés et, tout en culpabilisant les exclus, on presse sans pitié l’énergie de ceux qui ont la « chance » de travailler.
Ce n’est apparemment pas la stratégie du New Woodlands. Ici des centaines d’employés travaillent peu (même s’ils font beaucoup d’heures) pour gagner peu, dans la bonne humeur.
Espérons qu’une grande chaine hôtelière internationale n’aura pas la sombre idée de faire mains basse sur cet havre chaotique et coloré dont la spécialité est la cérémonie de mariage.
Au Spencer, grand centre commercial situé sur l’Anna Salai (la rue principale de Chennai) nous passons saluer Wassim, le Cachemiri, dans sa boutique d’artisanat. C’est à lui que nous fîmes, en Aout 2006, notre dernière visite avant le départ.
Il nous accueille à bras ouverts et ça fait du bien.
Nous avions déjà envisagé d’aller au Cachemire avec lui, mais, cette année, nous ne sommes pas arrivés à nous organiser.
Par contre, ce sera possible en 2008. Il nous décrit les merveilles de ses montagnes natales, nous montre des photos de la rivière qui coule au pied de la maison de ses parents.
« Here, it’s hell ! » (Ici, c’est l’enfer) nous dit-il.
Nous prenons rendez-vous fin aout pour organiser le voyage.
Dans le dédale du Spencer, un couple attire mon attention. Leur maigreur trahit la modestie de leur condition, elle porte un beau sari jaune et une guirlande de jasmin orne sa chevelure nattée, il est vêtu d’une chemise et d’un pantalon élimés mais propres et soigneusement repassés, ses cheveux légèrement grisonnants sont bien disciplinés et il est rasé de frais.
A les voir regarder de tous côtés avec curiosité et amusement je me dis que c’est probablement la première fois qu’ils pénètrent dans un lieu du consumérisme moderne. Ils se risquent sur l’escalator, elle serre en riant la main de son mari et, à l’arrivée, lève haut la jambe pour retrouver la terre ferme. Puis ils hésitent un instant devant l’ascenseur, continuent vers l’escalier, le descendent et hop, reprennent en riant l’escalator !
Ce soir la pluie tombe sur la ville, glissant sur les feuilles vernissées des palmiers, lavant les trottoirs et les rues poussiéreuses, tambourinant sur les toits de tôles et de tuiles, apportant un tout petit peu de fraîcheur à l’air surchauffé.
Je me dis, en les observant du coin de l’œil, que les occidentaux qui réclament à grands cris les restrictions des voyages aériens pour cause de pollution ont raison et tort à la fois.
Raison car il est évident que les émissions de gaz polluants générées par les avions sont terriblement destructrices pour la planète.
Tort, car les riches, les affairistes, qui prennent l’avion comme moi le bus, continueront à voyager, même si les prix augmentent. Ils garderont ce privilège, celui d’aller et venir pour brasser de l’argent, pour contrôler, pour diriger, pour s’amuser. Et devinez qui ne pourra plus, une fois par an (ou une fois tous les deux ou trois ans) rendre visite à sa famille lointaine…
Sans parler des pauvres clampins comme nous qui, alors que les riches tournoieront au-dessus de leurs têtes, n’auront, malgré des mois de travail et d’économie, d’autres alternatives que le camping à Palavas ou le gite rural sans eau ni électricité sur les plateaux auvergnats, fort beaux au demeurant.
Ici encore, si nous n’y veillons pas l’injustice frappera.
Pour ma part je préconise d’attribuer à chaque habitant de la planète un quota égal d’heures de vol.
A l’aéroport, dans la chaleur odorante – savant mélange de fragances d'aliments en voie de décomposition, d’encens, de matières fécales, de jasmin et de curry- dans la confusion colorée de l’Inde retrouvée, ô merveille, Peter et Flora sont venus nous chercher.
Peter, vous vous souvenez, l’ange de Pondy, rencontré par hasard à Paris en avril. Le projet de documentaire au Rajasthan, dans une tribu de Meena (une ethnie d’intouchables) prend forme.
Nous nous retrouverons vers le 10 juillet pour le mener à bien.
En attendant, nous irons au Kerala rejoindre Sini qui est en vacances chez ses parents.
