18.01.2007
"Cinq choses que vous ne savez pas de moi" (2)
Octobre 1975, j’ai 19 ans, je décide, comme toute jeune fille moderne qui se respecte, de passer le permis de conduire.
Première étape, l’inscription à l’auto école, je choisis la plus proche et commence les leçons de conduite.
Zut ça coûte cher !
Le moniteur n’étant ni beau ni jeune ni sympathique je décide de limiter au maximum le nombre de leçons.
Novembre 1975 je réussis le passage du code.
Décembre 1975.
Il est 8heures 30, il fait un froid de canard, je tape de la semelle sur un parking désert en attendant de passer la conduite.
L’inspecteur arrive, il est grand, maigre et aussi glacial que la brise qui s’infiltre sous mon manteau. Je ressens immédiatement pour lui une vive antipathie, doublée d’une inextricable sensation de peur.
Au fur à mesure que j’opère les indispensables vérifications et règlements (siège, rétroviseurs), la panique, sournoise, me gagne.
Il m’enjoint, sans aménité, de démarrer.
Je tourne la clé, j’enclenche tant bien que mal la première, le lâche les pédales… la voiture hoquette et s’immobilise.
La seconde tentative, sous l’œil déjà agacé du Monsieur, se révèle tout aussi infructueuse.
Il soupire.
Heureusement, au troisième essai la voiture daigne enfin m’obéir et nous partons à l’aventure dans les rues de Châteauroux encombrées par le trafic matinal, moi agrippée au volant qui glisse entre mes mains moites, lui dardant sur ma personne un regard noir que je qualifierais volontiers de méchant.
Au bout d’une dizaine de minutes, le désastre que je pressentais est avéré. Je tremblote, je suffoque dans mon manteau, que je n’ai pas eu la présence d’esprit d’enlever avant le départ, je cale à deux reprises, je rate le créneau et de retour au parking il me tend, sans surprise, le papier numéro deux, qui atteste de mon échec.
Suite à quoi il m’explique brièvement que je n’ai pas les qualités requises.
Fin du premier épisode.
Février 1976
Après quelques leçons de conduite, j’ai de nouveau rendez-vous avec un inconnu sur un parking pour tenter de réussir là où j’avais échoué.
Pas de bol, l’inconnu n’en est pas un, mais bel et bien l’inspecteur de la première fois.
Me reconnaît-il ?
Je ne saurais le dire, mais il n’est pas plus aimable que la fois précédente, et, déçue de ce mauvais coup du sort, j’accumule les fautes.
Je traîne de longues minutes au milieu d’un carrefour en bloquant la circulation car, victime d’une fâcheuse (mais courante en ce qui me concerne) amnésie, je ne sais plus où sont ma droite et ma gauche. J’oublie passer la quatrième sur les boulevards et, cerise sur le gâteau, mon démarrage en côte est tellement calamiteux qu’il doit intervenir.
Retour sur le parking, imprimé numéro deux, remontrances, au revoir mademoiselle.
Avril 1976
Le sort s’acharne, me voici encore en compagnie du grand maigre mal aimable, enfermés dans une R5 qui refuse d’obtempérer à mes ordres.
Lui et moi faisons toujours mine de ne pas nous connaître, mais au fond de moi je doute qu’il ne m’ait pas identifiée. Le doute, c’est bien connu, peut paralyser même les meilleurs conducteurs (ce qui n’est pas mon cas, soyons lucides), l’angoisse monte et je m’engouffre sans l’ombre d’une hésitation dans le premier sens interdit venu.
7 minutes plus tard l’affaire est pliée, il me tend le papier number two, en silence, à quoi bon épiloguer.
Juin 1976.
Cette fois je suis remontée à bloc, je n’ai pris que trois leçons supplémentaires, mais mon papa m’a fait conduire et estimé que j’étais capable. Si mon papa le dit, c’est que c’est vrai !
D’ailleurs, innocemment confiante, j’ai vidé mon compte en banque pour acheter une voiture, une Mini Austin beige, d’occasion, qui se morfond dans le garage de mes parents.
Cette fois, on va voir ce qu’on va voir !
Mais je dois être victime d’une malédiction, car, parmi les 5 inspecteurs qui sévissent à Châteauroux, on m’a encore attribuée le grand maigre.
Qu’importe, aujourd’hui la chance est avec moi, je le sens.
