07.09.2007
Rentrer
Voilà, je suis à Bologne.
J’ai patienté dans des aéroports aseptisés et pris des avions bondés dont la population était soigneusement divisée. En haut et à l’avant les riches, ceux qui ne voyagent pas mêlés à la populace de la classe économique, mais entre eux, chouchoutés par les hôtesses mielleuses, ceux qui ne font pas la queue pour les contrôles policiers, mais qui passent fièrement, sûrs d’eux, affichant l’arrogante impunité de qui se pense appartenir à une élite, alors que dans la longue file des autres, de ceux qui ne voyagent ni pour affaires, ni pour tourisme, mais parce que les vicissitudes de la vie, la pauvreté, les dissidences politiques les ont contraints à l’immigration, de ceux dont certains indignes pays occidentaux ayant depuis longtemps oublié de sens du mot solidarité et dépourvus de moindre vision de l’avenir ne veulent plus, des anciens à la peau parcheminée et aux mains tremblantes, des jeunes femmes enceintes, des bébés exténués attendent debout pendant des heures.
J’étais du bon côté de la barrière, là où j’aime être, avec les pauvres, avec les femmes en sari coloré, avec les moustachus basanés, avec les bébés aux grands yeux sombres, avec trois touristes occidentaux qui, comme moi, avaient encore dans les yeux la magnificence colorée, le somptueux chaos de l’Inde.
Bologne est froide et triste, bien proprette et bien rangée, faisant son maximum pour répondre aux vœux de son maire, un maniaque de l’ordre.
Je n’aime pas l’ordre imposé.
Rien ne m’angoisse plus qu’un univers trop ordonné où chaque chose a sa place et chaque place a sa chose, ou sa personne.
Dans le nouvel ordre économique mondial les choses ont plus d’importance que les êtres humains, ceux-ci n’étant plus appréciés que comme esclaves consommateurs, chair à usine, cerveaux vidés afin d’y imprimer la propagande mercantile.
Perdre sa vie à la gagner.
Y perdre aussi son âme, sa créativité, sa fantaisie.
Je ne connais qu’un seul luxe: avoir le temps.
Le temps de flâner, de penser, de rêver, de créer, de jouer avec des enfants, de regarder les autres, de leur sourire. Le temps de profiter pleinement de chaque instant de ce truc merveilleux, la vie.
En Inde la vie est partout, dans les rues, dans les campagnes, dans les temples et les marchés, bruyante, indisciplinée, active ou paresseuse.
En occident elle se cache, se terre dans des immeubles de verre et d’acier, dans des galeries commerciales où, dans ce monde artificiel qui se prétend libre et civilisé, des boutiques interchangeables proposent des uniformes coûteux dont les critères ont été soigneusement élaborés par les marchands de textile qui vendent aussi des armes, des livres, des journaux dont le contenu, dûment contrôlé, chante les louanges du dirigeant politique, méprisable pantin qu’ils ont acheté pour servir leurs intérêts et qui s’agite hystériquement pour leur complaire, entraînant dans son sillage courtisans et flagorneurs, corbeaux cyniques et crétins avides.
Je n’ai pas pour autant une vision idéaliste, idyllique de l’Inde, je connais ses défauts, et en ce qui concerne son avenir j’oscille entre pessimisme quand je la vois se précipiter avec enthousiasme là ou nous sommes nombreux à ne plus vouloir aller, c'est-à-dire dans le mur, et optimisme car son peuple, le peuple de Gandhiji, est capable d’une extraordinaire capacité de résistance, d’une infinie patience.
Comme je suis très peu rentrée et que j’ai beaucoup de retard, la chronique indienne continue.
14:40 Publié dans Nouvelle chronique indienne | Lien permanent | Commentaires (15) | Envoyer cette note | Tags : Inde
Commentaires
En commentaire de ce texte et de ces photos, je ne peux pas utiliser mon vocabulaire habituel pour te dire tout le bien que j'en pense. C'est bien dommage, c'eût été fort fleuri.
Ecrit par : franssoit | 07.09.2007
Bon retour en Occident
J'ai peur que pas grand chose n'ait changé, surtout n'allume pas trop vite la télé...
bises...
Ecrit par : fanny | 07.09.2007
Très beau et très juste : tu vois au-delà des apparences. Veille à ne pas trop faire souffrir ton esprit!
Grandes bises spontannées.
Agnès
Ecrit par : Le Monolecte | 07.09.2007
c'est avec ce genre ce texte que l'on transmet l'envie de partir Céleste...toujours bcp de plaisir intense à la lecture de ce blog.
