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09.09.2007

V-day or not V-day?


Hier, en Italie, répondant à l’appel de Beppe Grillo, initiateur du Vaffanculo-day, (que l’on traduira par le « va te faire foutre-day ») des milliers de personnes sont descendues dans la rue, ont occupé les places et un « projet de loi populaire » destiné à éliminer des rangs des parlementaires italiens ceux d’entre eux qui ont maille à partir avec la justice, a récolté presque 300 000 nouvelles signatures.
Le texte proposé stipule qu’«aucun citoyen ne peut être candidat s’il a déjà été condamné ou s’il est en attente de jugement», qu’«aucun citoyen italien ne peut être élu plus de deux fois. La règle étant rétroactive» et que les «candidats doivent être désignés par les citoyens» et non plus par les partis politiques.

A Bologne, ils ont été  50 000 à venir écouter le comique-agitateur-bloggeur-activiste-guru.
Pour être honnête, je n’avais pas l’intention (en autre pas paresse) d’en parler sur ce blog et puis ce matin, un bloggeur m’a envoyé un mail pour me demander ce que je pensais de ce V-day.
Et comme je me suis fendue d’une longue réponse, j’ai pensé, en la lui envoyant, que peut-être d’autres parmi vous pourraient être intéressés.

Prenons les événements dans l’ordre.

Hier après-midi, avachie sur le canapé, j’étais occupée à me demander mollement si oui ou non (en penchant vers le non), j’avais envie d’aller Piazza Maggiore pour participer à un événement, qui, même si j’en approuvais l’idée de fond – l’honnêteté étant à mon sens le minimum que l’on puisse attendre d’un élu- me gênait à divers titres (d’une façon jusque là diffuse mais que ce matin j’ai tenté de clarifier)  quand on a sonné à la porte.

C’était Rapa !
Rapa de Sierra Leone, vous vous en souvenez ?

Il s’est assis à mes côtés, je lui ai acheté des chaussettes à rayures et nous avons papoté.
Je lui ai raconté mon été et il m’a décrit le sien : les heures passées à marcher sur les plages de l’Adriatique, le sac pesant qui lui provoque des douleurs dans l’épaule et le dos, les touristes qui n’achètent rien, ou si peu, les nuits dans le sable qui au petit matin devient froid et hostile, « Mais, quand même, dit-il, c’est mieux que dormir sur le goudron ou sur un banc », la famille dont il n’a pas de nouvelles depuis des années, les copains de rencontre, et le retour vers la ville car la saison estivale est finie.

C’est alors qu’en l’écoutant, j’ai repensé à ce que Grillo a écrit sur l’immigration et qui ressemble fort aux discours de la Lega Nord, ou à ceux de la droite Sarkozienne. L’idée de base étant : « chacun chez soi et les vaches seront bien gardées. »

Alors quand Rapa, petite silhouette bancale, s’est éloigné sur le trottoir, j’ai décidé que, même par curiosité, je n’irai pas sur la place, car, tout bien réfléchi, même si je rejoins Beppe Grillo sur un certains nombre de points : lutte contre le néolibéralisme, contre la précarité, contre la corruption et contre les castes politiques, défense de l’environnement, je n’adhère pas, à l’ensemble de son discours, je ne suis pas non plus sous son charme, je ne le  trouve pas particulièrement drôle car trop outrancier, et souvent superficiel.
Pour finir, le truc qui ne passe pas, c’est sa prétention à se placer au-dessus de la politique, en affirmant haut et fort que « le concept de  gauche et de droite, n’a plus de sens»
Et là, je ne suis pas du tout, mais alors pas du tout d’accord !
Chaque fois que j’ai entendu quelqu’un dire ça, finalement, c’était quelqu’un de droite !
Que beaucoup des représentants médiatisés des prétendues gauches italienne et française soient des bouffons patentés et opportunistes, ok.
Que les mêmes bouffons cèdent aux sirènes du libéralisme en proposant à la populace (c'est-à-dire nous) des tubes de lubrifiant, ok.
Mais il y a quand même, entre un modèle de société humain, solidaire et laïque qu’ont défendu depuis des années des gens vraiment de gauche, et l’égoïste conservatisme marchand typique des sociétés gérées par la droite, une différence notable !

Bref, la Grillomania, qui touche, effectivement, des gens de gauche comme de droite, comme en témoignent son succès et les innombrables commentaires (souvent affligeants) que l’on peut lire sur son blog, ne m’a pas atteinte !
Elle est surtout à mes yeux le symbole de l’exaspération des Italiens, qui assistent chaque jour, impuissants, à l’inexorable dégradation de leur qualité de vie, de leurs conditions de travail et de leur pouvoir d’achat, alors qu’une minorité de nantis se goberge insolemment.