Et je dois dire qu’à ma grande satisfaction et malgré la trouille que m’inspire le Monsieur, je suis contente de ma prestation.
Lui pas.
Il me tend le fatal imprimé et commence à m’expliquer, d’un ton sec, que mon manque de confiance me rend dangereuse pour les autres usagers.
C’en est trop, je bondis hors de la voiture, je claque violemment la porte et, en larmes, cours me réfugier dans les bras de Charlie, mon amoureux du moment, qui, compatissant, avait suivi le parcours dans sa 4L
Octobre 1976
Je m’acharne. « Encore vous Mademoiselle ? » me lance le grand maigre, que je considère désormais comme un sadique échappé de l’asile. Déstabilisée, et atterrée par ce nouveau coup du sort, j’effectue un démarrage impeccable (de frein), mais sans avoir bouclé la ceinture de sécurité.
Le traitre ne dit mot.
Je ne me rends pas compte de mon oubli.
La R5 ronronne, et la confiance monte en moi comme le lait chaud dans la casserole, c'est-à-dire qu’elle ne tarde pas à déborder.
J’ignore superbement une priorité à droite, il appuie brutalement sur ses pédales, la voiture s’immobilise d’un coup, et je prends le volant dans l’estomac.
Je m’écrie « Aïe !! »
Il dit « Première à droite ! »
Deux minutes plus tard, en larmes, comme d’habitude, j’ai entre les mains le maudit papier numéro deux.
Je comptabilise désormais cinq échecs successifs, à l’Ecole Normale, tout le monde rigole, j’ai pulvérisé le record du nombre de ratages, je dois repasser le code, et des araignées ont tissé leurs toiles dans la Mini.
Janvier 1977Je réussis pour la seconde fois l’épreuve du code, mais vu la situation, je me garde bien de parader.
Février 1977
Mon papa prend sa plume pour s’étonner du fait que sa fille, en cinq tentatives infructueuses de permis de conduire, n’ait eu à faire qu’à un seul examinateur, et demande, fort respectueusement à Monsieur le sous-préfet, s’il serait possible d’envisager, pour la prochaine tentative, un changement d’inspecteur.
Mars 1977
Incroyable mais vrai, c’est encore lui !
A sa vue les bras m’en tombent et mon courage vacille.
Mais voilà qu’il est moins désagréable, sa mine est moins accablée, il ne soupire plus, me rappelle que le port de la ceinture est obligatoire, hoche du chef à chacune de mes manœuvres, m’encourage à persévérer pour terminer un créneau que je croyais mal engagé.
Je prends confiance, résiste à la tentation de passer au orange, respecte la priorité à droite, passe la quatrième au moment voulu, et m’autorise même le dépassement d’une camionnette.
Et là, c’est le triomphe, mes mérites enfin reconnus, je quitte le parking détentrice du permis conduire que j’ai passé 6 fois.
Et je passe le relais au blog Allons Enfants.
21:15 Publié dans Souvenirs, souvenirs | Lien permanent | Commentaires (15) | Envoyer cette note
Commentaires
Eh bien je ne dois pas etre une "jeune fille moderne qui se respecte" parce que je n'ai pas le permis...
A cela, une bonne excuse : je veux lutter contre l'insécurité routiere, et déja que sur mon vélo, la derniere fois j'ai percuté une voiture en stationnement, imagine en voiture...
Sinon, au fait, c'est quel age la retraite pour les inspecteurs ?!
Ecrit par : Bruno Lamothe | 18.01.2007
enfin la seconde !
avec mon impatience je me morfondais - impatience qui fait que je suis une de ces infirmes du monde contemporain : je n'ai pas mon permis.
A 18 ans dix leçons, le code (nous y en a être intelligente) et un bonhomme dont je ne sais s'il était petit ou grand, bien trop émue pour le voir - ça a commencé exactement comme toi, sauf que je n'ai jamais démarré oubliant qu'il existait un truc nommé frein à main. Le sale bonhomme s'est fichu de moi et m'a poliment ouvert la porte.
C'était cher, j'étais fauchée et puis je n'aurais su que faire d'une voiture et j'en suis resté là.
