Vivek et Sunitha
Désormais la maison est pleine. Malgré les
difficultés et les déconvenues le bilan de ces deux années est globalement
positif.
Les enfants vont régulièrement à l’école, ils sont en bonne santé (à part
Achu) et ils sont vifs et joyeux.
Les mamans travaillent, elles sont elles aussi en bonne santé et la maison
est bien tenue (standard indien).
Ouf !
Ammachi, Sindhu, Seelvy, Sunitha
Quant à nous, nous sommes très attachés à ce petit bataillon et aider à résoudre les problèmes fait partie de nôtre tâche.
Vivek, Vineeth, Achu, Manu
Les disputes sont inévitables, comme dans
n’importe quelle communauté. Ces femmes n’ont pas été éduquées pour vivre
ensemble.
Elles étaient destinées à rester des épouses au service du mari et des
beaux-parents, comme le veut la coutume.
Lorsqu’une jeune fille se marie elle quitte définitivement sa famille pour
entrer dans une autre où elle occupera la place la plus défavorisée. Il
n’est pas question que la belle-fille se révolte contre l’autorité de ses
beaux-parents et, très souvent, la belle-mère fait subir à la jeune femme ce
qu’elle-même a dû supporter dans sa jeunesse. Au fur à mesure que les
anciens vieillissent le rôle de la femme au sein de la famille devient plus
important. Si les parents sont malades ou impotents, c’est elle qui doit
s’en occuper. A la mort de la belle-mère, la responsabilité des affaires
domestiques incombe enfin à la belle-fille, sauf si les frères aînés et
leurs familles vivent aussi sous le même toit. Dans ce cas c’est la première
mariée qui détiendra le pouvoir.
Les fils qui vivent au domicile parental restent sous l’autorité paternelle
jusqu’à la mort de celui-ci, ou la vieillesse si elle est invalidante.
Nos mamans, qui ont été (ou auraient été) des
épouses soumises et silencieuses, acceptant sans rechigner les contraintes
et les humiliations, se retrouvent dans une situation totalement inédite,
qui est la vie dans une communauté qui n’est ni familiale, ni hiérarchisée.
Il n’y a pas d’obligation de se taire ou de courber l’échine. La parole,
subitement libérée, peut donc s’exprimer dans toute sa force.
Sindhu
Au sein des villages et partout dans le monde probablement, les disputes de voisinage sont fréquentes. Dans la Casa delle Mamme, c’est la même chose mais à cause de la promiscuité (bien que la maison soit grande et que chaque famille ait sa propre chambre dont la taille est supérieure à celles de leurs demeures précédentes), les chamailleries prennent rapidement de l’ampleur.
C’est pourquoi je pense qu’il faut relativiser l’importance des disputes. Il me semble que les mamans et Ammachi sont conscientes d’être dans une situation parfois difficile, certes, mais nettement plus agréable et aisée que dans leurs vies antérieures.
Mekha et Deepty
Par contre nous devons être plus vigilants en ce
qui concerne l’alimentation et la santé des enfants. Habituées à vivre de
peu et à ne pas attacher d’importance aux maux qui leur paraissent mineurs,
les mamans négligent des règles sanitaires simples. L’alimentation n’est pas
assez variée, les bobos insuffisamment soignés.
Nées dans des cabanes et peu éduquées (particulièrement Ammachi, née juste
après l’indépendance de l’Inde) ces femmes ont peu de notion d’hygiène de
vie.
Nous n’entendons pas leur dicter notre façon de vivre, mais les aider à
améliorer la santé et la qualité de l’éducation de leurs enfants.
Nous avons décidé, en accord avec Namaste, de leur imposer des menus
hebdomadaires et l’obligation de signaler au bureau tous les problèmes de
santé, même si ils leur semblent sans importance.
Selvy
Parmi les difficultés que nous rencontrons à la Casa delle Mamme, le problème de la langue est un sérieux handicap. Aucune d’entre elles ne parle anglais, les enfants n’en connaissent pour l’instant que quelques mots. Une fois épuisé notre stock de mimiques et les quelques mots de malayalam que nous connaissons (tata : au revoir et panit : fièvre), la discussion tombe très très vite. Par conséquent nous devons toujours avoir l’aide d’un traducteur, en l’occurrence généralement une traductrice, Sasikala (que, malgré tout, j’aime beaucoup). Malheureusement la confiance que nous lui accordions s’est singulièrement amenuisée ces derniers temps et nous lorsque nous communiquons avec les habitants de la Casa delle Mamme il nous est impossible d’évaluer le degré de fidélité des traductions sasikaliennes.
Anju, Sasikhala, moi, Deepty
Le malayalam est une langue dravidienne, proche
du tamil et parfaitement incompréhensible.
Le débit des paroles est tellement rapide que celles-ci semblent ne former
qu’une interminable phrase, dévidée sur un ton qui nous semble tellement
monotone que nous ne sommes même pas en mesure d’avoir la plus petite idée
ni de l’argument traité, ni de l’état d’esprit du parleur.
Selvy et Chinchu
Même les prénoms sont compliqués et curieusement attribués, comme si celui de l’aîné servait de base, ceux des autres n’étant que des variations sur un même thème.
Par exemple, dans la Casa delle Mamme, nous
avons la famille des « Vi », Vivek et Vineeth, la famille des «Su-i-a »,
Surya, Sunila, et la famille des « u » (prononcer « ou »), Chinchu, Anju,
Achu, Manu.
Heureusement Deepty est fille unique !
Vineeth, Deepty, Vivek
A l’inverse ils ont du mal à mémoriser certains de nos prénoms ou de nos mots. La Casa delle Mamme a été rebaptisée Fabio’s house. Le mot Fabio ne présentant pas de difficultés phonétiques. En ce qui me concerne, incapables de prononcer mon prénom, Claudine, devenu dans le meilleur des cas “Gloudina”, tous, y compris Ammachi, m’appellent « Mummy »
Vineeth
Aider ces familles en détresse est une simple et
modeste manifestation de solidarité humaine.
Nous n’attendons rien d’autre en retour que le plaisir de voir les enfants
accéder à une vie meilleure que celle de leurs ascendants.
Qu’ils deviennent des êtres libres, éduqués, solidaires.
Surya, Deepty, Sunila, Anju