Par contre, s’il y a bien un enseignement à retenir de ce V-day, c’est son énorme participation, obtenue grâce à Internet, grâce aux blogs.

Si l’on avait encore un doute sur l’efficacité de ce type de communication, qu’il soit immédiatement levé !

Internet est bel et bien un fantastique outil de communication, et non pas un truc ringard - has been - passé de mode comme on voudrait nous faire croire actuellement (comme par hasard) qui permet de contourner les médias traditionnels et leurs journalistes inféodés au pouvoir.

Il est entre nos mains, youpi !








Commentaires

ce mouvement a été initié par les bloggeurs ou relayé ?
Oui bien sûr cela peut avoir un bel impact mais j'ignore le taux réel des habitants d'un pays à s'informer sur le web malgré tout, n'est ce pas toujours assez confidentiel ou élististe ?
Ceci dit bel élan encourgeant !

Ecrit par : zigzag | 09.09.2007

C'est un genre de néo-poujade, ce M Grillo?
Quel dommage que - comme en France d'ailleurs- seuls les opportunistes et non la Gauche s'emparent du thème pourtant brûlant de la corruption.
Chez nous il y a bien une pauvre loi sur le non-cumul des mandats, mais qui l'applique?

Ecrit par : fanny | 09.09.2007

"un « projet de loi populaire » destiné à éliminer des rangs des parlementaires italiens ceux d’entre eux qui ont maille à partir avec la justice"

Ça part d'une bonne intention, mais il y a une couille dans le potage, si je puis dire : avec votre système, José Bové ne peut donc pas devenir parlementaire, lui qui a fait de la prison sous des prétextes falacieux visant à punir son engagement syndical.

De notre côté des Alpes, le syndicalisme est en voix de criminalisation. Résultat, on transforme facilement un opposant en repris de justice multi-récidiviste pendant qu'on nomme des procureurs-copains dans les tribunaux-clés, ce qui permettra d'avoir des relaxes ou des peines d'inégibilités limitées dans le temps pour les copains.

D'ailleurs, chez nous, la dépénalisation de la délinquance en col blanc est à l'étude, pendant qu'on abaisse l'âge de la responsabilité pénale des gosses et qu'on applique des peines-plancher aux voleurs de pizzas et scooters!

Donc, bien réfléchir à ce que l'on souhaite vraiment et donc à ce que l'on demande, parce que chez nous, c'est criminalisation de la pauvreté et des syndicalistes en même temps que l'on s'apprête à ferme les yeux sur la corruption...
Ce qui revient donc, selon votre proposition, à verrouiller durablement l'accès au pouvoir entre potes, puisqu'il suffit de balancer les opposants devant la justice pour les rendre définitivement non éligibles...

Ecrit par : Le Monolecte | 09.09.2007

Assez d'accord avec Le Monolecte (et aussi avec ton scepticisme, Céleste). Tout cela semble bien hystérique. Selon moi, les actions organisées sur les blogs, réunissant des masses, relèvent trop souvent du lobbying, plutôt que de la démocratie. Il y a effet de masse, suivisme. Mais la réflexion, ou est-elle?

Ecrit par : Eric | 09.09.2007

@le monolecte

excellente remarque!

tu as parfaitement pointé les limites de ce que prononce Beppe Grillo (le point m'avait échappé, j'avais superficiellement pensé à la corruption, aux escroqueries, c'est pourquoi je parle d'honnêteté )

c'est la porte ouverte à tous les abus, ce qui devenir effrayant.

Au fond, c'est bien ça qui me gêne chez Beppe Grillo, la superficialité, les amalgames, et la foule (majoritairement de gauche) qui le suit sans discernement, faisant de lui un guru.

