01.09.2007
Dix petits indiens
Histoire d’être sûr de pouvoir passer le long hiver bolognais scotché devant son ordinateur à faire des montages vidéo, Fabiolino a eu l’idée d’un autre documentaire portant sur les enfants de Namaste.
Filmés dans leurs vies quotidiennes, dix d’entre eux, d’où le titre « Dix petits indiens » répondent à une liste de questions, toujours les mêmes.
Ils parlent d’eux-mêmes, de ce qu’ils aiment ou n’aiment pas, de ce qui les effraie, provoque leur colère ou leur rire.
Certains ont récité des poésies, d’autres ont chanté et Sajan a exécuté un extraordinaire numéro de danse.
Tous ont tenu des discours sensibles et intelligents, mais une des filles nous a particulièrement impressionnés.
Elle s’appelle Ashna Shaji et a elle a treize ans. Elle vit dans une minuscule maison de boue séchée, dépourvue d’eau et d’électricité, en compagnie de sa mère et de son frère aîné.
Ses parents, un fier musulman et une belle hindoue, se sont mariés par amour, subissant ainsi les représailles de leurs deux familles, qui réunies dans la cruauté les ont unanimement rejetés.
Est-ce à cause de cela que le couple s’est séparé et que le mari, devenu violent, cherche continuellement à nuire à sa femme et à ses enfants, à tel point que, lorsque je demande à Ashna Shaji de quoi elle a peur, elle réponde sans hésiter « de mon père » ?
Sa maman a dû renoncer à son emploi d’infirmière, elle fait vivre sa petite famille en faisant le ménage chez des voisins et Namaste a trouvé un sponsor pour financer les études des enfants.
Heureusement, car Ashna Shaji est d’une intelligence stupéfiante. Bien que fréquentant l’école du gouvernement, réputée pour sa médiocrité, elle parle couramment anglais et a remporté un nombre incalculable de diplômes et de médailles en participant à des concours de poésie, d’élocution, de mathématiques ou d’informatique.
Sa maman nous montre fièrement une pile d’articles de journaux soigneusement découpés et que l’humidité régnant dans la maisonnette a ramollis, tous parlent d’elle et vantent ses incroyables talents.
Pourtant elle est née d’une mère hindoue, présente, attentionnée, qui lutte pour que sa fille, dont elle si justement fière, puisse étudier, devenir médecin comme elle le souhaite.
Le père musulman s’est quant à lui depuis débarrassé de tous soucis de genre.
Ce choix pourrait surprendre, mais en fait ce n’est pas un.
On ne devient pas hindou, on nait hindou, un point c’est tout. Fille d’un musulman, il est fort probable qu’elle ne soit pas considérée comme hindoue par ces derniers.
L’Islam, comme le christianisme lors de sa gloire (ce qui n’a pas manqué d’occasionner les carnages que l’on sait) et encore maintenant chaque fois qu’il le peut, a une politique expansionniste, l’hindouisme, non (ce qui ne signifie pas pour autant que tous les hindous soient de doux agneaux rêveurs et pacifistes, ils sont capables aux aussi, au nom de la foi, de massacres et d’ignominies).
Au vingtième siècle, à la suite de la vague gandhienne, quelques exceptions furent faites pour une poignée d’intellectuels occidentaux, mais, sinon, la règle est incontournable. Par contre, quiconque en a le désir peut à sa guise prier Shiva, Vishnou, Krishna ou n’importe quel des innombrables (ou presque) dieux du panthéon hindou.
Pour les musulmans, au contraire, chaque brebis est précieuse et qui provoque une conversion est dûment honoré.
La discussion avec Ashna Saji est passionnante. Elle se soucie d’écologie et voudrait que l’Inde soit nettoyée des monceaux de sac plastique qui, indestructibles, se répandent partout, s’accrochent aux feuillages, bloquent les ruisseaux. Pourtant, sa famille et elle ne participent guère à la gabegie, ils sont très très loin du consumérisme et du gaspillage.
Elle aimerait se rendre à New Delhi, pour voir le mausolée de Gandhi.
Je lui suggère d’adresser un message aux jeunes occidentaux de son âge :
Alors, d’une voix ferme, fixant l’objectif de la caméra, elle dit :
« Je leur demande de ne faire que des bonnes choses, de ne pas faire la guerre, de ne pas détruire la planète. »
Puissent-ils l’entendre !
07:20 Publié dans Nouvelle chronique indienne | Lien permanent | Commentaires (12) | Envoyer cette note | Tags : inde, kerala, namaste
Commentaires
l'entendre ils le feront certainement. Ils le disent aussi, même s'ils n'y pensent pas toujors (euphémisme) dans leurs actes). C'est plutôt puissent-ils s'en souvenir en grandissant
Ecrit par : brigetoun | 01.09.2007
woaou... quel beau temoignage. quelle personnalite.. je pense a elle et a sa grande sagesse. et je relaierai a ma petite mesure son message aux jeunes occidentaux
Ecrit par : Sandrine | 01.09.2007
Magnifique billet, magnifique enfant, magnifique message, un de plus, Céleste. On aimerait qu'ils soient relayés et surtout entendus.
Ecrit par : Otir | 01.09.2007
Message reçu. On s'efforcera de pas détruire la planette. De réfléchir un peu plus à nos blessures, pour éviter d'empoisonner le monde avec.
Ecrit par : wajdi | 01.09.2007
Céleste,
Je t'ai lue autant que j'ai pu.
Pas assez de force pour écrire mais mon coeur est avec toi et Fabio.
Je t'ai écrit en privé.
Tu le trouveras en rentrant.
Tu nous a régalés de ton journal de bord.
Tes yeux ont vu pour les nôtres.
Bises
Ecrit par : corinne | 02.09.2007
Merci pour ces explications et les photos, toujours sublimes !
J'ai hâte de voir le documentaire ;)
Ecrit par : Fiso | 03.09.2007
Vraiment interessant, comme d'habitude, ces temoignages d'un vecu que nous ne connaitrions jamais si tu n'etais pas allee au-devant de ces gens si eloignes de nous.
Ecrit par : amarula | 03.09.2007
ces souhaits infiniment répétés....comme une litanie par tous les enfants du monde
la vie n'est faite que de rencontres, Céleste, heureuse femme.....
Ecrit par : zigzag | 05.09.2007
céleste,
Quelles magnifiques images, quelles passionnantes histoires.
J'ai suivi moi aussi ton périple avec grand intérêt.
Si je suis retée muette, c'est que les mots ne venaient pas, à part des platitudes inutiles.
Merci de nous avoir si bien restitué les images d'une région si fascinante.
Et bonne reprise.
Ecrit par : emcee | 06.09.2007
Toutes et tous, merci
Rendue muette par le choc du retour je n'ai pas pu vous répondre plus tôt, nouveau texte dans l'après-midi.
la chronique indienne continue, j'ai encore beaucoup de choses à vous raconter...
Ecrit par : céleste | 07.09.2007
et en plus elle est belle ! c'est reconfortant de voir que de si belels fleurs peuvent pousser sur un tas d'immondices !
Ecrit par : joline-103 idées | 07.09.2007
Elle est sacrément épatante Ashna Saji.
Elle a déjà la sagesse des grands !
:-)
Ecrit par : filaplomb | 08.09.2007
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