01.10.2006
En train Céleste !
Et n’en déplaise à tous les contempteurs du sous-continent qui l’ont trop souvent décrit comme un vaste cloaque puant peuplé d’analphabètes miséreux, ça marche !
Les trains ne sont ni plus ni moins ponctuels qu’en France, et plutôt plus qu’en Italie.
Ils est vrai, par contre, que leur état de propreté et de délabrement est variable. Il va du grand luxe, cher, pour les premières classes prestigieuses qui existent sur certaines lignes, au franchement craspouille, peuplé de rats et de cafards, pour les trains populaires qui joignent les grandes villes. Mais dans ce cas, revers positif de la médaille, il est extrêmement bon marché (moins d’un euro pour cent kilomètres) ce qui fait que tous peuvent se permettre de l’utiliser.
Et tous l’utilisent.
Quelqu’un, dont malheureusement j’ai oublié le nom, a très justement dit « L’Inde n’est pas composée d’un milliard de personnes, mais d’un million de groupes de mille personnes qui se déplacent en continuation ».
Pour rendre visite à la famille.
Pour aller en pèlerinage, les hindous en accomplissent au moins un par an. Et toute la famille, s’entasse dans le train : ammachi, appachi, papa, maman et les enfants, pour traverser l’Inde. Car les longues distances ne les effraient nullement. Ils effectuent sans sourciller des trajets durant 20 ou 30 heures. Il me faut quand même préciser que non seulement les trains ne sont guère rapides, mais qu’en plus ils suivent souvent des itinéraires biscornus qui défient toute logique.
Peu importe, dans le train on vit, on mange, on dort, on dort beaucoup, on papote avec ses voisins, on fait la manche, on joue et on boit du thé.
A ce sujet, si d’aventure vous devez prendre un train indien, appliquez à la lettre la bonne vieille consigne « Il est dangereux de se pencher par la fenêtre, é pericoloso sporgersi, do not lean out of the window », que vous connaissez par cœur pour l’avoir lue des centaines de fois dans les trains européens.
Sinon, tendant une tête imprudente vers l’air frais afin d’échapper à quelque relent nauséabond, vous risquez fort de recevoir en pleine tronche le fond d’un gobelet de thé qu’un voyageur, semblable à tous les autres, aura balancé sans façon par la fenêtre.
Les Indiens n’ont pas toujours la culture de la poubelle, rien à faire, ils résistent. Ce qui crée bien évidemment un grave problème d’éparpillement des immondices, surtout à l’approche des métropoles.
Réserver sa place dans le train n’est pas chose aisée. Il faut tout d’abord le trouver, ce qui n’est pas toujours simple car le système de classification obéit à une logique qui n’a rien à voir avec celle de la SNCF.
Mettons que je sois en France et que je veuille aller de Châteauroux à Orléans, je vais à la gare, je regarde le tableau d’affichage où les trains sont classés par heures, je choisis celle qui me convient et je vais réserver ma place. Facile.
En Inde, non.
Sur les tableaux les trains ne sont pas classés par horaires, mais par ligne et chacun porte un nom.
Par exemple, je veux aller de Kumbakonam à Trichy (environ 60 kilomètres). Je dois repérer sur le tableau les trains qui passent par Trichy, la particularité n’étant pas signalée, c’est à moi de le savoir. Donc je vais devoir comprendre si pour aller à Trichy je dois emprunter le Chennai-Trivandrum, ou le Calcutta-Bangalore.
Mystère.
Une fois résolu, je remplis une petite fiche où, en plus des coordonnées exactes des places que je veux acheter (là aussi casse tête, il existe une demi-douzaine de classes différentes), l’on me demande mon nom, et mon âge.
Ensuite je fais la queue, en faisant gaffe de ne pas me faire doubler, car les Indiens s’enfilent sans vergogne dans le moindre espace entre deux personnes.
Tout cela dure des heures, pour voyager en train il faut avoir le temps.