@à toutes et tous
très bel article chez zigzag

Ecrit par : céleste | 09.09.2007

ouai, au début j'ai admiré et j'ai pensé que les gens d'"anticor" en France aimeraient bien avoir le même succès.
Mais le "chacun chez soi" et "pas de différence entre la gauche et la droite" le classe dans la ligne d'un Bayrou raciste.
Comme la cause de lutte contre la corruption est importante, amener la gauche à la reprendre à son compte. Si c'est comme ici, je vous souhaite bon courage

Ecrit par : brigetoun | 09.09.2007

pour internet j'ai tout de même une réserve, cela laisse en dehors la bourgeoisie installée et surtout la masse un tantinet défavorisée. Cela mobilise à plein c'est vrai, mais uniquement une portion assez réduite des populations

Ecrit par : brigetoun | 09.09.2007

@brigetoun et zigzag

l'initiative est partie du blog de Beppe Grillo;
et malgré les limites que souligne brigetoun, la foule était au rendez-vous.
partant des blogs, la nouvelle a été répandue de bouche à oreille et pas une campagne d'affichage faite par des bonnes volontés.

mais il est tout à fait vrai que la "masse un tantinet défavorisée", qui n'a pas les moyens d'avoir un ordi reste en dehors (comme elle n'a pas non plus accès à la presse écrite, elle est condamnée à la télé et à Pujadas)

c'est bien pour ça qu'il faut se remuer

Ecrit par : céleste | 09.09.2007

Personnellement, je ne pense pas qu'il faille empêcher quelqu'un de condamné d'être élu.

D'une part, les électeurs sont quand même assez grands pour savoir ce qu'ils ont à faire (oui, je sais, des fois on se demande). D'autre part, un délinquant qui a purgé sa peine devrait être quitte vis à vis de la société.

Ecrit par : franssoit | 09.09.2007

il faut replacer ce projet dans de loi dans le contexte italien, pour comprendre pourquoi il a un tel succès.

en Italie, une vingtaine de parlementaires sont actuellement condamnés par la justice pour extorsion de fonds (publics ou non), corruption, pots de vin...etc
certains d'entre eux doivent même pointer tous les matins à la police.

et les Italiens en ont marre

d'accord avec
@ franssoit, un délinquant qui a purgé sa peine devrait être quitte vis à vis de la société, mais disons qu'en Italie, ils sont entrain de la purger, et de façon minime, car élus, donc importants.

en ce qui concerne les électeurs, en Italie, ils ne votent pas pour un mec, mais pour un parti, et c'est le parti qui décide qui va y aller.
donc on peut fort bien, de toute bonne foi, élire une crapule.

Ecrit par : céleste | 09.09.2007

J'apprends beaucoup en lisant et le texte, et les commentaires. Eric et son excellent blog avait déjà parlé de ce bloggueur humoriste italien, et c'est évident pour moi que le post de Celeste me donne envie d'en savoir plus.

Maintenant, je plussoie ceux qui voient en cet homme un populisme peut être un peu facile. Populisme vs d'autres populismes sans doute, mais quand même...

Quant à interdire ceux qui ont eu maille avec la justice d'être élu ? J'étais de cet avis il y a quelques temps... Aprés, je ne sais pas. J'ai quand même du mal à me dire que la justice, quand bien même "elle rend la justice au nom d'un peuple", est plus forte que le peuple lui même...
Maintenant, quand je vois des Balkany être confortablement réélu, un Carignon être plébiscité par les militants (achetés ou non) de son parti, un Freche qui siége avec le même coté monarchique sur la région Languedoc Roussillon, je me pose certaines questions... Mais quand même, le peuple me paraitra toujours souverain, même s'il fait parfois de grosse et coupable connerie. Et dans ce cas n'est pas la faute des élites qui n'ont pas su montrer la bonne voie ?

Sur ce dernier point de la justice, je suis toujours un peu choqué d'entendre les récriminations faites sur Fabius et DSK par certains. Je suis de droite, mais je suis choqué d'entendre dire 'oh, ils sont quand mêmes coupables et pourris'. Oui mais la justice les a blanchi... 'oh, mais "on sait ce que c'est la justice"'. Ca laisse des traces indélébiles.
Donc interdire à être élu tous ceux qui ont eu maille avec la justice ? Non, j'aime pas forcément cette idée, aux électeurs de faire le choix, au peuple de garder la main. Populiste ? Peut être...

Beppr Grillo pose en tous cas de bonnes questions. Et merci Céleste (et Eric avant) d'avoir, de nous avoir, présenté ce personnage.