Tu es une championne tu vois
Ecrit par : brigetoun | 18.01.2007
J'ai passé mon permis à Tamatave, ville complétement plate (donc très bien pour les démarrages en côte) avec mon instructeur assis derrière moi qui me faisait du pied sous le siège à chaque fois qu'il fallait changer de vitesse. Puis le permis-moto à Meknes ( sans épreuves de nuit ni de slalom) . Je me suis empressée de les faire transformer en permis français.
Et je les ai eus les deux du premier coup, Céleste !
Ecrit par : amarula | 18.01.2007
Euhhh, au fait, si on était logiques, le (2) devrait etre le (1), puisque quand tu décides d'insulter un prince monégasque, tu as une voiture...
;-))))
Ecrit par : Bruno Lamothe | 18.01.2007
Le jour où on sera en voiture ensemble, c'est moi qui conduis, tu ne m'en voudras pas ;-)
Heu, moi je l'ai eu du preum's à 18 ans et 3 semaines, avec douze heures de cours et je suis reparti avec les félicitations de l'inspecteur...
12 heures, c'est aussi ce qu'il m'avait fallu pour être "lâché" en avion... 2 ans plus tôt.
6 fois... Vache, j'ai du mal à y croire :-D
...En fait je n'y croirais pas si je n'avais pas eu une copine qui a laissé tomber (fauchée) au 4ème échec après plus de 60 heures de cours...
Ecrit par : Swâmi Petaramesh | 18.01.2007
Quel suspens! Bien raconté mais cela a du être une torture!
J'ai mon permis mais je suis incapable de conduire, de toute façon je n'ai jamais aimé cela.
Ecrit par : enriqueta | 18.01.2007
Que faut-il faire pour acceder a la page web claudinet ?
Ecrit par : amarula | 19.01.2007
J'ai eu mon permis à 18 ans à la première fois mais je ne m'en vante pas pour autant : je n'aime pas conduire, je le fais le moins possible, (mais ça peut rendre service) je ne suis jamais dans la bonne vitesse, la voiture tousse quelques fois.
Ecrit par : tanette | 19.01.2007
pfffffffffff de toute façon je l'ai eu du premeir coup, mais j'avais une copine dont le pater avait une auto ecole ... donc ça compte pas ...
par contre compte pas sur nous hein, on a jamais marché dans le truc des bloggeurs ... en plus on affiche ouvertement qu'on est pô un blog, et qu'on respecte rien , côté convenances :o)))
Ecrit par : les marques | 19.01.2007
merci merci pour vos coms et vos souvenirs
je signale aux esprits moqueurs que depuis j'ai appris à conduire et que je le fais fort bien...pas un seul accident...
comme quoi!
@les marques
caramba, trop rapide, soumission sociale était mon prochain choix,
raté!
:-)
@bruno lamothe-qui-fait-le-malin
vu que t'as tout suivi et que tu chipotes sur l'ordre, j'ai une petite question:
j'étais où en juillet/ aout 1976?
:-))
Ecrit par : céleste | 19.01.2007
@ Celeste : Tu faisais du tourisme en Inde, ou dans un autre pays dont je suis amoureux ???
Non, parce que si c'est ca, c'est indécent !
Ecrit par : Bruno Lamothe | 19.01.2007
Mais non, j'étais au japon! http://celestissima.20minutes-blogs.fr/archive/2007/01/07/en-kimono.html
faut suivre...
:-))
Ecrit par : céleste | 20.01.2007
Espece de ****** ! Parce que tu crois que je ne suis pas amoureux du Japon ? !
Tu crois que je n'ai rien d'autre a faire que d'apprendre par coeur toutes les dates de tes textes magnifiques ?
Tu noteras quand meme que je savais que tu étais en voyage !
;-)))
Ecrit par : Bruno Lamothe | 20.01.2007
Ah Céleste, tu as mis du temps à l'avoir, mais au moins toi tu conduis, et tu sais conduire !!! Bravo.
(Merci de ton commentaire sur le même sujet chez moi, hélas je ne peux pas me vanter de savoir conduire !)
Ecrit par : Fauvette | 22.01.2007
oui ben voila je suis tombée sur ton site par hazard ! en fait pas vraiment j 'ai échoué quatre fois mon permis et la sans grands espoirs j'attend le dernier résultats! celui qui me dira tu dois tout recommencer!
je te comprend au dela de ce qu il est possible d immaginer j ai le noir sur mon permis depuis le debut et plus je tente plus je perd confiance!
Ecrit par : harmonie | 25.05.2007
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