Mais c’est un enchantement, une découverte sans cesse renouvelée, et tandis que s’étirent les paysages, rafraîchie par la brise qui vient de la fenêtre ouverte, j’explique à ma voisine, toute menue dans son sari rose, que je suis « Frrrrench » et elle balance la tête en souriant.
10:50 Publié dans Chronique indienne | Lien permanent | Commentaires (12) | Envoyer cette note
Commentaires
je préfère nettement ces voitures au fond confort des sièges moletonnés et préformés des trains français qui font que je voyage debout dans le minuscule espace laissé dans ce but (mais sur le TER de ma région on revient aux voitures avec couloir, j'adore) - donc si je pouvais faire ce voyage me faudrait trouver un ou une indienne comme compagnon et le charger de l'achat des places
Ecrit par : brigetoun | 01.10.2006
au "faux" confort, je ne sais ce que le fond vient faire la dedans, ou mon subconscient appelait ainsi ce que maman appelait mon popotin
Ecrit par : brigetoun | 01.10.2006
Ce texte plein de vie me rappelle les trains africains,
en particulier le Douala Yaoundé
qui mettait quasiment 20 heures à franchir deux cent kilomètres
de ligne droite entre les futs de la forêt équatoriale,
avec les gosses qui marchaient au pas le long de la voie,
nous tendaient des fruits,
montaient et s'amusaient sur le toit des wagons
les cris des animaux dans la nuit,
les camions s'en-fout-la-mort qui s'amusaient de notre lenteur dans un bain de poussière
le déraillement systématique de la loco à l'arrivée qui avait lieu à trois cent mètres de la gare... et pour cause.
...
Ecrit par : Viviane Lamarlère | 01.10.2006
Un train où les gens se parlent, se regardent sans arrière-pensée.
Un train où l'on ne se regarde pas en chien de faïence.
Ce train-là n'existe plus en France.
Entre les baladeurs de certains qui doivent leur exploser les tympans puisque un wagon plus loin tous les voyageurs peuvent profiter de la musique qui n'est pas toujours du genre à "adoucir les moeurs".
Les mal embouchés, les mal éduqués sont plus présents que la personne qui a envie d'être agréable pendant le trajet avec l'autre voyageur, celui qui occupe le siège d'à -côté, en entamant la conversation.
Ca arrive mais c'est de plus en plus rare.
J'ai pris du plaisir récemment à converser de Paris jusqu'au Havre avec un voyageur africain d'une soixantaine d'années. Il venait du Sénégal pour aller rendre visite à un de ces frères.
Il parlait, il riait. Nous avons échangé sur la vie en général.
Je n'ai pas vu le temps passer.
Arrivés au Havre, il s'aperçoit que je suis attendue sur le quai par mon mari et mon fils. Il m'interroge : "C'est ton mari et ton garçon ?"
Je réponds par oui.
Il s'adresse à mon mari et lui dit : "Ta femme est très gentille. Tu as de la chance. Il faut la rendre heureuse."
Il regarde mon fils et se tourne vers moi : "Tu m'as dit que ton fils est très beau. Il est très beau car ses parents l'aiment beaucoup."
Il m'a serrée dans ses bras.
C'est un beau souvenir de mes voyages hebdomadaires où j'ai rarement la chance de cotoyer un aussi exceptionnel compagnon de route.
Je suis plutôt habituée au voisin ou voisine qui joue avec une console, un ordinateur où passe tout son temps sur son portable à faire profiter tout le wagon de sa conversation...privée.
Moi, je dors. Je m'évade.
Ecrit par : corinne | 01.10.2006
Mes souvenirs a moi sont sur la ligne Tamatave-Tananarive ou, de temps en temps, nous descendions du train pour courir un peu à côté ...
Ecrit par : amarula | 01.10.2006
Je voyage très rarement en train, mais celui-ci en ta compagnie m'a bien plu.