Ecrit par : zigzag | 07.09.2007
céleste, réveuse ... l'ordre économique a toujours été celui ci ... il a simplement eu besoin d'un peu plus d'ampleur de mouvement, donc on a fait sauter quelques gardes fous ... mais rien n'a foncièrement changé depuis Vallès ... rien n'a foncièrement changé depuis les canuts ... les "unter" ont juste appris à aimer leurs chaines ... en plus de leur résistance et de leur patience de chien battu ...
repars souvent Céleste, au moins là bas tu peux te sentir active ...
Ici, nous, les "unter" nous apprenons à avoir peur ...
Ecrit par : les marques | 07.09.2007
Regarder au delà des apparences tout en conservant sa capacité d'indignation et d'émerveillement telle pourrait être la devise de tes chroniques indiennes. Bon retour en Europe. Amitiés.
Ecrit par : Mohamed | 07.09.2007
Continue Céleste à nous offrir ce grand souffle rafraichissant. Je ne doute pas qu'à Bologne aussi tu sauras quoi nous raconter... Vraiment plus rouge, alors, la ville de Pasolini?
Bravo pour tes chroniques indiennes. Je ne me sis pas manifestée parce qu'elles se passaient de commentaires...
Ecrit par : valdo lydeker | 08.09.2007
. Gommons un peu les tares, boutiques et uniformes de l'occident. Une croisade, Céleste, on s'y met et zut pour les regards !
bon le gout des voyages moi qui suis malade à la seule idée de mon trajet pour Saint Germain en Laye je ne prétendrai pas l'avoir
Ecrit par : brigetoun | 08.09.2007
Celeste vouloir faire de la misere un art de vivre,c'est trés poetique,mais aussi trés tragique car cela fait l'impasse sur les difficultés a survivre de ces populations Ah le bon temps des sabots de bois et des lessives aux lavoirs
Ceci dit,je vous envie de pouvoir voyager dans cette misere et de n'y voir que du beau
Ecrit par : antimythe | 08.09.2007
Ca fait longtemps que l'Inde m'attire comme si elle était une source de beaucoup de choses, y compris cet amour de la vie désordonnée, ou plutôt non-ordonnée.
Je suis un peu inquiete de la voir s'avancer vers notre modernité comme si notre modèle était au-dessus du leur, supérieur, alors que c'est elle qui a à nous apprendre…
Merci ! :-)))
Ecrit par : filaplomb | 08.09.2007
Encore de très belles images.
;-)))
Ecrit par : Eric | 09.09.2007
Bon retour. Supers images en tous cas. Beau voyage pour nous en tous cas, merci
Ecrit par : Falconhill | 09.09.2007
Quel beau billet.
Et surtout que ces lignes sur les voyages en avion sont justes et la situation terriblement bien observée.
Ecrit par : Claudius | 09.09.2007
* Svp, confirmez la réception de ce courriel et faites circuler l'information. Merci !
* Lisez GRATUITEMENT et faites lire L'ÉTAU POLICIER sur le site suivant : http://www.etaupolicier.com ou www.etaupolicier.com
C'est le titre d'un livre de 278 pages relatant une grande enquête journalistique de plus de six années sur les activités illégales et clandestines de la police en civil du Québec. Dans ce monde de l'ombre et du silence, les droits et libertés ne valent rien. La problématique n'est pas typique au Québec, elle est universelle, les tactiques policières étant les mêmes partout. Bref, peu importe le pays où vous habitez, la police en civil ( municipale, régionale, provinciale ou nationale ) procède ainsi.
Mon nom est Jacques Martel, journaliste québécois depuis près de 40 ans. J'ai pratiqué mon métier dans des stations de la radio régionale, ensuite au quotidien Le Droit d'Ottawa, à la télé de Radio-Canada d'Ottawa, de Montréal et enfin dans l'Ouest canadien pour le Téléjournal. À titre de journaliste indépendant, j'ai effectué l'enquête et écrit L'Étau Policier, le premier d'une série de trois. Ils ont tous été rédigés selon les règles journalistiques et ne contiennent ni propos diffamatoires, ni d'incitation à la haine, au vandalisme et autres violences.
Sur le site, vous pouvez lire GRATUITEMENT le livre au rythme de 5 pages chaque jour.
Ecrit par : Jacques Martel | 06.10.2007
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Mon nom est Jacques Martel, journaliste québécois depuis près de 40 ans. J'ai pratiqué mon métier dans des stations de la radio régionale, ensuite au quotidien Le Droit d'Ottawa, à la télé de Radio-Canada d'Ottawa, de Montréal et enfin dans l'Ouest canadien pour le Téléjournal. À titre de journaliste indépendant, j'ai effectué l'enquête et écrit L'Étau Policier, le premier d'une série de trois. Ils ont tous été rédigés selon les règles journalistiques et ne contiennent ni propos diffamatoires, ni d'incitation à la haine, au vandalisme et autres violences.
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Ecrit par : Jacques Martel | 06.10.2007
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