A l’hôtel New Woodlands de Chennai rien n’a changé. J’en profite pour préciser que si nous aimons voyager, nous apprécions aussi beaucoup retourner dans des endroits connus. Cela crée comme une continuité, comme une impression de familiarité.
Le New Woodlands est composé de pavillons, plus ou moins importants, divisés en chambres plus ou moins confortables. J’aime son charme fané, ses peintures défraichies et son innombrable personnel.
Innombrable, vraiment : une multitude de serveurs en chemises à carreaux, de porteurs, de gardes en tenue kaki qui sommeillent devant les pavillons.
Dans la gestion néolibérale des entreprises, et du type de société que veut nous infliger le nouveau président hexagonal, on économise sur le nombre d’employés et, tout en culpabilisant les exclus, on presse sans pitié l’énergie de ceux qui ont la « chance » de travailler.
Ce n’est apparemment pas la stratégie du New Woodlands. Ici des centaines d’employés travaillent peu (même s’ils font beaucoup d’heures) pour gagner peu, dans la bonne humeur.
Espérons qu’une grande chaine hôtelière internationale n’aura pas la sombre idée de faire mains basse sur cet havre chaotique et coloré dont la spécialité est la cérémonie de mariage.
Au Spencer, grand centre commercial situé sur l’Anna Salai (la rue principale de Chennai) nous passons saluer Wassim, le Cachemiri, dans sa boutique d’artisanat. C’est à lui que nous fîmes, en Aout 2006, notre dernière visite avant le départ.
Il nous accueille à bras ouverts et ça fait du bien.
Nous avions déjà envisagé d’aller au Cachemire avec lui, mais, cette année, nous ne sommes pas arrivés à nous organiser.
Par contre, ce sera possible en 2008. Il nous décrit les merveilles de ses montagnes natales, nous montre des photos de la rivière qui coule au pied de la maison de ses parents.
« Here, it’s hell ! » (Ici, c’est l’enfer) nous dit-il.
Nous prenons rendez-vous fin aout pour organiser le voyage.
Dans le dédale du Spencer, un couple attire mon attention. Leur maigreur trahit la modestie de leur condition, elle porte un beau sari jaune et une guirlande de jasmin orne sa chevelure nattée, il est vêtu d’une chemise et d’un pantalon élimés mais propres et soigneusement repassés, ses cheveux légèrement grisonnants sont bien disciplinés et il est rasé de frais.
A les voir regarder de tous côtés avec curiosité et amusement je me dis que c’est probablement la première fois qu’ils pénètrent dans un lieu du consumérisme moderne. Ils se risquent sur l’escalator, elle serre en riant la main de son mari et, à l’arrivée, lève haut la jambe pour retrouver la terre ferme. Puis ils hésitent un instant devant l’ascenseur, continuent vers l’escalier, le descendent et hop, reprennent en riant l’escalator !
Ce soir la pluie tombe sur la ville, glissant sur les feuilles vernissées des palmiers, lavant les trottoirs et les rues poussiéreuses, tambourinant sur les toits de tôles et de tuiles, apportant un tout petit peu de fraîcheur à l’air surchauffé.
08:35 Publié dans Nouvelle chronique indienne | Lien permanent | Commentaires (7) | Envoyer cette note
Commentaires
Bon voyage chère Céleste, profite bien de chaque instant. Je suis tout à faire d'accord avec ton analyse concernant les transports aériens... mais cela serait-il faisable?
J'essaye de vous imaginer. Difficile car je ne connais pas du tout le sud de l'Inde.. ce sera pour une autre année car pour moi cet année le quota de kilomètre en avion est utilisé pour voir le Guatemala... en route vers l'Ouest.
S'il te plait, écrit le plus souvent possible.. un vrai régal!
Sandrine
Ecrit par : Sandrine | 30.06.2007
je n'ose te vanter les plaisirs des vacances chez soi, sentant bien que c'est chez moi un trait de caractère qui pourrait venir d'un coté ours et égoiste.
et pour les retours chez eux des immgrés, il est de fait que l'Inde est trop loin pour un autre mode de loccomotion.
Vous êtes superbes. Continue à bien regarder les gens
Ecrit par : brigetoun | 30.06.2007
Bonne vacances. et merci pour les photos : chouettes de voyager un peu avec toi. Trés chouette.