Ecrit par : tanette | 01.10.2006
Rien à voir avec les voyages en France, effectivement. Du moins la plupart du temps.
Un voyage en train dont je me souviens, c'est un Perpignan-Lyon, un grand voyage avec mon tout petit qui avait 3 ans à l'époque.
Dans les wagons de TGV, d'habitude c'est chacun pour soi, et les enfants sont assez mal vus car pertubateurs. Mon fils, qui a un naturel liant, est passé de genoux en genoux, et s'est fait lire douze fois Boucle d'Or par des voyageurs de tous les âges et toutes les conditions sociales... jusqu'à aller se planter devant un vieux monsieur qui plutôt que lire nous a racontés à tous ses vingt années de mission en Afrique (Kenya). Tout un wagon est resté fasciné jusqu'à Lyon, soit deux bonnes heures ! Magique...
Ecrit par : fanny guillot | 01.10.2006
@ coucou les filles,
aujourd'hui, pas de mecs, enfin pas de coms de mecs, entre nous, tranquilles.
merci pour vos anecdotes, vos souvenirs de voyage, en Afrique, à Madagascar, en France avec un Sénégalais, et dans un wagon du TGV avec un vieux monsieur, qui, pour faire plaisr à un enfant, egréne ses souvenirs, d'Afrique
précieux instants de chaleur, de bonheur, de ce doux bonheur fait de petites choses
je peux imaginer vos trains, vos rencontres...
c'est bien
Si vous repassez, bonne soirée à toutes!
et à tous!
Ecrit par : céleste | 01.10.2006
J'adore le train ! Fille et petite fille de cheminots, c'est normal peut-être. Durant les années où je faisais de fréquents séjours à Prague, je préférais prendre le train de nuit plutôt que l'avion pourtant si rapide. Et même aujourd'hui, je laisse toujours ma voiture à la gare de mon village et c'est en train que je file à la grande ville. C'est sympa, on discute ou on lit. C'est beaucoup plus rapide (pas d'embouteillages, ni de ponts engorgés). Et une fois arrivé, on marche ou on prend le tram ou le bus. Pas de stress, que du sourire !
Ecrit par : Bluemoon | 02.10.2006
Tiens, ben oui, voilà , je comprends mieux tes mots sur les trains.
Il faudra que je parle de train aussi chez moi un jour... mais ce sera complètement différent, puisque chez moi, il n'y a presque pas de train... étonnant non ?
Ecrit par : bertranD | 03.10.2006
Quelle classe avez vous choisie ?
Les personnes rencontrées sont trés différentes d'une classe à l'autre.
Celles qui sont susceptibles de comprendre l'anglais ne se rencontrent guére que dans les classes supérieures.
Mais leur mentalité ne différe guére, quand elle n'est pire, de celle de nos classes dirigeantes à nous, morgue et suffisance à l'égard des basses castes.
Ecrit par : borneo | 05.10.2006
@ bornéo
nous voyageons toujours en II pour les courts trajets et en sleeper non AC pour les plus longs., on y fait beaucoup de rencontres, et on trouve toujours quelqu'un qui parle anglais, sinon on communique par gestes, sourires, balancement de tête...
une seule fois nous avons pris la 2 AC pour un trajet de nuit, la clientèle était différente, plutôt moins sympathique, j'avais écrit un texte sur le sujet
http://celestissima.20minutes-blogs.fr/archive/2006/09/06/marie-claire-inde.html
mais au final, nous avons essentiellemnt rencontré des indiens de la classe moyenne , il est souvent difficile de parler vraiment avec les plus pauvres à cause de la langue, et les riches sont inaccessibles, car évoluant dans d'autres lieux et effectivement plein de morgue envers les basses castes.
Globalement, car l'une de nos plus belles rencontres a été avec un médecin, fort riche, et adorable:
http://celestissima.20minutes-blogs.fr/archive/2006/08/02/doctor-m.html
Ecrit par : céleste | 05.10.2006
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