Bon retour en Europe Céleste

Ecrit par : Falconhill | 09.09.2007

Bonjour,
j'ai lu les commentaieres concernants le phénomène de Beppe Grillo. Je suis très contente de savoir que tout ça a dépassé les frontières et permet aussi à d'autres européens de s'interroger sur les sursauts de démocratie qu'on enregistre dans notre continent. Je voudrais juste faire une précisaion: ne melangez pas Beppe Grllo et la Ligue du Nord. Il n'a jamais lancé des propos racistes et il est bien loin de M. Bossi. Je reconnais qu'il utilise quelques fois des expréssions un peu "fortes" mais, pour bien comprendre le phénomène, il faut savoir dans quel contexte l'Italie se trouve au jourd'hui: la crise économique déjà grave est rien par rapport à la décadence morale, culturelle et sociale. La Mafia s'est emparée de toutes les institutions centrales et locales: des représantants des associations mafieuse son au pouvoir dans les conseils municipaux et dans les apparats de dirigence des sociétés publiques..J'ai vécu 7 ans en France et je vous assure que la réalité dans laquelle les français vivent tous les jours est bien différente. Je me demande aussi si ils peuvent même comprendre ce que signifie vivre dans un Pays où on est à la mercie de n'import quel voiyou qui, derrière une prétendue idéologie de droite ou de gauche (c'est vraie:en ce moment en Italie il n'y a plus de représentants de droite ou de gauche mais seulement de la concussion), décide de la vie et de l'avenir d'un Pays. A suivre

Ecrit par : paola | 13.09.2007

A différence de la France, l'Italie n'a jamais conquis la démocratie: on est passé de plusieurs petits Etats à un Royaume piemontais, non reconnu de la plus part des "nouveaux italiens", à une dictature et puis à une démocratie "imposée" par les Alliés, après la II Guerre mondiale:on n' a jamais descendu dans la rue pour combattre et revendiquer la démocratie. On peut saluer le mouvement des "Grillini" comme la prise de la Bastille italienne.Je vous assure que tout ça a aidé à redonner de l'espoir au milliers de gens que jusqu'ici ne voiait qu'une seule solution à cette impasse: partir. Je vous prie de continuer à pointer la lumière sur ce phénomène: malheureusement, en Italie la presse et les télévisions sont sous le joug, voir contrôle, des partis politiques et le seul moyen pour faire passer des idées "hors du chorus" c'est le Web ou les journaux européens. Pour mieux compendre ce que j'ai écrit, je vous suggère de lire un très beau livre: Gomorra de Roberto Saviano, traduit en français par Gallimard, et un article paru sur le TIME http://www.time.com/time/nation/article/0,8599,1649122,00.html

Ecrit par : paola | 13.09.2007

merci Paola pour toutes ces importantes précisions.
la réalité italienne est en effet bien différente de la réalité française.

en ce qui me concerne, vivant à Bologne, je suis relativement en dehors du système mafieux qui sévit de façon systématique dans d'autres régions (je m'en rends compte quand nous allons dans les Pouilles, rendre visite à la famille de Fabio).

La situation française est aussi en train de se dégrader à une vitesse vertigineuse.
c'est la démocratie qui est menacée dans cette partie de l'Europe.

je suis persuadée que l'on peut encore agir, entre autre par le web, et même si j'ai certaine réserves par rapport à Beppe Grillo (peut-être due au fait que je suis française, ma grille d'analyse est probablement différente), le V-Day a prouvé l'efficacité de ce moyen de communication.

je note immédiatement les ref du livre de Saviano

Ecrit par : céleste | 13.09.2007

Je comprends que la façon de faire de Grillo suscite des perplexités, mais avant tout, comme lui même souligne, il n'est qu'un comédien et il doit théatraliser certaines expressions pour faire en même que tout le monde s'interesse à la réalite qui l'entoure. Le fait qu'il existe un phénomène Grillo doit faire penser à quel point en Italie on vit dans un pot sous vide: les nouvelles qui concernent la vie des citoyens on doit les chercher sur le blog de Grillo et sur d'autres (parce que il n'ya pas que Grillo mais aussi Travaglio, Sabrina Guzzanti, Daniele Luttazzi et bien d'autres): Grillo a juste sonné la trompette d'alarme et il nous a fait découvrir que outre au Calcio et la Star Ac' il y a des choses bien plus importantes. C'est à nous de garder l'esprit critique et de juger ce qu'il écrit ou il dit (personnelment, je ne me trouve pas toujours d'accord avec lui mais grâce à Internet je peut confronter différentes opinions et construire la mienne). Et justement à propos de la mafia: c'est grâce au livre de Saviano et au meet up des amis de Grillo de Gênes que j'ai découvert que la mafia est bien installée, plus que jamais, au Nord de l'Italie (et partout en Europe)y compris en Emilie, la région de Bologne:mais les journaux s'occupent de la nécessité de créer un nouveau parti politique.. Merci pour cet échange d'idées et ciao, je vais travailler (mange un peu de tortellini pour moi!!)

Ecrit par : paola | 13.09.2007

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