(et si tu vois Michel Rocard à l'hopital, je crois qu'il est en Inde en ce moment, bisous de notre part ^__^)
PS : je plussoie Bridge sur la derniere phrase (sur les autres aussi, mais la dernière est d'une justesse absolue ;-) )
Ecrit par : Falconhill | 01.07.2007
Bonjour Céleste, quel plaisir de te retrouver. J'aime te billets de voyage ! Merci.
Ecrit par : Fauvette | 01.07.2007
" une multitude de serveurs en chemises à carreaux, de porteurs, de gardes en tenue kaki qui sommeillent devant les pavillons.
Dans la gestion néolibérale des entreprises, et du type de société que veut nous infliger le nouveau président hexagonal, on économise sur le nombre d’employés et, tout en culpabilisant les exclus, on presse sans pitié l’énergie de ceux qui ont la « chance » de travailler.
Ce n’est apparemment pas la stratégie du New Woodlands. Ici des centaines d’employés travaillent peu (même s’ils font beaucoup d’heures) pour gagner peu, dans la bonne humeur."
oui je remarque ce fait (déjà remarqué dans d'autres circonstances) Voilà je crois quelque chose d'important (mais Quand, Quand les gens , intoxiqués, s'en rendront-ils compte? Bon, après trois décennies d'adoration des supermarchés (plus économiques!) quelques uns commencent à Boycotter les Grandes Surfaces, alors peut-on espérer?) quelque chose donc de très important:
On nous a tellement, comme vous le dites culpabilisés sur les emplois "peu productifs" à supprimer sans pitié et d'urgence!! à remplacer par des machines, le résultat étant outre un chomage féroce, brisant des vies (et des ménages) créant sur le marché du travail une féroce inégalité du demandeur face à l'offrant, faisant des travailleurs strssés, précarisant, précarisant le client aussi! qui cherche déséspéremment une station-Service pour sauver sa voiture de la panne sèche, ou un guichet qui pourrait le renseigner, etc, etc.
Bref à cela une question de bon sens: ne vaut-il pas mieux payer des tas de gens à "travailler peu pour gagner peu dans la bonne humeur" que de payer des chômeurs humiliés , controlés précarisés à ne rien faire (sinon faire semblant de chercher un travail qu'on ne leur refusera!) ?
N'est-ce pas plus sain, ne serait-ce pas plus sain pour une société la première solution? Et ne serait-il pas plus agréable, et sécurisant, pour tous de vivre dans une société où il y a des pompistes, des employés, qui à l'occasion attendent en tricotant derrières leurs guichets, mais sont, justement là , sur lesquels on peu compter, dans une société équippée, et où il n'y aurait pas toute cette délinquance, ce cercle vicieux de violence et de contôles, et d'humiliations, et de stress, crés par ce pressurage à la "rentabilité". Si l'Economie était politique et sociale (c'est ce qu'elle doit être portant!) et non monétaire et spéculative.
Ne croyez-vouspas que bien des gens préféreraient largement être payés peu à faire des petits boulôts pas forcément très intenses (tant mieux!) ni très productifs mais, qui représentent un STATUT une PLACE dans la société, que de "galérer" (et trembler de peur à la radiation!) et se sentir humiliés à mendier une allocation ou un RMI?
Mais je crois que certains interêts et certains esprits, et certaines idéologies, préfèrent la deuxième solution. Certains apellent ça le "Libéral-Fascisme"
http://www.syti.net/Topics.html
Stratégies planétaires
Ecrit par : Roland | 01.07.2007
Et que pensez vous de Mittal le roi de l'acier qui s'apprête à licencier en France? C'est la bonne et gentille culture indienne accueillante et aimante avec le monde occidental ? Mon Dieu que les choses sont compliquées, et l'amitié, la tolérance entre les peuples moins sirupeuse.
Ecrit par : Olivier | 02.07.2007
Intéressant point de vue sur les voyages en effet, je pense également qu'il faudrait un système contraignant de restriction des transports, mais, comme le dira un libéral, c'est contraire à la "libert" ... de polluer.
Très bonne réflexion sur le travail, Roland. Comme le dit Wacquant, le travail n'a jamais été aussi productif, alors à mon sens, soit on paie les gens à rien faire et on cesse de les incriminer, soit on leur donne le travail qui leur a été pris par des machine fabriquées par des chinois. Pour simplifier à l'extrème bien sûr.
Ecrit par : coco_des_bois | 11.07.2007
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